Un voyage de retour au Liban chargé de symboles.
Il ne peut pas vivre sans la mer, les sports de plein air et la nature luxuriante de Rio de Janeiro. Il pratique le jiu-jitsu et il est adepte de surf. Les tatouages qu'il porte sur le corps déclarent son amour pour sa famille et sa foi en Dieu. Il s'appelle Pedro Ganem Salomão et il est l'un des plus grands supporters de Rio de Janeiro. En voyant le profil de Pedro, on pourrait croire qu'il est 100% Carioca, au moral comme au physique. Mais ce n'est pas le cas! Pedro ne cache pas son attachement et son admiration pour le Liban. Ce qui n'a pas manqué de nous surprendre, car l'ascendance libanaise de sa famille remonte à ses arrière-grands-parents maternels. Pourtant, malgré cet écart de générations, il n'oublie pas ses origines et il en est même très fier.
Après des études de gestion et un master en sociologie politique, Pedro est aujourd'hui directeur exécutif de Rádio Ibiza, au sein de laquelle il a créé le concept d'identité musicale, transformant ainsi complètement la relation de la musique avec les marques. L'entreprise qui comptait une douzaine de clients en 2007 en a plus de mille actuellement. Si on fait la somme de toutes les boutiques des marques souscriptrices, la programmation de Rádio Ibiza est diffusée dans approximativement 4000 points de vente.
Voici l'entretien qu'il a accordé à L'Orient-Le Jour :
L'Orient-Le Jour : Vous avez déclaré que le Liban est le second plus bel endroit que vous ayez visité dans votre vie. Même si ce n'est guère difficile à deviner, quel est donc le premier?
Pedro Ganem Salomão: Rio, bien sûr, mais le Liban est presque à égalité. Nos deux pays ont de nombreux points communs, et c'est sans doute pour cette raison que mes arrière-grands-parents ont choisi de s'installer au Brésil. La mer m'inspire et me calme. Pour moi, elle est comme un élixir d'équilibre. La Méditerranée qui baigne Beyrouth et Byblos est aussi magique que l'Atlantique de «mes» plages de Copacabana et d'Ipanema. Je suis tombé amoureux du Liban. J'y ai vu de la beauté dans les regards, chez les gens et dans leurs sentiments. J'ai trouvé extraordinaire de skier tout en regardant la mer Méditerranée tout en bas. J'ai été ému aux larmes par la visite du sanctuaire de Notre-Dame du Liban à Harissa. Je me suis souvenu de mes ancêtres et de leur histoire quand j'ai visité Zahlé. Finalement, j'ai été gratifié d'un coucher de soleil sur les quais de Byblos que je n'oublierai jamais. La cuisine libanaise est délicieuse, quel que soit l'endroit où l'on se rend.
Ni votre père ni votre grand-père ne sont nés au Liban. Pourtant, vous avez gardé des liens étroits avec la culture libanaise. Comment expliquez-vous que certains descendants de Libanais, parfois même de première génération, aient perdu le lien avec leurs origines?
Différents facteurs entrent en jeu. Dans mon cas, maintenir ces liens ne fut pas difficile, car mon père et ma mère sont d'origine syro-libanaise. La famille a un rôle capital dans la transmission de la culture. Malheureusement, celle-ci n'a pas la même importance au Brésil qu'au Liban. C'est pourquoi de nombreuses personnes qui n'ont qu'un seul parent d'origine libanaise finissent par oublier ces valeurs. En revanche, quelqu'un qui a la chance de naître au sein d'une famille unie participera forcément à des repas arabes, fréquentera des clubs libanais, se rendra à l'église maronite, orthodoxe ou melkite et écoutera ses parents et ses grands-parents lui parler de l'histoire de sa famille. Dans le cas contraire, les coutumes et traditions se perdront. En plus, les rapprochements ne sont pas facilités car rien n'est fait pour favoriser les voyages entre nos deux pays. On a tendance à oublier qu'il y a davantage de Libanais au Brésil qu'au Liban!
Qu'avez-vous éprouvé en visitant Zahlé et Byblos, la région d'origine de vos arrière-grands-parents maternels? Quelle est leur histoire et pourquoi ont-ils émigré au Brésil?
Ce fut un des moments d'émotion les plus intenses de ma vie. Mon grand-père paternel était originaire de Homs, en Syrie. J'avais l'intention de m'y rendre en voiture depuis Zahlé, mais j'ai dû y renoncer à cause de la guerre. Cette seule visite à Zahlé a été cependant un don du ciel. Mes arrière-grands-parents ont émigré au Brésil à la fin du siècle dernier, afin de fuir la domination de l'Empire ottoman. Mon arrière-grand-père, Wadih, est arrivé ici à vingt ans avec Muntaha, son épouse, qui en avait seize. Ils ont fait venir leurs frères et sœurs plus tard. Wadih était un homme très sérieux et élégant. Il a travaillé dans le textile, puis dans une compagnie d'autobus et dans le commerce. Mon arrière-grand-mère et lui ont eu neuf enfants et treize petits-enfants. À la fin de sa vie, il a démoli la maison où il vivait afin de construire un immeuble. Il est mort avant de le voir terminé, mais en laissant un logement à chacun de ses enfants. Pedro Ghanem, mon arrière-grand-père paternel, a vécu à São João del-Rei, dans l'État du Minas Gerais, avant de venir s'installer à Rio de Janeiro et de monter un commerce dans la rua da Alfândega. Il a eu sept enfants et quatorze petits-enfants avec son épouse qui est morte jeune à l'âge de quarante ans. Cette branche de ma famille a participé à la fondation du célèbre Clube Monte Libano de Rio de Janeiro.
Vous avez visité le sanctuaire de Notre-Dame du Liban à Harissa. On le compare souvent au CristoRedentor de Rio de Janeiro. Peut-on également comparer la foi des Brésiliens à celle des Libanais?
Tout à fait ! C'est l'impression que j'ai eu lors de mon voyage au Liban. Le Christ ici et Marie là-bas ! Mes deux plus grandes passions dans les deux pays que j'aime le plus au monde ! Nous nous ressemblons beaucoup pour ce qui est de la foi. Les Brésiliens et les Libanais sont croyants et donc optimistes. Sauf que le Brésil est plus tolérant et la cohabitation œcuménique plus facile.
Rádio Ibiza transforme la musique en un instrument de communication présent à la fois sur les points de vente de la marque et dans tous ses circuits virtuels. Existe-t-il une demande pour la musique arabe?
Nous diffusons parfois de la musique arabe, mais la demande du public est peu importante. N'empêche que j'aimerais beaucoup que des artistes de la région m'envoient leurs compositions. Je les écouterai avec attention et je ferai mon possible pour les lancer au Brésil. Vous pouvez nous envoyer vos morceaux sur mon e-mail: pedro@radioibiza.com.br
Quelle serait votre bande son pour le Liban?
Il y en aurait plusieurs. En cet instant, je dirais quelque chose de calme et d'apaisant. De la musique classique, par exemple. Cela évoque la part importante que le Liban a eue dans la construction du monde. À la fois la tradition et la stimulation des sens. Oui, je me vois parfaitement me promener à Beyrouth, sur la corniche ou dans la foule du quartier de Hamra, ou encore parcourant les vieilles rues de Byblos en écoutant de la musique classique...
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