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Liban - Statut personnel

De l’urgence d’un code civil, martèle Ibrahim Traboulsi

« Le premier mariage civil contracté au Liban en novembre dernier est soumis à la charia en l’absence d’une législation », assure l’avocat.

Ibrahim Traboulsi : « La société civile a fait pression pour ouvrir une brèche dans le mur. »

« À travers le mariage civil de Nidal Darwiche et Khouloud Succariyé, la société civile a fait pression pour ouvrir une brèche dans le mur et pousser les autorités à instaurer le mariage civil, parce que l’État ne bouge que sous la pression. » C’est ainsi que l’avocat, expert dans les affaires matrimoniales et professeur universitaire, Ibrahim Traboulsi, commente l’union considérée comme le premier mariage civil réalisé au Liban, en novembre 2012.
Ce « promoteur du mariage civil codifié », comme il se présente, qui est à l’origine du premier projet de loi sur un code civil facultatif préparé par le gouvernement, du temps du président Élias Hraoui, martèle toutefois que ce mariage reste soumis à la charia. « Des propos confirmés par le ministre de l’Intérieur, Marwan Charbel », assure-t-il, document à l’appui, même si ce dernier a estimé qu’il constituait « un pas en avant ». Car les deux conjoints sont de confession musulmane (l’un chiite, l’autre sunnite).

Pas de mariage civil pour les musulmans
« En l’absence d’une loi civile codifiant et organisant la catégorie des personnes qui ont barré la mention de leur religion, Nidal et Khouloud appartiennent toujours à la communauté musulmane, même s’ils ont rayé la mention de leur religion », assure Me Traboulsi. Leur union est donc renvoyée au statut personnel communautaire. « Car le mariage civil de deux musulmans est soumis à la charia, même s’il est contracté à l’étranger », explique-t-il, les communautés musulmanes du Liban ayant refusé de se soumettre à l’arrêté LR 60. Et d’insister : « Jusqu’à ce jour, les musulmans ne sont pas autorisés à contracter un mariage civil. »
Pour cet académicien, la décision des deux conjoints de faire appliquer la loi française à leur union est « une hérésie au niveau juridique ». « Ils ont mis la charrue devant les bœufs, constate-t-il. Ils auraient plutôt dû commencer par demander l’abrogation ou l’amendement de la loi, afin d’autoriser les personnes de confession musulmane à être soumises à l’arrêté 60 LR et à contracter un mariage civil. »
Autre vice concernant le mariage du jeune couple, « le notaire n’est pas mandaté à recevoir la volonté des deux époux », selon l’avocat. Sans compter qu’il n’y a pas eu de cérémonie solennelle, comme cela se fait dans tous les pays du monde où se pratique le mariage civil. « C’est une autre raison pour laquelle ce mariage est nul », estime-t-il.

Libaniser et laïciser le statut personnel
L’homme de loi est formel. Il milite pour l’adoption d’un code civil libanais facultatif, qui englobe la naissance, le mariage, le testament, l’héritage. « Il est impératif de faire cesser cette atteinte à la juridiction nationale qu’est l’importation de lois étrangères qui n’ont rien à voir avec nos coutumes et nos traditions », souligne-t-il, insistant sur la nécessité de « libaniser et laïciser à tout prix notre statut personnel ».
À l’intention de ceux qui auraient mal interprété son analyse de l’initiative de Khouloud et Nidal, Ibrahim Traboulsi salue la décision du couple de barrer la mention de la religion, sunnite pour l’un et chiite pour l’autre. Une décision qui illustre « leur refus de l’État confessionnel », ne manque-t-il pas de dire. Il reconnaît aussi « la poussée » provoquée par la procédure. « Mais tant que toutes ces personnes qui ont rayé la mention de leur religion ne sont pas rassemblées en une communauté organisée par une législation, elles ne pourront rien faire hors de leur appartenance religieuse », insiste-t-il. Et d’assurer que Khouloud et Nidal seront forcément confrontés à des problèmes de taille, vu l’absence de législation. « Qui va réglementer leur statut personnel, leur mariage, leurs enfants, leur vote, leur mort ? » demande-t-il à ce propos.
Il y a trois ans, 107 députés se sont prononcés pour le mariage civil. Aujourd’hui, le chef de l’État en personne et le ministre de la Justice n’ont pas manqué d’intervenir en faveur du couple qui a opté pour le mariage civil. Le vent du changement soufflera-t-il dans la direction de tous les Khouloud et Nidal du Liban ?


Par Anne-Marie el-Hage
« À travers le mariage civil de Nidal Darwiche et Khouloud Succariyé, la société civile a fait pression pour ouvrir une brèche dans le mur et pousser les autorités à instaurer le mariage civil, parce que l’État ne bouge que sous la pression. » C’est ainsi que l’avocat, expert dans les affaires matrimoniales et professeur universitaire, Ibrahim Traboulsi, commente l’union...

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