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Culture - Festivals - Beiteddine

« Utopía » de Maria Pagés, un flamenco humaniste et esthétique...

José Saramago, Prix Nobel de littérature, a dit d’elle : « Ni le ciel ni la terre ne sont pareils après que Maria Pagés eut dansé. » Des propos qui prêtent à confusion et vous font vous attendre à une prestation de feu et de braise, à un flamenco primal et charnel. Alors que celui de Maria Pagés est en réalité l’expression de ses préoccupations humanistes et esthétiques !

Comme une fleur à la beauté vénéneuse, la « bata de cola » dans laquelle elle s’enroule, tourbillonne et ondoie...

Des idées – utopistes? – qui rejoignent celles du célèbre architecte brésilien Oscar Niemeyer, que la danseuse espagnole admire tant. Au point d’être partie à sa rencontre à Rio de Janeiro en 2010. De leur longue conversation est né le spectacle Utopía présenté au cours du week-end dans le cadre du festival de Beiteddine.
Un flamenco inspiré des lignes courbes que privilégiait celui qu’on surnommait «l’architecte de la sensualité» (et dont le Liban s’enorgueillit de lui avoir commandé la conception de la Foire internationale de Tripoli, réalisée en 1974, malheureusement jamais inaugurée pour cause de guerre!), mais aussi et surtout de sa pensée égalitariste et humaniste.

Hommage à Niemeyer
« Je ne suis pas attiré par les lignes droites, dures, inflexibles, créées de toutes pièces par l’homme », affirmait Niemeyer. « Les courbes, elles, me séduisent, libres et sensuelles. Ces courbes, je les retrouve dans les montagnes de mon pays, ses rivières sinueuses, les vagues de la mer, les nuages dans le ciel, le corps de ma femme préférée... L’univers entier est fait de courbes. C’est l’univers courbe d’Einstein», disait-il.
Mais il répétait aussi : « La vie est un souffle. Nous sommes tous égaux dans cette même et unique dimension qu’est l’existence humaine, avec ses joies, ses peines et son inévitable fin. L’immortalité est un fantasme. Tout ce qui compte, c’est l’ici et maintenant. Étreins tes proches. Vis dans le bonheur. Change le monde. Et cela suffira.»
C’est de cet esprit-là que la danseuse et chorégraphe sévillane a puisé les huit tableaux qui composent Utopía, son dernier spectacle créé en octobre 2011, un an avant la disparition de son inspirateur à l’âge de 104 ans.
Un ballet flamenco exprimant, au moyen d’une alternance de solos et de danses chorales, la condition humaine dans toutes ses contradictions : entre passion et quête de liberté, conflit et solidarité, souffrance, bonheur et réalisation de soi...

Graphisme du geste, courbes et poésie
Une danse à l’esthétisme à la fois sobre et omniprésent. S’exprimant dans la beauté des costumes, ceux de la danseuse, surtout, qu’elle a elle-même dessinés, dont cette vénéneuse robe rouge à traîne en corolle qui révélera ses mille et un voiles au cours d’un solo vertigineux. Ou encore, cette autre « bata de cola » (robe à longue et lourde queue volantée et froufroutante) dans laquelle elle s’enroule, tourbillonne et ondoie...
Mais aussi dans l’élégant graphisme du geste comme de la scénographie. Celle-ci, s’appuyant sur un éclairage subtil, est dominée par trois tiges suspendues au-dessus de la scène qui se modulent, au fil des tableaux, pour « dessiner » les ondulantes lignes architecturales de Niemeyer ainsi que celles des montagnes et des fleuves de son Brésil natal.
Un spectacle également habité par le souffle des vers de Baudelaire, Neruda, Machado ou encore Cervantès... Autant de poètes que Niemeyer et Pagés admirent en commun. Et dont les mots, soutenus par le violoncelle, les guitares et les percussions des musiciens, traversent le «cante» rauque et bilingue (portugais et espagnol) d’Ana Ramón et de Juan de Mairena, pour mieux s’incarner dans la gestuelle tout en courbes et cambrures de la baïlaora et les « zapateados » fougueux des sept danseurs qui l’accompagnent.
D’ailleurs, ce sont ces tableaux d’ensemble – à la chorégraphie imprégnée du sceau du fameux Antonio Gadès, dans la troupe duquel Pagés a fait ses débuts – qui ont remporté les suffrages du public. Un public particulièrement sensible au mélange de guajira (version flamenca de rythmes cubains) et alegría (danse rapide et enlevée) qui ont clôturé sur une note festive, solaire et éminemment brésilienne, cette Utopía de bonheur parfait célébrée par Baudelaire dans son magnifique Élévation : « Heureux celui qui peut d’une aile vigoureuse s’élancer vers les champs lumineux et sereins.» Et exprimée avec harmonie et profondeur dans ce flamenco poético-humaniste qui s’aventure hors des sentiers battus et rebattus de la pure passion andalouse...
Des idées – utopistes? – qui rejoignent celles du célèbre architecte brésilien Oscar Niemeyer, que la danseuse espagnole admire tant. Au point d’être partie à sa rencontre à Rio de Janeiro en 2010. De leur longue conversation est né le spectacle Utopía présenté au cours du week-end dans le cadre du festival de Beiteddine. Un flamenco inspiré des lignes courbes que...

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