Rechercher
Rechercher

Culture - Festival al-Bustan

Le chant de ce rossignol qui rend la vie à un moribond

« Le Rossignol et l'empereur de Chine », un conte d'Andersen porté à l'art lyrique par Igor Stravinsky. Œuvre courte (une cinquantaine de minutes), pleine de sagesse, mais aussi de beauté sonore. C'est l'ensemble Helikon Opera qui la donne en première création à l'auditorium Émile Bustani, exclusivement conçue pour le festival, avant qu'elle ne rayonne à travers le monde.

La musique triomphe de la mort. Photo Roland Ragi

L'orchestre à l'avant-scène, juste en place et lieu des premières rangées, est sous la férule de Vladimir Ponkin. Premières mesures, rideaux encore fermés, d'un préambule entre mélancolie, frémissement de rêverie et douceur d'un monde en teintes de féerie. Et émerge, comme des brumes de rives lointaines, l'univers enchanté et exotique d'une Chine de carte postale. Avec toitures pointues et lampions en papier rouge.
Un pêcheur lance son hameçon et magnifie le clair de lune, tandis que sous ses doigts et ses mains s'allument, telles des lucioles nocturnes, des rectangles oblongs. Qui se transformeront par la suite en multiples accessoires de scène.
À noter pour ce spectacle prestement enlevé (grâce soit rendue à son directeur artistique Dmitri Bertman), les costumes, à la fois actuels et appartenant aux traditions vestimentaires chinoises, les trouvailles et l'ingéniosité d'un décor agréable, simple et d'une grande efficacité. Autant d'éléments interactifs qui sont les nerfs moteurs d'un liant qui opère subtilement son alchimie. Et offre tout le côté étincelant d'une narration où refluent tous les parfums et la magie de l'enfance. Une narration d'une farouche indépendance mêlant davantage trois tableaux que trois actes à une ébauche de chorégraphie où des pas de danses sont habilement orchestrés.
Et se déroule cette histoire à consonance enfantine (mais les adultes ont bien de leçon à en tirer !) où du pêcheur à la cuisinière, en passant par un chambellan fielleux et des courtisans peu fiables, la jalousie, la bonté et la méchanceté des êtres ont plus d'un masque.
Tout se corse quand un petit rossignol gris, aux roucoulades sublimes, enchante un empereur. Un empereur quand même tyrannique qui veut emprisonner ce volatile inoffensif, léger comme l'air. Un rossignol qui a promis pourtant de chanter à satiété selon les ordres et désir du souverain.
Pour contrer cette passion nouvelle qui ravit et rend heureux l'empereur, la flopée de comploteurs introduit à la cour un oiseau mécanique, alter ego factice et servile de celui qui dispense bonheur et joie de vivre. Le rossignol fuit. L'empereur le bannit. L'oiseau de métal, sans âme ni expression, s'avère ennuyeux dans son mutisme et sa lourdeur compassée. L'empereur se meurt de tristesse. Arrive à nouveau le rossignol, et le sourire et le goût de vivre sont rendus au moribond.
C'est cette fable, en fait bien peu innocente, déployant ses mailles débordantes de mille allusions sur la beauté absolue, la candeur, les attachements purs, l'envie, la perfidie et surtout la liberté que même une cage dorée ne saurait remplacer, qui séduit le spectateur. Dans l'aire scénique, mots, chant et musique ont de troublantes combinaisons que même l'imaginaire d'un conte ne rend pas.
Du livret en langue russe (Stéphane Mitousoff), restent ces accents âpres, hachés et gutturaux qui, mêlés aux phrases « stravinskyennes », modernes, chargées de ruptures, aux tons délibérément audacieux (omniprésence des cuivres), bien loin du sinueux bel canto mélodique italien, ont ici des éruptions, des reflets et des flambées d'un plumage fabuleux tel celui d'un oiseau de feu.
Les costumes sont ravissants. La mort tel un fantôme blanc sur échasse, l'empereur en tenue du grand Timonier Mao, le chambellan en veste ocre comme pour un défilé de Karl Lagerfeld, l'oiseau mécanique en robe scintillante version Paco Rabanne avec CD aux reflets verdâtres cousus en jupette et le rossignol, soprano aux vocalises divines, en robe grise. Ensemble baroque et harmonieux où le rossignol, campé par une jeune femme arborant presque une insignifiante chemise de nuit, captive par son chant de sirène l'attention de l'auditoire. Une délicieuse cantatrice qui incarne à elle seule le choix de la liberté à la cage dorée ainsi que le pouvoir de la musique pour triompher de la mort.

L'orchestre à l'avant-scène, juste en place et lieu des premières rangées, est sous la férule de Vladimir Ponkin. Premières mesures, rideaux encore fermés, d'un préambule entre mélancolie, frémissement de rêverie et douceur d'un monde en teintes de féerie. Et émerge, comme des brumes de rives lointaines, l'univers enchanté et exotique d'une Chine de carte postale. Avec...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut