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Culture - Portrait

Samir Tabet, nature vive !

Le regard aussi perçant que pétillant, la curiosité toujours en alerte et la passion de peindre intacte, à 90 ans, Samir Tabet n’a rien perdu de son enthousiasme. Rencontre avec un peintre de natures mortes qui, lui, cultive sa nature vive !

« Les Pots d’Yvette I » (2013, huile sur toile 40 x 50 cm).

Il a immortalisé, dans ses peintures, le moindre des objets qui l’entourent. Ceux qui se trouvent dans son atelier d’abord : livres, carafe et verre d’eau, masques de la commedia accrochés aux murs ou encore ses pinceaux d’artiste. Puis, ceux qui rythment son quotidien : les tasses et la théière de son sacro-saint five o’ clock tea ou encore les cartes à jouer de sa partie hebdomadaire... Et enfin, tout ce qu’il déniche à la cuisine : à commencer par les œufs – parce que, dit-il avec humour : « Qui peut peindre un œuf peut peindre un bœuf » –, le compotier de fruits, le panier de légumes, les pots (de confitures, de cornichons, d’olives...) de sa chère et tendre Yvette et, dernièrement, la cafetière, sa nouvelle recrue !

Piles de livres et bandes de poires écervelées...
Voilà donc réuni le petit monde d’objets de Samir Tabet, peintre de natures mortes. Ou plutôt portraitiste d’objets, qu’il s’amuse à combiner, à associer, voire même à marier sur toile, dans des unions aussi farfelues qu’heureuses d’œufs et de flûtes de champagne, de dames de pique et de clémentines ou encore de piles de livres et de bandes de poires écervelées...
Cela fait plus de deux décennies que Samir Tabet s’adonne à ce jeu pictural avec une délectation jamais émoussée. Et, paradoxalement, une exigence de rigueur qui amène parfois ce grand angoissé « à déchirer, détruire, poignarder même avec rage les toiles qui ne me satisfont pas », confie-t-il.
« Je rêve de faire une peinture qui respecte le métier. Je fais de mon mieux. Mais, hélas, mon “mieux” ne me plaît jamais », poursuit ce perfectionniste qui puise son art à la source de la technique classique du dessin, de la couleur et des ombres. Tout en essayant constamment d’introduire dans ses compositions « quelque chose de nouveau ». En l’occurrence cette « mise en scène d’objets » qui, dans un mélange de fantaisie et de précision et sur des fonds neutres et monochromes, dégage une pétulante théâtralité.

« Je suis le plus inutile des chimistes »
Il a toujours voulu devenir peintre. Une vocation contrariée par son père qui attendait de lui un diplôme. Il choisira la chimie. Et l’Angleterre. Où, parallèlement à ses 5 ou 6 années d’études universitaires, il suivra également ses premiers cours de peinture dans divers ateliers d’artistes. Il ramènera de ce séjour anglais un intérêt accru pour la peinture et sans doute aussi cette élégance – aussi physique que morale – toute britannique qui en fait le « gentleman » de l’art libanais. Qui, nonobstant les reconnaissances et les honneurs (il a été fait commandeur des Arts et des Lettres par la France et l’Italie), reste d’une simplicité et d’une modestie exemplaires.
À son retour de Londres, c’est en professeur de chimie émérite qu’il intègre l’AUB où il fera une carrière ascendante, couronnée par sa nomination à la tête de l’université dans les années quatre-vingts. Pour autant, monsieur le professeur, puis monsieur le président de l’AUB n’abandonnera jamais ses pinceaux. S’adonnant à son hobby les week-ends et jours fériés, mais aussi durant les grandes vacances qu’il passe notamment à Florence dans l’atelier de Pietro Annigoni, un portraitiste très recherché qui a peint deux portraits officiels de la reine d’Angleterre. Le premier pour son couronnement et le second en 1971. « Justement, alors qu’il terminait ce second tableau, il me donne son pinceau et me commande d’ajouter deux à trois touches sur le fond de la toile. En me disant : “Comme cela tu pourras dire que tu as travaillé sur le portrait officiel de la reine Élisabeth II”. »

La peinture, passion d’une vie
Affirmant avoir été « le plus inutile des chimistes » – « Je n’ai jamais employé ce que j’ai appris. Je ne sais même pas effacer une tache d’encre », clame-t-il d’ailleurs dans toutes ses interviews –, ce monsieur qui ne se prend pas au sérieux – bien qu’il ait beaucoup apporté à ses étudiants, nombreux peuvent en témoigner ! – démissionne de l’université en 1985 pour se consacrer entièrement à la peinture. Bien qu’ayant pratiqué cet art durant de longues années, il tiendra, avant de se lancer, à parfaire sa formation technique à Paris auprès de Jean-Claude Janet, « un peintre de natures mortes qui ne m’a pas ménagé. Il était très strict et sévère, et me traitait comme un gamin alors que j’étais un recteur d’université à la retraite », se souvient-il avec amusement.
Depuis, Samir Tabet peint quotidiennement et expose régulièrement ses œuvres dont il reverse toujours le produit des ventes au financement de bourses pour des étudiants ou à des œuvres caritatives. Car cet artiste dans l’âme « déteste l’argent. Il me dérange », dit-il.
Il voulait que cette exposition chez Alice Mogabgab soit la dernière pour se « consacrer à un doctorat sur un sujet qui combinerait la science et la peinture », confie-t-il. Un travail de recherche sur l’histoire des pigments et leurs effets sur le développement de la peinture. « Malheureusement, la loi libanaise qui est appliquée à Saint-Joseph ne permet pas à quelqu’un de faire un doctorat sur un sujet différent de son diplôme initial. Et je n’ai absolument pas envie de faire un doctorat en chimie. » Du coup, Samir Tabet reprendra ses pinceaux et poursuivra ses tentatives d’atteindre à « sa » toile idéale : « en simplifiant encore le trait, pour la rendre toujours plus claire, plus épurée... ». Mais ce nonagénaire à la « nature vive » compte aussi reprendre des cours de piano abandonnés à la fin de sa scolarité.
Samir Tabet, un homme dont l’ensemble des actes et des propos forment une belle leçon de vie, d’élégance et d’art !

* Rue Achrafieh, imm. Karam, 1er étage. Horaires d’ouverture : du lundi au samedi, de 10h à 19h. Tél. : 03/210424.
Il a immortalisé, dans ses peintures, le moindre des objets qui l’entourent. Ceux qui se trouvent dans son atelier d’abord : livres, carafe et verre d’eau, masques de la commedia accrochés aux murs ou encore ses pinceaux d’artiste. Puis, ceux qui rythment son quotidien : les tasses et la théière de son sacro-saint five o’ clock tea ou encore les cartes à jouer de sa partie...

commentaires (1)

Merci chère Zeina pour cet article si véridique; pour ta reconnaîssance et pour tes mots qui éternisent un homme foncièrement bon . Bon époux, bon papa, bon ami, et qui tout au long de sa vie a oeuvré pour le Liban . Samir Tabet...un exemple à suivre !

Tabet Ama

08 h 56, le 14 octobre 2013

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Commentaires (1)

  • Merci chère Zeina pour cet article si véridique; pour ta reconnaîssance et pour tes mots qui éternisent un homme foncièrement bon . Bon époux, bon papa, bon ami, et qui tout au long de sa vie a oeuvré pour le Liban . Samir Tabet...un exemple à suivre !

    Tabet Ama

    08 h 56, le 14 octobre 2013

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