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Nos Lecteurs ont la Parole - Adib Y. TOHMÉ

Trois scénarios possibles pour la présidentielle

Vingt-six ans après les accords de Taëf, nous vivons toujours dans le chaos. Les élections présidentielles demeurent le résultat d'un compromis entre la Syrie, l'Iran, l'Arabie saoudite et les États-Unis et ce sont toujours les mêmes visages et les mêmes personnes qui se disputent le pouvoir. Vngt-six ans de perdus, comme si le paysage politique était resté figé sur un désert infini.
En termes économiques, 26 ans après, nous manquons d'eau, d'électricité et de réseaux routiers mais nous avons une profusion de voitures, de projets immobiliers et de centres commerciaux. Nous avons déconstruit le citoyen pour construire des consommateurs et des courtisans. En 26 ans, la dette publique a atteint des niveaux record, ce qui nous a donné l'illusion d'une croissance économique. En fait, ce qui a progressé, c'est l'immigration, le chômage, la pauvreté et la corruption. La violence des armes n'a pas cessé. Elle fut démultipliée et amplifiée par celle de l'argent, ce qui a conduit à l'aggravation des inégalités... Le modèle libanais qui fut créé après la Seconde Guerre mondiale a pris fin et aucun modèle alternatif n'a vu le jour pour le remplacer. Nos crises multiples ont découlé de ce vide d'idées et de propositions durant une interminable période de transition. C'est le déni des vrais problèmes, la fuite devant ce qui est évident, ce qu'on s'obstine à ignorer, par léthargie et surtout par manque de courage.
L'élection présidentielle se déroule cette année au Liban, comme en Syrie, en Égypte ou en Algérie. Trois scénarios sont possibles.
D'abord, les élections n'auront pas lieu. C'est le vide. Cela signifie qu'aucun compromis international n'a été atteint concernant l'identité du président et que la crise est appelée à durer. Dans ce cas, les événements peuvent se succéder sans qu'on puisse présager de leur aboutissement. La conséquence immédiate serait la dégradation de la note des banques libanaises par les agences de notation. Ce qui aura pour effet d'accroître le coût de financement et par ricochet d'augmenter le taux d'intérêt des prêts bancaires aux secteurs privé et public. Les banques rechignent à prêter et la récession s'aggrave. Sans courage politique à sa tête, et prenant des décisions populistes comme l'adoption de la grille des salaires sans faire face à la corruption, le Liban laisse filer sa dette et le poids de ses dépenses publiques rapportées au PIB et exporte sa croissance, sa jeunesse, ses talents et ses capitaux à l'étranger. Le déficit du budget et de la balance des paiements se creuse et les réserves en devises étrangères s'évaporent. C'est la faillite et l'effondrement généralisé.
Ensuite, le scénario de l'élection d'un président « normal », un président de deuxième rang, celui qui appartient à la caste politique et qui est accepté par tous. Ce président n'a pas de projets ni les pouvoirs nécessaires pour mener à bien sa mission. D'ailleurs, les accords de Taëf ont dépossédé le président de ses pouvoirs. Sa fonction est de gérer la crise en attendant l'issue de la guerre en Syrie. L'élection d'un président normal va apaiser les Libanais pour une courte durée et un essor économique fictif aura probablement lieu. Les banques reprendront le financement de l'immobilier et l'acquisition de voitures et surtout l'investissement fortement lucratif dans les bons de Trésor. La dette redeviendra le seul moteur d'une fausse croissance. Mais quelques années plus tard, le modèle retombera dans sa torpeur. Ce sera la banqueroute, préalable nécessaire au redressement. En somme, le scénario précédent, mais en ralenti.
Le troisième scénario est ma proposition. Après l'élection d'un nouveau Parlement, choisi sur la base d'une loi facilitant l'entrée dans l'hémicycle d'une jeunesse libre, cultivée et compétente, tous les partis s'accordent sur un projet commun pour le Liban et signent un pacte pour le Liban comprenant un agenda détaillé des actions qu'il faut mener pour redresser le pays. Ensuite, les députés élisent un nouveau président de la Chambre puis un président de la République. Ce dernier se présentera sur la base d'un projet et d'une ambition collective comprenant les valeurs sur lesquelles se fonde le Liban et qui sont la liberté, l'égalité, la justice, la solidarité, l'ouverture et la recherche de l'excellence. Puis un Premier ministre sera nommé et un gouvernement sera constitué avec la mission de prendre des mesures courageuses de redressement structurel pour bâtir l'État dans toutes ses composantes, judicaire, militaire, administrative et institutionnelle. Et bien évidemment, il entamera un changement de cap économique et donnera la priorité aux intérêts des jeunes en encourageant la prise de risques, la création d'entreprises, l'innovation, la formation et l'éducation. Il préparera aussi la base adéquate pour que le pays tout entier tire profit des opportunités qui se présentent comme l'extraction du gaz sous-marin et la reconstruction de la Syrie.
Je t'entends dire, cher lecteur, qu'il rêve, que ça ne va jamais se passer comme ça ; la classe politique ne va pas lâcher ce qui a toujours été sa chasse gardée. Oui, je rêve. Il n'est pas interdit de rêver. Sauf à rechercher le pire pour elle-même et pour le Liban, la classe politique qui n'a pas réussi à s'adapter à la marche du temps doit lâcher prise et prendre sa retraite, pour le Liban. S'il existe un autre scénario qui puisse amener un président porteur d'un projet, d'un rêve collectif et la possibilité de le réaliser, pourquoi pas ? On est partant. Peu importe le scénario, l'objectif est de sauver le Liban. Le temps presse.

Adib Y. TOHMÉ

Vingt-six ans après les accords de Taëf, nous vivons toujours dans le chaos. Les élections présidentielles demeurent le résultat d'un compromis entre la Syrie, l'Iran, l'Arabie saoudite et les États-Unis et ce sont toujours les mêmes visages et les mêmes personnes qui se disputent le pouvoir. Vngt-six ans de perdus, comme si le paysage politique était resté figé sur un désert...

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