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À La Une - L’éditorial de Issa GORAIEB

Mais oui, ça paie !

Le crime ne paie pas : tel a longtemps été le maître slogan du FBI. Or, un petit tour du côté de chez nous eut suffi aux chefs de la superpolice américaine pour réviser à la baisse leur optimiste leitmotiv.

 

Car il faut bien constater qu’au Liban, le crime paie, et paie même fort bien. Et il n’est pas seulement question, ici, de l’incroyable impunité dont bénéficient souvent les auteurs de crimes dits ordinaires, tels que meurtres crapuleux, braquages, trafic de drogue ou d’armes et enlèvements contre rançon. C’est surtout en matière de banditisme politique que se distingue aujourd’hui en ce temps notre charmant pays. À son tour et comme on s’en doute, cette rubrique est loin de se limiter aux activités illégales et enrichissements illicites auxquels se livrent ouvertement les puissants, ainsi que leurs alliés et protégés, activités dont la moindre n’est pas la mise en coupe réglée des douanes libanaises.


Les puissants, au Liban, ce ne sont pas – ce ne sont plus – les personnages ou partis que leur assise populaire ou, plus rarement, leur ascendant moral vouait naturellement au service public. Les puissants, ce sont désormais ceux qui, sous couvert de résistance à l’ennemi israélien, ont réussi à s’arroger l’exclusivité des armes et se servent de ce privilège pour promouvoir leur hégémonie. Ce sont ceux qui ont déjà fait usage de leur arsenal contre leurs adversaires de l’intérieur et qui menacent de récidiver à tout moment si leurs exigences ne sont pas satisfaites.Tout aussi efficace que les armes s’avère, dès lors, la menace permanente d’y recourir. En termes de droit pénal, c’est là de l’extorsion, du chantage, que relève un tel procédé.


Face je gagne, pile tu perds : avec plus d’aplomb encore que les caïds de la pègre imposant leur racket, la milice ne s’est insérée dans le jeu démocratique qu’après s’être assurée qu’elle était seule de taille à piper les dés. Elle se refuse ainsi à reconnaître la majorité issue des élections de 2009. Sitôt renversée cependant cette majorité, avec l’ostensible concours des tristement célèbres chemises noires lâchées dans les rues dans la plus pure tradition fasciste, c’est en solo, ou presque, qu’elle prétend contrôler le gouvernement de Nagib Mikati. Et à peine ce gouvernement est-il sabordé par son propre chef que le Hezbollah et ses amis arguent de leur poids parlementaire pour exiger d’être associés en force à celui que s’efforce de mettre sur pied le Premier ministre désigné, Tammam Salam : inconséquence qui aurait confiné au ridicule si elle n’était déclinée la menace aux lèvres et le doigt sur la gâchette.


En accordant enfin ses violons, hier, sur la question de la loi électorale, le 14 Mars paraît avoir réussi à faire un sort définitif au projet dit orthodoxe que défendaient les alliés de Téhéran et Damas. Il reste que l’intimidation a déjà réussi à retarder la formation de la nouvelle équipe. En aucun cas toutefois, elle ne doit conduire à l’accouchement d’un éclopé de naissance : une équipe condamnée au morcellement et à la paralysie si la faculté de blocage devait être concédée aux professionnels de l’obstruction. Croyant conjurer, ce faisant, le spectre du vide agité par le 8 Mars, c’est en réalité dans le plus béant des vides que l’on se serait jeté.

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Le crime ne paie pas : tel a longtemps été le maître slogan du FBI. Or, un petit tour du côté de chez nous eut suffi aux chefs de la superpolice américaine pour réviser à la baisse leur optimiste leitmotiv.
 
Car il faut bien constater qu’au Liban, le crime paie, et paie même fort bien. Et il n’est pas seulement question, ici, de l’incroyable impunité dont...

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