ils le sont depuis deux ans en Syrie parce qu’ils sont
sunnites ou alaouites, et les chrétiens, éternels boucs
émissaires, subissent les foudres des islamistes et autres
jihadistes parce qu’ils dérangent. »
(La Chronique de Nagib Aoun, « L’Orient-Le Jour » du lundi 19 août).
Telle est l’image généralement diffusée par les médias et communément admise par l’opinion, suite aux terribles attentat de Saïda, Roueiss et Tripoli. L’image d’une réalité en fait infiniment plus complexe... Revenant du Liban au terme d’un pèlerinage paisible et lumineux sur des lieux saints aussi bien chiites, que sunnites, druzes et chrétiens, nous souhaitons témoigner de l’autre face du Liban : celle de sa proverbiale convivialité, qui perdure toujours, envers et contre tous ces événements.Un pèlerinage organisé par Reconstruire ensemble, une association créée et animée par le père Maroun Atallah, militant et œuvrant inlassablement, depuis plus de trente ans, conjointement avec d’autres associations, pour le « vivre-ensemble », rassemblant à maintes occasions des milliers de jeunes et de moins jeunes de tous bords, pour construire concrètement la convivialité qui les anime. Les exemples de leurs actions sont foison.
Nous avons été reçus par les municipalités de Saïda, de Tyr, de Hasbaya, de Rachaya, de Baalbeck, de Bécharré, d’Antélias, de Tripoli, de Batroun. Leurs maires, sans exception, encouragent et soutiennent l’action de Reconstruire ensemble, y compris les représentants du Hezbollah, majoritaires à Baalbeck, et tous nous ont chargés de témoigner de leur volonté de vivre ensemble et de transmettre leurs appels à la paix.
Mêmes discours, mêmes appels des autorités religieuses rencontrées dans toute leur diversité. La convivialité était d’ores et déjà palpable entre eux. Nous pouvons témoigner que l’ouverture au dialogue existe, non seulement chez les chrétiens, mais aussi chez les musulmans, qui ne sont de loin pas tous fanatiques, contrairement aux images trop simplificatrices données par les médias.
Contrairement aux apparences, le conflit ne nous semble pas religieux. Aucune querelle théologique ne divise chrétiens et musulmans d’Orient, ni même les musulmans entre eux. Personne ne combat la foi de l’autre et ne cherche à convertir quiconque de force. Ils reconnaissent au contraire leur foi respective en un même Dieu, admettant que l’on peut tendre à Lui par différentes voies. Cette foi constitue même le fondement de l’entente perçue entre ces musulmans et les chrétiens d’Orient. La cause de leurs conflits est à chercher ailleurs...
L’absence de foi pose, elle, par exemple, problème, en particulier aux musulmans. Ce que rejettent ces derniers, ce n’est donc pas la foi des chrétiens, mais la laïcité (surtout lorsque celle-ci devient une idéologie antireligieuse) et le matérialisme de « l’Occident honni », ainsi que les dérives morales qu’ils lui attribuent.
Une réaction certes souvent outrancière, qui nous a cependant profondément interpellés. La foi ne joue en effet pas le même rôle en Occident qu’en Orient, en particulier en France, pays toujours de référence au Liban.
Reléguée dans la sphère privée, cantonnée loin des rouages d’une société de consommation et de concurrence soumise presque exclusivement à la loi du profit et du plus fort, où par ailleurs tout temps est de plus en plus monétairement comptabilisé, cette foi « privée », privée d’agir dans la cité, expliquerait-elle la dégradation des relations humaines perceptible dans notre Occident matériellement repu, mais humainement de plus en plus pauvre ?
Savons-nous encore accueillir des étrangers, leur ouvrir nos maisons, partager avec eux nos repas, leur donner de notre temps, comme nous l’ont permis de vivre nos hôtes libanais, qui nous ont si généreusement accueillis dans leurs demeures familiales, aussi bien au Sud, qu’au Nord, à l’Est et à l’Ouest du Liban ? Est-il possible de reconstruire des relations véritablement humaines sans la présence de cette dimension spirituelle – qu’elle porte ou non une étiquette religieuse –, cette dimension si perceptible chez chacun de nos hôtes, quelle que soit leur religion ?
ON NE LUI SOUHAITE ÊTRE NI L'UN NI L'AUTRE.... !
11 h 59, le 05 septembre 2013