Rien n'est pire que d'assassiner un livre. Ou dix. Ou cent. Ou quatre-vingt mille. Et s'il est des feux qui purifient, d'autres ramènent à des âges de pierre : stériles, vains, sales. Sur les livres, sur leur urgence et à propos de leur caractère fondamental et immarcescible, tout a été dit, filmé, peint, sculpté, mis en scène ou installé. De tout temps. Partout. Il n'empêche : même Ray Bradbury ou François Truffaut n'auraient pas imaginé que l'on puisse incendier la bibliothèque du père Sarrouj à Tripoli. Il est des femmes et des hommes qui préféreraient donner un rein plutôt que de prêter un livre. S'en prendre à un livre n'est pas seulement criminel, ou furieusement lâche : c'est un acte intrinsèquement milicien.
Rien n'est pire que d'assassiner un livre. Sauf, naturellement, les crimes contre l'humanité en général, l'être humain en particulier. Qu'on nous assassine mille fois, mais qu'il n'y ait pas une seule manifestation d'extrémisme. Un peu grandiloquente, cette colère du courant du Futur n'en reste pas moins d'une troublante sincérité. Et met dans le même et nécessaire scanner l'attentat qui a coûté la vie à Mohammad Chatah et aux cinq autres innocents, celui de Haret Hreik et celui qui a dynamité les dizaines de milliers de livres du père Sarrouj.
Rien n'est pire que le salafisme/takfirimse/jihadisme – peu importe le label que l'on donne à cet extrémisme-là et quelle que soit la matrice dans laquelle il grandit et dans laquelle il dégénère. Rien n'est pire que ces arracheurs de cœurs, quelle que soit leur rage. Que cet incendie dans leurs yeux lorsqu'ils saccagent des statues, de Bouddha ou d'autres, lorsqu'ils défigurent Tombouctou, entre autres ; que cette satisfaction, ce rot de bonheur lorsqu'ils décapitent un humain, lorsqu'ils s'abattent contre le beau, le bon, la musique, le cinéma, l'art. Lorsqu'ils ont peur de la vie. Lorsqu'ils veulent islamiser un mur, une plante, une chèvre.
Rien n'est pire que cette explosion, lente mais sûre, de ces ismes au Liban. Sauf, naturellement, la milice. C'est-à-dire ce en quoi s'est transmuté le Hezbollah. Le plus grave n'est pas tant cette doctrine, sinistre pour ce pays, de la wilayet el-faqih, ni ce récent jihad d'un Mohammad Raad contre la nightlife libanaise et tout ce qu'elle draine : cela avait déjà commencé depuis deux ans par le dynamitage de débits d'alcools dans les cazas de Nabatiyeh et de Bint Jbeil. Le plus grave, c'est l'arrogance de cette milice. C'est comment elle s'est perchée, vautrée, au-dessus de la loi et des lois. C'est comment elle enrichit son arsenal illégal, jour après jour. C'est comment elle nourrit, ou plutôt comment elle gave l'extrémisme de l'autre, de l'autre musulman en l'occurrence, ne serait-ce qu'en permettant au gang Assad de multiplier sa barbarie et ses victoires militaires contre le peuple syrien. Mais le plus grave, en réalité, reste l'absence de remède, l'absence de solution.
Rien n'est pire que la suprématie d'un virus. S'il est une chose que personne ne peut nier à Rafic Hariri, c'était sa détermination, et sa flamboyante capacité à contenir impérialement, avant qu'on ne l'achève, l'extrémisme sunnite. À l'étouffer dans l'œuf. Même si au début, c'était un peu maladroit : il essayait de monnayer cela en disant aux chrétiens du Liban qu'il était leur protecteur. Puis il a compris que ces chrétiens-là n'ont pas besoin de bodyguards, mais de partenaires. Et aujourd'hui, le Hezb, entre autres, fait tout, absolument tout, pour empêcher Saad Hariri et le courant du Futur de prendre le relais.
Le garde-fou contre le salafisme hardcore, du moins au Liban et c'est cela qui compte, existe. Mais contre la milice du Hezbollah ?
commentaires (3)
Au debut, le rebut des articles de Ziad , mais au fur et a mesure de le lire certainement par masochisme mutuel et simultane j'avoue que j'y prend un frisson de plaisir , comme par exemple dans cet article on s'attaque a qui ? au salafisme cruel et pervers ? aux assassins de livres et de statues de Bamiyan ou Tombouctou ? aux canibalisme en direct ? ou alors au hezb resistant ? Soyons serieux , on peut pas par honnetete intellectuelle faire d'analogie entre eux . Le hezb s'est attaque a la bouteille , ok , c'est mal et reprehensible quoiqu'il arrive aussi qu'en Eurodecadente on decapite le champagne parfois , c'est vrai par pour les memes raisons, mais que la RESISTANCE a israel puisse ne pas etre un garde fou suffisemment puissant que le garde fou du salafisme qui existe et pour qui Ziad ne nous en donne pas la couleur , a moins que saad puisse etre a lui seul ce garde fou ( ???!!! ) , la , c'est too much a avaler pour des esprits restes sur leur faim du temps ou il etait aux affaires .S'il s'en souvient encore lui meme !!! lol....
FRIK-A-FRAK
12 h 31, le 06 janvier 2014