Rechercher
Rechercher

Législatives 2013 : les électeurs libanais ont la parole - Législatives 2013 : Les électeurs libanais ont la parole

Les Hamzo de Zahlé, déçus par les politiciens mais attachés au Liban

Neuvième volet de notre série* en partenariat avec la Fondation Samir Kassir sur les attentes des électeurs libanais : la famille Hamzo, de Zahlé.

Pierre et Gina Hamzo.

Même par un samedi pluvieux de mars, Zahlé, «la mariée de la Békaa», reste accueillante. Sur la place principale de la ville, plongée dans le brouillard, la circulation est dense, même s’il n’y a pas foule dans les magasins de part et d’autre de la rue qui mène vers la célèbre rivière de Berdawni.


Avec ses quelque 60000 habitants, Zahlé est considérée comme un centre économique et administratif important dans la région. La ville est aussi un enjeu important pour les politiciens, et a souvent été le théâtre de grandes batailles électorales entre les candidats de différents partis chrétiens aux législatives.


Les Hamzo habitent en bordure de la cité industrielle, mais leur appartement donne sur une étendue plantée d’arbres. Pas suffisant pour Pierre Hamzo, 47 ans, enseignant au Collège des Saints-Cœurs de Zahlé. «Les Libanais sont comme ça, ils prennent soin de leur maison et négligent l’extérieur, les routes, les espaces verts, les infrastructures», explique-t-il, installé dans un fauteuil confortable, au milieu du salon familial décoré avec soin dans un style à la fois baroque et contemporain.


Sur l’échelle des Libanais négligents, les responsables politiques sont au sommet, selon M. Hamzo. «Avez-vous remarqué l’état des routes en venant ici? s’indigne-t-il. Laissez-moi vous dire quelque chose, chez nous à Zahlé, comme dans le reste du pays, les responsables prétendent vouloir nous aider mais font le contraire: ils annoncent des travaux sanitaires juste avant d’asphalter une route. Ensuite, ils creusent à nouveau et oublient de réparer les dégâts engendrés par leurs travaux. C’est la preuve qu’il n’y a pas de coordination entre les différents ministères de ce pays. Quelle honte!»


C’est à cause, entre autres, de ce genre de problèmes que Pierre Hamzo et son épouse Gina, parents de deux petites filles, ont décidé d’émigrer au Canada il y a deux ans. «J’ai pris cette décision car la situation devenait intenable. C’est un cumul. Les fonctionnaires ici ne nous traitent pas comme des citoyens, nous n’avons pas de droits. Il n’y a pas de respect», dénonce l’enseignant en sciences de la vie et de la terre.
Au Canada, renchérit Gina, «les Libanais se sentent plus respectés qu’ils ne le sont chez eux. Tous les formulaires à présenter aux autorités aéroportuaires ou aux ministères sont complétés en quelques minutes. Une maman n’attend jamais, on la traite comme on traite les députés ici.» Mais pour cette Libanaise, vivre loin de son pays fut trop difficile, d’où le retour des Hamzo à Zahlé. «J’aime le Liban, Dieu le protège. Je ne sais pas comment on survit ici, mais je ne veux pas vivre loin de ma famille», explique Gina.

 



«Je vote pour le changement»
La veille de la rencontre avec les Hamzo, le Premier ministre Nagib Mikati avait démissionné, plongeant le Liban dans une nouvelle période d’incertitude. La tenue des législatives à la date prévue, en juin, est plus que jamais compromise. De toutes les manières, Pierre Hamzo porte un regard distancié sur les élections.


«Je vote pour le changement, mais ma voix n’a pas d’importance. Les candidats que je choisis n’ont jamais été élus car ils n’ont aucune chance face aux candidats soutenus financièrement par de grands partis ou de grandes communautés», explique-t-il. Ce qui n’empêche pas l’enseignant de remplir son devoir de citoyen. «Je participe à toutes les élections, je vote par principe, même si ma voix n’a pas d’importance. Je donne mon avis en toute liberté.»
L’enseignant choisit « des candidats qui ont un programme convaincant et bien défini, le meilleur parmi les pires, je ne vote pas pour les personnes corrompues qui héritent de leur poste. » Pour lui, «l’orientation politique du responsable ne m’importe pas tant qu’il m’assure mes droits.»


La situation des Hamzo est particulière en ce qui concerne les législatives, puisque leur communauté, syriaque-orthodoxe et donc minoritaire, n’a pas de siège au Parlement libanais. «Les dernières lois électorales ne permettent pas aux syriaques-orthodoxes de se porter candidats aux élections législatives. Nous sommes libanais, nous vivons à Zahlé depuis plus de 120 ans, nous avons donné des martyrs au Liban, mais pour certains nous sommes toujours “les Turcs”», regrette M. Hamzo.



S’adapter
Les Hamzo qualifient leur situation financière de difficile mais assurent que, comme tous les Libanais, ils s’adaptent. «Il n’y a pas d’électricité, il n’y a pas d’eau, les routes sont dans un état lamentable... Mais la vie continue, on fait sortir les enfants, on dîne dans des restaurants, comme si de rien n’était, explique l’enseignant. La famille et les amis sont proches de nous, ce genre de soutien est quasi inexistant à l’étranger.»
Infirmière, Gina avait facilement trouvé un emploi au Canada. Au Liban, sans emploi, elle prend soin de ses deux petites filles.


Pour vivre correctement, les Hamzo savent qu’ils ne peuvent pas compter sur l’État. «Parfois je travaille plus de 18 heures par jour pour assurer des besoins que l’État n’assure pas. J’ai souscrit une assurance privée, car je sais que l’État, en cas de problème, ne va pas m’aider. À l’étranger, les médicaments sont facilement et gratuitement assurés aux malades. Au Liban, se rendre à la Caisse nationale de la Sécurité sociale pour ce genre de demande est un cauchemar pour les citoyens», explique M. Hamzo.
Autre service mal assuré par l’État, l’approvisionnement en électricité. «Je paie chaque mois 600000 livres libanaises (400 USD) pour l’électricité, alors que ce montant dépasse la moitié du salaire de base d’un enseignant», poursuit-il.
Mais les Hamzo regrettent surtout le manque de conscience politico-sociale au Liban, une situation dont les politiciens libanais tirent parti.


«Avant les élections, le lavage de cerveau commence, les photos des candidats sont accrochées un peu partout et les citoyens oublient tout le mal qu’on leur a fait», estime M. Hamzo. Son seul espoir sont «les jeunes générations qui pensent au Liban et non pas à leurs propres intérêts. Je rêve d’un Liban où l’égalité sociale serait une priorité. C’est la solution à tous nos problèmes.»

 

Retrouvez les rencontres précédentes dans notre dossier Les électeurs libanais ont la parole

Même par un samedi pluvieux de mars, Zahlé, «la mariée de la Békaa», reste accueillante. Sur la place principale de la ville, plongée dans le brouillard, la circulation est dense, même s’il n’y a pas foule dans les magasins de part et d’autre de la rue qui mène vers la célèbre rivière de Berdawni.
Avec ses quelque 60000 habitants, Zahlé est considérée comme un centre...