Rechercher
Rechercher

Entre Tokyo et Pékin, une guerre d’influence qui ne dit pas son nom - Conflit

Entre Tokyo et Pékin, une guerre d’influence qui ne dit pas son nom

Parlant d'un engagement responsable face à l'évolution actuelle du monde, les autorités nippones nient toute politique d'endiguement de la Chine qui accuse le Premier ministre japonais de penchants militaristes et nationalistes.

Accusations et diatribes ne finissent pas de faire monter la tension entre la Chine et le Japon depuis quelques mois. Chaque pays accuse l'autre d'avoir initié le conflit actuel.
Les autorités chinoises accusent ainsi Tokyo d'avoir mis de l'huile sur le feu en achetant à leur propriétaire privé nippon trois des cinq îlots de Senkaku situés en mer de Chine orientale et revendiqués par Pékin sous le nom de Diaoyu.
Les tensions entre les deux voisins ont été avivées par la décision de Pékin d'imposer unilatéralement une nouvelle zone de contrôle aérien en mer de Chine orientale. Cet espace englobe évidemment l'archipel objet du conflit territorial entre les deux pays. La décision a évidemment mis en colère le Japon mais aussi la Corée du Sud. En outre, les autorités chinoises ont imposé de nouvelles restrictions sur la pêche dans les eaux de la mer de Chine méridionale, suscitant l'ire de Hanoi et de Manille.
La situation s'est encore détériorée après la visite du Premier ministre japonais Shinzo Abe au sanctuaire Yasukuni, à Tokyo. Pour la Chine et la Corée, ce lieu symbolise l'agression et l'occupation militaires nippones avant et pendant la Seconde Guerre mondiale.


« C'est la décision du gouvernement japonais qui est la cause première du conflit actuel », estime une source diplomatique chinoise sous le couvert de l'anonymat. Selon cette source, « la politique
nationaliste du Premier ministre japonais est la vraie source du problème ».
« Au-delà des pressions nationalistes issues de la population, qui sont réelles au Japon comme en Chine, c'est aujourd'hui le tournant nationaliste pris par le gouvernement japonais lui-même qui envenime la situation », renchérit Alice Ekman, analyste de la Chine à l'Institut français des relations internationales (IFRI), professeur associé à Sciences po, ajoutant qu' « en particulier, la visite du Premier ministre Shinzo Abe au sanctuaire controversé de Yasukuni – la première d'un chef de gouvernement en exercice depuis 2006 – marque un point de non-retour dans la relation entre le Japon et la Chine, mais aussi entre le Japon et la Corée du Sud, qui a également vivement réagi. Cette visite affecte durablement la stabilité régionale, qui était déjà fragile du fait des contentieux territoriaux (îles Diaoyu-Senkaku en particulier) et des orientations militaristes du gouvernement Abe » (augmentation du budget de la défense, volonté de modifier la Constitution pacifiste de 1947, héritée de l'après-guerre).


Côté japonais, des sources diplomatiques réfutent les accusations chinoises. Selon elles, « les autorités de Pékin essaient de grignoter petit à petit des avantages et des positions en vue d'élargir leur zone d'influence et de puissance ». Les sources japonaises reprennent l'exemple d'un expert qui compare l'expansion chinoise à un chou, qui croît feuille après feuille.
Toujours, selon les mêmes sources, le Japon n'a pas d'intentions belliqueuses, ni contre la Chine ni contre aucun autre pays. Tokyo exige uniquement de la part de Pékin l'application des règles de droit international et de ne pas recourir à des décisions unilatérales. Les sources japonaises appellent ainsi à plus de coordination entre les pays, ce qui n'est pas le cas actuellement.
Pour elles, la nouvelle stratégie de défense annoncée en décembre ne vise aucun pays en particulier. Cette nouvelle politique n'est que la conséquence directe de l'évolution de la situation dans le monde actuellement, avec la montée en puissance des pays émergents, la lutte pour les matières premières, la menace nucléaire et balistique de la Corée du Nord, etc.


C'est dans cet esprit que Shinzo Abe a appelé de ses vœux hier un sommet avec la Chine et la Corée du Sud, pour avoir des discussions « franches » et résoudre les tensions nées de disputes territoriales ou liées à l'histoire. En froid avec ses voisins depuis plus d'un an, Tokyo propose régulièrement la tenue d'un tel sommet, en vain jusqu'à présent. Mais Pékin et Séoul ont écarté toute rencontre, pour le moment, avec le Premier ministre conservateur dont ils condamnent ce qu'ils considèrent comme des penchants militaristes et nationalistes.


Néanmoins, « la Chine fera tout pour éviter un conflit armé avec le Japon, qui pourrait déstabiliser l'équilibre économique national », estime Alice Ekman qui ajoute à cet égard : « Mais il n'est pas exclu que Pékin mette en place des sanctions économiques, alors qu'il continue à renforcer en parallèle sa stratégie de diplomatie économique dans la région asiatique. Le ministère chinois des Affaires étrangères avait réagi à la visite de Yasukuni en déclarant que le Japon devra en "assumer les conséquences". »
Or, le conflit territorial entre les deux pays s'élargit pour atteindre l'Afrique. En effet, la Chine s'en est vivement prise au Japon, mettant en garde les pays d'Afrique contre une imminente « résurrection du militarisme japonais » et qualifiant le Premier ministre japonais de « fauteur de troubles » après sa tournée dans la région. Lors d'une conférence de presse à Addis-Abeba, au lendemain du retour de M. Abe de la première tournée africaine d'un chef de gouvernement japonais en huit ans, l'ambassadeur chinois auprès de l'Union africaine a accusé le Japon de tenter de saper la diplomatie régionale de Pékin.


Des accusations également démenties par les sources japonaises qui estiment que « Tokyo œuvre pour un engagement responsable en Afrique pour promouvoir la démocratie et les droits de l'homme, et pour soutenir le développement durable des populations africaines ». Ces mêmes sources nient enfin toute « politique d'endiguement de la Chine », estimant que le Japon, comme tous les pays du monde, a le droit de défendre ses propres intérêts dans un contexte pacifiste.

Accusations et diatribes ne finissent pas de faire monter la tension entre la Chine et le Japon depuis quelques mois. Chaque pays accuse l'autre d'avoir initié le conflit actuel.Les autorités chinoises accusent ainsi Tokyo d'avoir mis de l'huile sur le feu en achetant à leur propriétaire privé nippon trois des cinq îlots de Senkaku situés en mer de Chine orientale et revendiqués par...