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Liban - Débat

Participation politique : l’accouchement dans la douleur des jeunes démocraties du M-O

Quelles que soient ses imperfections et lacunes, la référence européenne reste une inspiration en la matière.

Le représentant spécial de l’Union européenne pour la Méditerranée du Sud. Photo tirée du site onislam.net

À l'heure des transitions et des transformations profondes au Proche-Orient, la réflexion sur la « participation politique » dans cette partie du monde devient d'autant plus pressante que les défis politiques, économiques et sécuritaires ont pris une ampleur inquiétante pour les peuples de la région, mais aussi pour le voisin européen, dont la stabilité est de plus en plus corollaire de celle de ses voisins méditerranéens.

Face à la polarisation politique aiguë couplée de relents communautaires aux conséquences fatales pour les sociétés arabes, le débat sur les questions de démocratie, d'alternance, de transparence et d'inclusion des catégories sociales marginalisées, telles que les femmes et les jeunes, s'impose.

C'est ce thème précis que la Délégation de l'Union européenne a choisi à l'occasion de la Journée mondiale des droits de l'homme, ciblant cette fois-ci les jeunes étudiants de l'Université libanaise, invités à explorer les moyens que peut mettre à leur disposition l'Europe en vue d'optimiser leur rôle dans la vie publique.
« La démocratie ne se réduit pas au bulletin secret ou aux élections périodiques. La démocratie est synonyme d'égalité, de promotion des droits de l'homme, de distribution équitable des ressources, de liberté et d'égalité des chances. » C'est par cette affirmation que le doyen de la faculté de droit et de sciences politiques et administratives à l'UL, Camille Habib, a inauguré la rencontre.

Une idée qui sera relayée à tour de rôle par le représentant spécial de la Délégation européenne pour la Méditerranée du Sud, Bernardino Léon, l'ambassadeur du Danemark pour le Liban, la Syrie et la Jordanie, Hay Pereira Holmboe, et l'ancien ministre de la Justice, Ziyad Baroud, qui ont notamment insisté sur l'importance des droits économiques et sociaux dans les sociétés en mutation, certains droits faisant partie intégrante du processus de démocratisation.

S'il existe au sein des différents pays concernés par le printemps arabe un « accord commun sur le besoin de changer », il n'en est pas de même sur la nature et la définition du « projet de société » à mettre en place, qui continue de polariser profondément le paysage politique dans ces contrées, fait remarquer M. Léon.

Confrontées aux démons de la menace terroriste incarnée par les jihadistes, les sociétés arabes en devenir se trouvent aujourd'hui devant un dilemme : consolider les démocraties émergentes tout en gérant la menace terroriste, ajoute le responsable.

Évoluant à des rythmes variables – la Tunisie ayant pratiquement achevé sa révolution sociale, ce qui n'est pas le cas de l'Égypte –, les États du printemps arabes opèrent aujourd'hui une transition politique dans la douleur, dira en substance le représentant de l'UE, qui insiste sur les effets de freinage dus aux crises économiques et à la dynamique sécuritaire ambiante.

C'est une jeunesse marginalisée, rongée par le chômage, cloisonnée dans les vieilles structures sociales qui a investi les rues aux côtés d'autres franges de la population souffrant également d'exclusion, pour réclamer d'une seule voie la participation politique, a renchéri l'ambassadeur du Danemark, décrivant indirectement les motivations qui ont animé les peuples arabes à la veille des révolutions en chaîne.

Aujourd'hui, ce sont d'autres défis qui se posent à ces populations, notamment celui de savoir comment les partis de type religieux (le Hamas, le Hezbollah, les Frères musulmans) qui se sont progressivement substitués aux partis traditionnels « peuvent composer avec les requis de la démocratie », précise M. Holmboe. Et de rappeler qu'il a fallu cent ans au Danemark pour consolider son système démocratique, un processus lent qui doit être patiemment mené à maturité.

Entre-temps, c'est la « participation citoyenne » qui doit être mise en avant, renchérit Ziyad Baroud, pour qui la participation politique ne se limite pas au pouvoir mais prend racine « dans la gestion de la cité par le citoyen ». Passant en revue les articles de la Constitution consacrant certains droits politiques et libertés qui pavent la voie à la participation politique, l'ancien ministre a insisté sur le droit à la représentation et sur l'importance d'une loi électorale qui puisse donner accès à ce droit. « Parfois, relève M. Baroud, les législations ne sont pas constitutionnellement correctes », dit-il, critiquant la législation électorale qui a prévalu au Liban à ce jour.

C'est d'ailleurs au sein de l'université – le creuset par excellence de la culture et de la réflexion politique, mais aussi le lieu de rencontre des valeurs scientifiques, humaines et nationales – que se prépare notamment la participation à la vie publique, poursuit Nora Bayrakdarian, professeure de relations internationales à l'UL*. Le milieu académique est également le lieu où se peaufine « une vision d'avenir en harmonie avec le message académique », là où peut se pratiquer un « contrôle vertical » par le biais de la discussion et de l'évaluation des politiques publiques, étayées par des lectures constitutionnelles, juridiques, culturelles, économiques, politiques, susceptibles d'être partagées avec l'opinion publique, ajoute-t-elle.

Le rôle de l'Europe
Que peut faire l'Union européenne pour les peuples de la région ? « Écouter les voix » qui remontent de la rue et assumer ses responsabilités là où elle en a les capacités, dira M. Léon. Le responsable reconnaît au passage que l'Europe « a commis auparavant pas mal d'erreurs dans la région – en soutenant des dictatures. Peut-être même que nous continuons d'en commettre aujourd'hui aussi », a-t-il dit. Une règle d'or, a cependant relevé le représentant européen, c'est qu'« on ne peut ni remplacer les peuples de la région ni se substituer aux sociétés concernées ».
Celles-ci, a-t-il dit en substance, doivent faire leur propre cheminement et prendre leur destin en main, en pouvant toutefois compter en parallèle « sur un programme de soutien économique et politique ambitieux » que parrainerait l'Union européenne. Prenant l'exemple de l'intégration réussie achevée en Asie et dans les Amériques, des horizons qui interpellent les investisseurs européens en dépit de l'éloignement géographique, M. Léon s'est demandé pourquoi la région arabe ne se substituerait-elle pas à ces contrées lointaines en amorçant sa transformation démocratique et en développant cette complémentarité par le biais d'idées attractives.


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