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À La Une - L’éditorial de Issa GORAIEB

La monnaie de leur pièce

Il y a beaucoup trop longtemps que le pays est soumis à la règle du fait accompli.

La faute originelle, comme nul ne l’ignore, aura été l’octroi, bon gré mal gré, à une milice particulière du monopole de la détention des armes, et cela sous couvert de résistance à l’ennemi israélien. C’était là, en quelque sorte, une réédition de l’accord du Caire conclu en 1969 avec la guérilla palestinienne, et par lequel l’État renonçait tragiquement à un large pan de sa souveraineté sur le sol national. Comme avec les Palestiniens, il s’est avéré que les concessions régulièrement concédées par souci de stabilité ne faisaient en réalité qu’aiguiser l’appétit des bénéficiaires : si glissant, en vérité, est ce type de terrain qu’il est bien difficile de remonter la pente.

Contrairement aux espérances, l’entrée en politique de ladite milice n’a pas arrangé les choses, bien au contraire. Plutôt que de s’intégrer au système libanais le Hezbollah s’y est introduit, à la manière d’un cheval de Troie, pour mieux le saper, de l’intérieur autant que du dehors. Armée privée se posant en égale de l’armée régulière, État dans l’État : le parti a altéré, au mieux de ses intérêts, et au point de les rendre méconnaissables, les règles du jeu démocratique.

Il ne serait que juste de recourir, en toute légalité cette fois, au même procédé du fait accompli. Or l’occasion s’en présente et il ne tient qu’au président du Conseil désigné de la saisir. On s’est trop vite réjoui de la rare unanimité parlementaire qui s’est portée sur le choix de Tammam Salam pour former le prochain gouvernement. Présents en force dans le cabinet démissionnaire de Nagib Mikati, les alliés de l’Iran et de la Syrie n’ont, en effet, reculé que pour mieux sauter, assaillant le député de Beyrouth de toutes sortes de conditions. Particulièrement choquante est l’exigence d’un rétablissement du tiers de blocage, hérésie propre à condamner à la paralysie tout gouvernement ; non moins extravagante cependant est celle d’un maintien, dans leurs anciens fiefs, de ministres dont la gestion a été vivement contestée.

Tammam Salam parle peu, ces derniers temps. Il en a assez dit toutefois sur ses vues et intentions, pour constater à quel point elles répondent aux attentes d’une opinion publique lassée par le tumulte des chocs partisans. Ce à quoi aspire Salam, c’est un gouvernement de transition essentiellement voué à la supervision d’élections libres ; c’est une équipe homogène et solidaire, formée de personnalités non partisanes, inspirant la confiance et commandant le respect.

Même si le président du Conseil désigné paraît soucieux de ne pas brûler les étapes, il va devoir, tôt ou tard, retenir l’une de ces trois options. Ce sont, par ordre croissant d’opportunité (et de dignité !), la peu flatteuse reddition aux conditions du 8 Mars ; la plate récusation ; et la fidélité, quoi qu’il advienne, aux principes et convictions proclamés. Ce n’est pas pécher contre la raison que de se refuser à considérer, ne serait-ce que l’espace d’un moment, les deux premières. C’est au contraire en exploitant son capital de sympathie populaire, en frappant un grand coup, en formant son équipe dans le cadre de ses propres convictions, en faisant assumer à la classe politique dans son ensemble la responsabilité devant l’opinion d’un éventuel déni de confiance, que Tammam Salam aura rempli sa mission. Et se sera fait une place de choix parmi les grands chefs de gouvernement.

Pour la première fois depuis fort longtemps, c’est enfin pour la bonne cause qu’aura été manié le fait accompli.

Issa Goraieb
igor@lorient-lejour.com.lb

Il y a beaucoup trop longtemps que le pays est soumis à la règle du fait accompli.La faute originelle, comme nul ne l’ignore, aura été l’octroi, bon gré mal gré, à une milice particulière du monopole de la détention des armes, et cela sous couvert de résistance à l’ennemi israélien. C’était là, en quelque sorte, une réédition de l’accord du Caire conclu en...

commentaires (1)

Exactement. C'est plus que jamais le moment opportun où le président désigné du Conseil des ministres devrait imposer ses principes et ses vues et former son gouvernement en accord avec. Le peuple est de son côté. L'hypocrisie du 8 Mars au repos ! On en a marre. Ce n'est plus du tout supportable.

Halim Abou Chacra

04 h 37, le 05 mai 2013

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Commentaires (1)

  • Exactement. C'est plus que jamais le moment opportun où le président désigné du Conseil des ministres devrait imposer ses principes et ses vues et former son gouvernement en accord avec. Le peuple est de son côté. L'hypocrisie du 8 Mars au repos ! On en a marre. Ce n'est plus du tout supportable.

    Halim Abou Chacra

    04 h 37, le 05 mai 2013

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