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Détenus libanais en Syrie : un calvaire qui n’a que trop duré

« La vérité finira par éclater au grand jour », affirme Nassera Dutour

Nassera Dutour : « Les disparus continueront de hanter les pays. Ils nous rappellent qu’ils ont besoin qu’on fasse la vérité sur leur sort. »

Lutter contre les disparitions forcées et établir la vérité. Tel est le principal objectif que s’est fixé la Fédération euro-méditerranéenne contre les disparitions forcées (Femed), une ONG fondée à Beyrouth en 2007 par le Collectif des familles de disparu(e)s en Algérie (CFDA), le Centre libanais des droits humains, l’Association des parents et amis de disparus au Maroc et les Mères pour la paix – Diyarbakir. La Femed a toutefois été enregistrée et basée à Paris « pour des questions de facilité et de proximité ».
Pour parvenir à son objectif, la Femed, dont sont membres Solide (Soutien aux Libanais en détention et en exil) et l’Association des parents des disparus au Liban, aide les associations qui travaillent sur le dossier de la disparition forcée à « sortir de leur isolement ». Pour ce faire, elle les « met en contact avec d’autres associations du pourtour méditerranéen », mais aussi « avec des experts ». Des conférences sont organisées dans ce cadre, comme celle tenue récemment à Beyrouth sur la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. « Nous organisons également des sessions de formation à l’intention des associations, afin qu’elles connaissent les mécanismes internationaux et régionaux pour qu’elles-mêmes puissent toutes seules les saisir, explique Nassera Dutour, présidente de la Femed. Nous menons aussi des campagnes de plaidoyer. Nous avons, à titre d’exemple, introduit les associations des familles des disparus du Kossovo au Parlement européen. Toutes nos activités visent à renforcer les capacités, les compétences et les connaissances de nos associations membres pour pouvoir lutter contre les disparitions forcées et établir la vérité. »
La Femed n’épargne aucun moyen pour rappeler aux responsables des pays qu’elle visite leur devoir envers les familles victimes de disparitions forcées. « Nous faisons le relais de leurs revendications, souligne Nassera Dutour. Nous insistons au cours de ces rencontres sur l’importance pour ces familles d’établir la vérité et la justice. Nous les interpellons également sur la ratification de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. »

Réveiller les vieux démons
Le Liban n’échappe pas à cette règle. Au cours de sa récente visite au pays du Cèdre, la Femed a rencontré nombre de responsables libanais. Quelle a été leur réaction ? « Ils ont été très conciliants, mais ils ne font rien, constate Nassera Dutour. Ils sont toujours d’accord avec tout. Ils disent qu’ils sont conscients de la situation, qu’ils y travaillent, qu’ils y réfléchissent... Peut-être qu’ils pensent à la manière dont ils peuvent s’en sortir de cet épineux dossier par la grande porte sans qu’ils n’aient à rendre des comptes. »
« Je pense que les responsables libanais ont intérêt à faire la vérité, ajoute Nassera Dutour. Les familles n’iront pas plus loin. La vérité les apaisera et les soulagera. Certes, la souffrance persistera, mais elle ne sera plus la même. »
Nassera Dutour s’exprime en bonne connaissance de cause, étant elle-même mère d’un fils victime de disparition forcée. Son cadet, Amine Amrouche, avait 21 ans lorsqu’il a disparu le 30 janvier 1997 dans une rafle à Baraki, une localité située près d’Alger. « C’était un soir de ramadan, confie-t-elle. Amine était sorti échanger des cassettes vidéo et acheter des friandises pour la soirée. Il avait donné rendez-vous à des copains. Il les attendait sur le trottoir au bas de l’immeuble quand il a été arrêté. »
À l’instar des familles algériennes qui connaissent le même sort, Nassera Dutour a fait son enquête: « Nous l’avons cherché, ma mère et moi, partout, se souvient-elle. Nous avons été dans les gendarmeries, dans les hôpitaux... même dans les morgues. » Plus de seize ans plus tard, elle n’a toujours pas pu retrouver la trace de son fils. Et c’est pour briser le silence qui entoure le dossier des disparitions forcées dans son pays, où plus de 8000 personnes sont victimes de ce crime, que Nassera Dutour a créé le CFDA.
« Il n’est pas vrai que l’ouverture des charniers réveillera les anciens démons de la guerre », s’insurge la présidente de la Femed, priée de commenter les arguments avancés par des responsables libanais pour se dérober à leurs obligations envers les familles des disparus. « Ce prétexte n’est pas valable, poursuit-elle. Il a d’ailleurs été avancé dans d’autres pays, mais la vérité y a été établie sans que la guerre ne revienne, comme en Argentine à titre d’exemple. Je ne vois pas pourquoi faire la vérité sur des disparitions forcées va réveiller des démons. Au contraire, je pense qu’établir la vérité est tout en leur honneur. » Mais la volonté politique manque...
Fervente militante de la cause des disparus, Nassera Dutour affirme qu’un jour ou un autre, la vérité éclatera au grand jour. « En Espagne, soixante-dix ans plus tard, les familles ont continué à revendiquer la vérité, et le ministre de l’Intérieur a fini par publier la cartographie des charniers, note-t-elle. Il est impossible que ces dossiers s’oublient. Les disparus continueront de hanter les pays dans lesquels ils ont subi le crime. Ils nous rappellent qu’ils ont besoin qu’on fasse la vérité sur leur sort. À chaque fois que j’avais un coup de blues, que je n’y croyais plus en me disant que je me battais contre des moulins à vent, je rêvais de mon fils qui me réveillait pour me rappeler qu’il existait. Cela me donnait un élan invraisemblable pour poursuivre mon combat. »
Lutter contre les disparitions forcées et établir la vérité. Tel est le principal objectif que s’est fixé la Fédération euro-méditerranéenne contre les disparitions forcées (Femed), une ONG fondée à Beyrouth en 2007 par le Collectif des familles de disparu(e)s en Algérie (CFDA), le Centre libanais des droits humains, l’Association des parents et amis de disparus au Maroc et les...