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Économie - Liban - Énergie

« Le Liban risque d’être exclu des accords gaziers régionaux s’il prend trop de retard »

L'École supérieure des affaires de Beyrouth (ESA) a accueilli hier un forum sur le « pétrole et le gaz : richesse nationale du Liban ». Entretien avec l'un des intervenants, Patrick Gougeon, directeur scientifique d'un mastère spécialisé en « Energy Management » récemment initié en partenariat avec l'IFP School et la BI Norwegian Business School à Oslo.

Le retard pris par le Liban dans le processus d'appel d'offres pour l'attribution des licences d'exploration aura-t-il des conséquences sur l'intérêt des compagnies internationales pour le gaz libanais ?
Les compagnies concernées ne sont pas très surprises par ces reports successifs. Ce qui arrive était déjà prévu. Les grandes entreprises qualifiées ont les moyens d'attendre. La menace réelle, en revanche, est que le Liban prenne du retard dans une nouvelle configuration qui se mettrait en place, et qu'il soit exclu de certains accords et arrangements entre acteurs régionaux, voire internationaux, notamment pour exporter le gaz.

Il existe actuellement beaucoup de projets sur la table dont un projet, encore non conclu, de construction d'un grand centre de liquéfaction à Chypre, auquel seraient liés des gazoducs sous-marins pour l'acheminement du gaz. Les discussions entre Israël et Chypre concernant ce projet sont déjà à un stade avancé, tandis que les Européens suivent désormais l'affaire de plus près depuis la crise en Ukraine. La concrétisation de ce projet dépendra néanmoins des quantités de gaz en réserves qui détermineront la viabilité économique d'un tel investissement.

Un autre projet en gestation porte sur la construction d'un gazoduc reliant Chypre à la Grèce afin d'exporter le gaz naturel liquéfié (GNL) vers l'Europe. Si le Liban ne se prépare pas dès à présent à ces échéances, il sera peut-être moins facile de prendre le train en marche à l'avenir.

(Lire aussi : Gaz et pétrole, des richesses à gérer avec précaution)

Le Liban ne peut-il pas liquéfier le gaz sur son propre sol et l'exporter sans passer par Chypre, le cas échéant ?
Les coûts de liquéfaction sont très élevés et il n'est pas sûr que le Liban puisse le faire seul. Les craintes sont justement que les quantités de gaz chypriote et israélien ne suffisent pas pour justifier les coûts liés à l'infrastructure à Chypre. Or, la liquéfaction est, de nos jours, un passage obligé car elle permet d'exporter le gaz dans n'importe quel pays et de le vendre dans les zones où le prix est le plus élevé. Le Liban a donc intérêt à ne pas se contenter d'exporter du gaz brut, d'autant qu'à l'heure actuelle, la construction de gazoducs terrestres via la Syrie n'est pas envisageable. L'alternative au projet chypriote serait donc d'aménager des centres de liquéfaction en mer, les Floating Liquefied Natural Gas (FLNG). Ces grands bateaux, que la compagnie Shell est sur le point de lancer, sont notamment conçus pour les gisements profonds loin de la côte.

Quelles sont les premières leçons à tirer d'un point de vue commercial des débuts de l'exploration en Israël et à Chypre ?
Les résultats sont assez prometteurs. Plus de la moitié des réserves découvertes en Israël seraient exportables. Il n'y a pas de raison pour que la donne soit différente au Liban, même si nous ne disposons pas encore de chiffres exacts.

Qu'en est-il de l'impact de la crise ukrainienne sur l'intérêt pour le bassin levantin dans le marché mondial du gaz ?
Cette crise va sans doute accélérer en Europe le processus de quête d'alternatives au gaz russe et accentuer l'intérêt pour les ressources gazières dans le bassin est de la Méditerranée. Les projets en gestation dans la région pourraient avancer plus vite que prévu. Mais il ne s'agit pas de la seule option pour l'Europe. Le gaz de schiste américain en est une autre, même si la capacité d'exportation à long terme n'est pas encore confirmée. On assiste également dans certains pays d'Europe, comme l'Allemagne, à une résurgence du charbon pour augmenter l'autonomie et combler par ailleurs la baisse prévue des activités nucléaires.

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