Daech multiplie les succès militaires foudroyants en Irak

Des centaines de jihadistes se sont emparés hier en quelques heures de la totalité de la province de Ninive, entre autres, dans un contexte sécuritaire chaotique, alimenté par les querelles politiques, les tensions confessionnelles sunnites/chiites, ainsi que le conflit en Syrie voisine.

Avant l'aube, des centaines d'hommes armés ont lancé l'assaut contre Mossoul et réussi, après des combats avec l'armée et la police, à prendre le siège du gouvernorat, les prisons et les télévisions, selon des responsables. Après que les insurgés eurent annoncé « via des haut-parleurs être venus libérer » la ville et qu'ils combattraient « seulement ceux qui les attaqueront », « des membres de l'armée et de la police ont ôté leurs uniformes », a indiqué un responsable qui a requis l'anonymat. Il a ajouté que « les postes de l'armée et de la police étaient désormais vides » et que les hommes armés avaient « libéré les détenus ». « Toutes les unités militaires ont quitté Mossoul et les habitants ont commencé à fuir » par milliers vers la région autonome du Kurdistan, a confirmé un officier de haut rang en affirmant que c'était Daech (État islamique en Irak et au Levant – EIIL), aidé d'autres groupes jihadistes, qui avait pris Ninive, province pétrolière sunnite. Le groupe a d'ailleurs revendiqué sur Twitter les attaques menées à Ninive et affirmé avoir saisi des armes par milliers.
Plus tard dans la journée, les jihadistes ont également progressé dans une autre province du nord du pays, celle multicommunautaire de Kirkouk où ils se sont emparés de plusieurs secteurs, dont Hawija. Le chef du conseil du district de Hawija, Hussein al-Joubouri, a indiqué que des soldats auraient apparemment reçu l'ordre de partir, permettant aux insurgés de prendre possession des lieux.

De même, ils ont pris le contrôle de Siniyah et Souleimane-Bek, deux secteurs de la province de Salaheddine, au nord de Bagdad, selon un général de l'armée. Rappelons que Daech contrôle déjà Fallouja et plusieurs autres secteurs de la province occidentale d'al-Anbar, à majorité sunnite et voisine de Ninive, alors que le pays, qui ne connaît pas de répit depuis l'invasion menée par les États-Unis en 2003, est emporté depuis plus d'un an dans une spirale de violences.

(Lire aussi: Daech déterminé à établir un État islamique entre la Syrie et l'Irak)

Suite à l'avancée des jihadistes, des centaines de familles ont pris le chemin de l'exode, chargées, à pied ou en voiture. Un journaliste de l'AFP fuyant lui-même Ninive avec sa famille a fait état de commerces fermés, d'un commissariat incendié, de véhicules des forces de sécurité brûlés ou abandonnés. Au Kurdistan, un autre journaliste de l'AFP a rapporté l'afflux de milliers d'habitants fuyant Mossoul. Plusieurs dizaines de voitures et camions attendaient devant le point de contrôle à l'entrée de cette région, ainsi que des familles à pied chargées de sacs plastique avec de jeunes enfants et des poussettes. Le gouverneur d'Erbil, une des trois provinces du Kurdistan, Nouzad Hadi, a en outre annoncé que la région allait ouvrir un camp pour accueillir les déplacés.

« Menace dangereuse »
Face à cette percée des rebelles sunnites, qui ont en outre mené des attaques à Baqouba (20 morts) et à Bagdad (9 morts), le gouvernement du chiite Nouri al-Maliki a annoncé « une cellule de crise pour superviser le volontariat et l'armement » des citoyens prêts à combattre l'insurrection, et sa décision de « réorganiser » les forces de sécurité. Le chef du Parlement, Oussama al-Noujaïfi, a pour sa part appelé « à l'unité nationale (face) à une invasion de l'Irak par des forces étrangères ».

Du côté occidental, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, s'est dit « très inquiet » de cette avancée des jihadistes, tandis que Washington soulignait que Daech « représente une menace pour la stabilité (...) de toute la région ». Les États-Unis ont également plaidé en faveur d'une « réaction ferme et coordonnée » pour reprendre Mossoul, et se sont dit prêts à fournir à Bagdad toute l'aide nécessaire pour la mener à bien.
Pour le professeur de sciences politiques Aziz Jabr, « la chute de Ninive constitue une menace dangereuse pour la sécurité nationale irakienne ». « Les commandants militaires ont fui » les zones de combats, signifiant selon lui que les forces armées ont été « infiltrées » par les rebelles.

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