La bataille de l’ordre des avocats de Beyrouth tributaire des indépendants

Les avocats de Beyrouth éliront dimanche quatre nouveaux membres du conseil de l’ordre, parmi lesquels sera élu le nouveau bâtonnier pour un mandat de deux ans.
Le schéma des candidats se résume de prime abord ainsi : le 14 Mars soutient ouvertement Georges Jreige (également candidat au poste de bâtonnier) et Samih Becharrawi ; l’appui déclaré du camp opposé profite à Fadi Barakat (candidat du 8 Mars au poste de bâtonnier), ainsi qu’à Hussein Zbib (proche du mouvement Amal). Notons que le Parti socialiste progressiste a annoncé hier dans un communiqué son soutien à Georges Jreige, pour les deux postes de membre et de bâtonnier.
En outre, trois noms de candidats indépendants qui se présentent au poste de bâtonnier sont à retenir : André Chidiac (dont l’allégeance traditionnelle au Bloc national est pourtant connue) ainsi que Nader Gaspard et Aziz Torbey, qui se prévalent respectivement de leurs amitiés avec l’un et l’autre camp politique. L’avocat Aziz Torbey incarnerait néanmoins un cas particulier : inscrit au barreau en 1973, il n’a jamais été membre du conseil de l’ordre ni ne s’était déjà porté candidat au conseil. Il ferait l’objet actuellement de nombreux échanges entre les avocats, étonnés, ravis ou méfiants des banquets impressionnants qu’il organise dans le cadre de sa campagne. Il aurait convié près de mille avocats à un « impressionnant » dîner de gala au Habtoor, afin de présenter son programme « à l’américaine ». Il aurait également envoyé des brochures imprimées le présentant, à l’adresse de chaque avocat inscrit sur la liste des électeurs, c’est-à-dire près de 6 000 avocats.
D’une manière générale, la liste finale des candidats publiée par le bureau de l’ordre compte onze candidats, dont sept au poste de bâtonnier. Les onze candidats au
premier tour incluent, en plus des noms déjà mentionnés, les avocats François-Joseph Gemayel, Saïd Alamé, Mtanios Eid et Hassan Zayat. Les sept candidats au poste de bâtonnier sont : Georges Jreige, Fadi Barakat, Nader Gaspard, Mtanios Eid, André Chidiac, Aziz Torbey et Hassan Zayat (la candidature de ce dernier constitue une tentative de rompre avec la coutume selon laquelle la présidence de l’ordre des avocats de Beyrouth est occupée par un chrétien maronite).
Il faut savoir que l’appui politique officiel n’est ni suffisant ni déterminant en soi, et que les électeurs indépendants constituent une masse, assimilable par certains observateurs à un bloc en bonne et due forme.

Élasticité des alliances
L’importance des candidats indépendants est liée en partie à la procédure électorale.
Notons en effet que les nouveaux membres du conseil sont élus au premier tour, et le bâtonnier est élu ensuite au second tour. Ce sont traditionnellement les deux membres ayant recueilli le plus grand nombre de voix qui sont retenus pour le second tour (même s’il peut arriver que les quatre soient retenus, en cas de résultats serrés).
Au niveau du second tour, le scénario fréquent, presque régulier, est que les partis politiques dont le candidat officiel n’a pas recueilli le plus grand nombre de voix ni n’a été retenu transfèrent leur appui au candidat fort du plus grand nombre de voix au premier tour et ayant ainsi les plus grandes chances de remporter la course à la tête de l’ordre.
S’agissant en outre des candidats au poste de membre, l’appui politique dont ils bénéficient n’est déclaré officiellement que pour quelques-uns d’entre eux. L’appui dont bénéficie la majorité des candidats reste en effet dissimulé ou discret.

Débat électoral
Nul ne peut occulter en effet le caractère déterminant des relations personnelles tissées au fil de parcours professionnels qui transcendent souvent les clivages politiques. Le prestige de l’ordre, fût-il quelque peu terni aujourd’hui de l’aveu même de certains avocats, reste lié à une volonté de s’afficher comme porte-voix des droits et des libertés, au-delà des mobilisations politiques communes. Le bâtonnier sortant, Nohad Jabre, dont la victoire avait été favorisée par l’élasticité des appuis politiques, a présidé hier une petite cérémonie à l’occasion de son départ, en présence d’anciens avocats et de journalistes.
La veille, un débat électoral s’était déroulé à la Maison de l’avocat. Tous les candidats ont insisté sur « la continuité du rôle pionnier de l’ordre ». Tous également ont mis en valeur leur souci d’améliorer les conditions de travail des avocats. L’enjeu sera, dimanche, d’élire les candidats à même de renforcer surtout l’autorité de cette profession.