Ceux qui attendaient du secrétaire général du Hezbollah qu’il annonce dans son dernier discours le retrait de ses combattants de Syrie, puisque la bataille de Qousseir est pratiquement terminée, ont dû être bien déçus. Mais, surtout, ils montrent qu’ils n’ont rien compris à la nouvelle donne stratégique et au fait que depuis la fameuse diffusion de la photo montrant debout, côte à côte, le guide suprême de la révolution iranienne et le chef du Hezbollah, ce parti est devenu un acteur à la dimension régionale.
Dans son dernier discours, Hassan Nasrallah a donc développé de nombreux points importants au sujet du contexte régional, mais s’il faut retenir les éléments les plus importants, on pourrait les résumer ainsi : d’abord, le chef du Hezbollah a laissé entendre que le conflit en Syrie est encore long, puisqu’il s’agit de la confrontation entre deux grands projets pour la région, et même si le camp dit de la « moumanaa » marque des points, la bataille n’est pas encore gagnée.
Le second point à retenir porte sur le fait que le projet du camp adverse touche désormais la Syrie, certes, mais aussi le Liban, l’Irak et la Jordanie. Il se résume en une tentative systématique de défaire le tissu social de ces pays pour le remplacer par des entités confessionnelles, ethniques ou religieuses, qui assureraient ainsi la suprématie d’Israël. C’est pourquoi, en se battant en Syrie aux côtés des forces du régime, le Hezbollah serait, selon son chef, en train de défendre la diversité au Liban, en Syrie, en Irak et en Jordanie. Cette lutte s’inscrirait par conséquent dans le cadre de la protection des chrétiens, des sunnites, des chiites, des druzes, voire des kurdes. En développant ce point, Nasrallah a voulu répondre à ceux qui l’accusent de mener la bataille en faveur des chiites. Et, toujours dans le même sens, le secrétaire général du Hezbollah a eu cette phrase : « Nous serons là où nous devons être », autrement dit, ses combattants participeront au combat là où leur présence sera jugée utile, voire nécessaire. Le Hezbollah est donc désormais ouvertement engagé dans les combats en Syrie – même s’il estime être le dernier des protagonistes non syriens à intervenir dans ce conflit – estimant qu’il s’agit là d’un moyen de défendre le Liban et l’ensemble de la région face aux projets visant à leur effritement. Nasrallah a cherché ainsi à balayer à l’avance tous les pronostics sur la participation de ses combattants à la bataille d’Alep ou d’ailleurs. Il n’a pas donné des détails militaires, mais il a justifié, selon sa logique, à l’avance toute participation dans n’importe quel autre coin de la Syrie.
Toutefois, ceux qui suivent de près les développements en Syrie estiment que la priorité pour le Hezbollah pourrait être d’abord de mettre un terme au lancement régulier de roquettes sur les régions du Hermel et de Baalbeck, en pacifiant la région du jurd qui s’étend entre ces localités et la frontière syrienne, et ensuite de participer à la bataille de Zabadani, dans le rif de Damas proche de la frontière libanaise. En même temps, les unités de la résistance restent en état d’alerte permanente pour contrer toute agression israélienne éventuelle, car certains rapports secrets parvenus au parti font état d’un plan israélien pour l’attaquer au Liban afin de la détourner de la bataille en Syrie, de l’affaiblir et d’aider ainsi indirectement les rebelles. Nasrallah ne l’a pas dit, mais des sources proches du Hezbollah l’affirment : désormais, les unités sont divisées entre celles qui sont destinées à combattre Israël et celles qui sont envoyées se battre en Syrie. En même temps, les combattants du Hezbollah qui se trouvent en Syrie seraient en train de préparer avec les Syriens l’ouverture du front du Golan. Les sources du parti affirment, en tout cas, que la base est très motivée en faveur de la participation au combat en Syrie, d’autant que les combattants de l’opposition, en particulier les extrémistes islamistes, ont tout fait pour viser le Hezbollah et tenter de donner au conflit une coloration confessionnelle. Pourtant, le Hezbollah ne compte intervenir que lorsque sa présence est jugée nécessaire. Or, selon toutes les informations disponibles, le régime syrien aurait réussi récemment à enrôler plus de 70 000 nouvelles recrues dans le cadre des forces de défense locales et ce chiffre serait en train d’augmenter tant la mobilisation est grande et tant, selon des sources proches du régime, l’opinion populaire syrienne serait en train de se rallier de plus en plus autour de lui. Les mêmes sources précisent que la prolongation du conflit en Syrie et l’apparition de plus en plus significative des groupes islamistes et leurs agissements sont en train de pousser ceux qui étaient au départ favorables à l’opposition à se détourner d’elle. C’est pourquoi, ajoutent les mêmes sources, l’environnement est désormais favorable aux forces du régime, ce qui leur permet de marquer des points aussi bien dans la région d’Alep que dans la province de Homs où il n’y a plus que deux localités entre les mains des rebelles.
En contrepartie, l’opposition, qui a reçu de nouvelles armes « fatales » américaines, notamment des missiles antiaériens sophistiqués, s’apprêterait à ouvrir de nouveau le front de Deraa, proche de la Jordanie, où, selon le très sérieux Times, 300 GI américains seraient en train de former les combattants de l’opposition pour qu’ils puissent enregistrer une victoire significative dans le sud de la Syrie. C’est dire que la bataille est encore longue et que les efforts diplomatiques ne sont qu’une façade qui cache mal l’importance décisive des développements sur le terrain.
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commentaires (13)
POUR OU CONTRE... SEUL LE DÉROULEMENT DES ÉVÈNEMENTS LE DIRA...
SAKR LOUBNAN
10 h 05, le 18 juin 2013