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Moyen Orient et Monde - Le point

Kanzerlin oder mutti ?

Si l’ennui était une personne...
... Il s’appellerait Angela Dorothea Merkel, née Kasner.
Cela posé, comment trouver réponse à la question qui revient sur toutes les lèvres à l’approche de chaque échéance cruciale, de chaque consultation populaire : mais comment fait-elle pour figurer en tête du top ten des femmes les plus puissantes du monde, pour se faire réélire sans coup férir à chaque fois qu’elle se porte candidate, pour gérer l’économie la plus robuste d’Europe ?
Elle est son propre adversaire, dit-on, parce que ses campagnes électorales sont désespérément dormitives, dans une arène politique où la couleur dominante est le gris dans tous ses tons. En 2005, elle avait failli perdre face à Gerhard Schröder alors qu’elle était donnée par tous les sondages largement gagnante. Quatre ans plus tard, elle frôlait la catastrophe. Il y a quelques jours, elle semblait ailleurs lors de l’unique débat public face à Peer Steinbrück, par avance sauvée grâce à une photo parue des jours auparavant dans le Süddeutsche Zeitung de son adversaire faisant un doigt d’honneur en réponse à une question des journalistes.
Ce n’est pas la Kanzerlin qui se laisserait aller à pareil écart, elle qui n’a jamais supporté les accolades de Nicolas Sarkozy pas plus que les petites blagues de François Hollande ; c’est tout juste si elle admettrait une main présidentielle effleurant son épaule ou qu’elle se laisserait aller à un de ces sourires qui éclairent son visage. Avoir vécu dans la défunte République démocratique allemande à l’ombre d’un père officiant – il était pasteur – à Qutzow, près de Perleburg, cela ne s’oublie pas.
Ne vous laissez pas leurrer cependant par la raideur du personnage. Le miracle allemand-bis, c’est elle. Et elle le leadership germanique de l’Europe ; elle aussi le sauvetage de l’euro. Sur le plan intérieur, on lui doit une tactique longuement mûrie, qui a fait ses preuves depuis qu’elle tient le gouvernail, décrite par l’auteur d’une magistrale biographie* comme étant celle de « la suffocation ». En vertu de ce principe, toute idée avancée par un adversaire et digne d’être retenue devient sienne. Idéale dans une Allemagne qui continue de détester l’opposition frontale (sans doute synonyme de guerre, un choix que ses concitoyens abhorrent) lui préférant le « consentement mutuel ».
Dans la partie qui se disputera dimanche, la CDU/CSU d’Angela Merkel est toujours donnée vainqueur mais tout juste aux points. Si elle ne peut, à en croire les sondages, obtenir la majorité absolue avec son allié libéral du FDP, il lui faudra se rabattre sur la formule de la grande coalition, après avoir refusé de voler au secours de ses partenaires libéraux qui ont accumulé les déconfitures électorales au point de ne plus figurer que dans neuf des seize Parlements régionaux. C’est là que l’opinion publique a retrouvé sa chancelière dans l’habit qu’elle aime la voir endosser : « Nous n’avons pas de voix à donner », a-t-elle lâché, ferme et sereine comme à son habitude, face à la tempête.
Si depuis quelque temps l’Europe se sent mal à l’aise, c’est bien à cause de cette chancelière que ses concitoyens désignent affectueusement du surnom de « Mutti » – maman en français – mais qui en impose tant à ses vingt-sept pairs de l’Union. Ceux-ci s’inquiètent aujourd’hui du sort que Berlin pourrait réserver à l’organisation paneuropéenne et s’interrogent sur l’avenir du tandem franco-allemand créé par de Gaulle et Konrad Adenauer, consolidé par Mitterrand et Schmidt puis par le même président français et Helmut Kohl (ah ! ces deux mains unies devant le catafalque placé à l’entrée de l’ossuaire de Douaumont...). Avec Jacques Chirac, plus tard avec son successeur, le courant passait bien, ce qui n’est plus le cas depuis, la crise économique contribuant à exacerber ce qui devenait de plus en plus une affaire de passions, comme l’a prouvé, mal à propos, le mot malheureux d’Arnaud Montebourg sur « la politique à la Bismarck » d’Angela Merkel.
Aura-t-elle fait sourire l’intéressée, cette petite phrase la comparant au vainqueur de Sedan !
Mais la dérive au sein du couple ne date pas de cette fin d’année 2012 ; elle remonte aux premières semaines de la victoire socialiste à la présidentielle, quand Paris affichait la couleur de son plan de redressement ; elle se concrétise maintenant qu’approche la date des élections européennes et la tentation pour l’Allemagne d’un euroscepticisme que les citoyens ne voient pas d’un mauvais œil. On aurait tort toutefois de trop s’inquiéter car ils sont nombreux aujourd’hui ceux qui critiquent la nouvelle « dame de fer » pour l’image de mère qu’elle veut se donner mais dans le même temps rêvent d’être adoptés, comme le note malicieusement le quotidien Der Spiegel.

*Angela Merkel : « Die Kanzerlin und ihre welt » – Angela Merkel : la chancelière et son monde, par Stefan Kornelius, journaliste au « Suddeutsche Zeitung ». 270 pages, éd. Hoffmann und Campe.
Si l’ennui était une personne...... Il s’appellerait Angela Dorothea Merkel, née Kasner.Cela posé, comment trouver réponse à la question qui revient sur toutes les lèvres à l’approche de chaque échéance cruciale, de chaque consultation populaire : mais comment fait-elle pour figurer en tête du top ten des femmes les plus puissantes du monde, pour se faire réélire...

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