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Législatives 2013 : les électeurs libanais ont la parole - Législatives 2013 : Les électeurs libanais ont la parole

Le changement est-il encore possible? s’interrogent les Merheb de Tripoli

Dernier volet de notre série* en partenariat avec la Fondation Samir Kassir sur les attentes des électeurs libanais : la famille Merheb à Tripoli, capitale du Liban-Nord.

Khaled Merheb et sa mère Afaf.

Par un samedi de printemps, le quartier Azmi de Tripoli regorge d’animation avec ses klaxons, ses commerces et ses immeubles d’habitation sans grande prétention, un peu fatigués même. Loin de la zone sensible de Bab el-Tebbaneh (à majorité sunnite et antirégime syrien) et de Jabal Mohsen (à majorité alaouite et pro-Assad) où des obus sont encore tombés le matin même, le quartier vibre au rythme de ses habitants de la classe moyenne.


C’est dans un immeuble quelconque de ce quartier que nous reçoivent Afaf Merheb, 62 ans, et son fils Khaled, divorcé, un peu moins de quarante ans, père d’un garçon de 6 ans. Khaled, avocat, passionné de lecture et de culture, vit entre cet appartement que louent ses parents à Tripoli et Beyrouth, où il passe l’essentiel de ses week-ends. Afaf, détentrice d’un « magistère en sociologie », mère de cinq enfants dont trois à l’étranger, est enseignante au sein d’un établissement islamique de la région. L’une des fiertés de cette Libanaise est que tous ses enfants ont fait des études universitaires. Mme Merheb est également active au sein d’une association humanitaire au service des familles défavorisées de la région.


Assis dans le petit salon meublé avec simplicité et orné de photos des enfants, conjoints et petits-enfants, mère et fils racontent les difficultés qu’ils rencontrent dans leur vie quotidienne. Bien au-delà des difficultés matérielles dont se plait la majorité des Libanais.

 



Des lois au service de l’être humain
Elle, fille d’un ancien député et grand propriétaire terrien du Akkar qui a vendu ses terrains pour vivre, avoue son « dégoût du niveau déplorable » de l’actuelle classe dirigeante « qui ne travaille pas pour le pays ». « Du temps de mon père, les choses étaient différentes », dit-elle avec tristesse, dénonçant « le luxe ostentatoire » dont les hommes politiques font étalage, à la manière « des nouveaux riches ».


Ce qui irrite Khaled est « la non-application de la loi à Tripoli », mais aussi « le chaos sécuritaire et routier, le confessionnalisme ambiant et le manque de civisme » dans la capitale du Liban-Nord. Idéaliste et membre actif de la société civile, il rêve « de lois au service et dans le respect de l’être humain ».


Si leurs critiques vont dans la même direction, Khaled et sa mère ont des idées et sensibilités politiques totalement différentes.
« Ma mère était plus ouverte autrefois. Je trouve qu’elle s’enfonce dans le communautarisme (sunnite) et l’extrémisme ambiant », estime Khaled Merheb, déplorant l’arrivée dans la ville « de nouveaux venus qui ont imposé aux Tripolitains un nouveau mode de vie ». Chose qu’il vit comme « une régression ».
« Tous mes proches ont été influencés, leurs habitudes ont changé », regrette-t-il encore. « Impossible d’avoir un avis autre que le leur, sinon gare à la répression tripolitaine », assure-t-il. Et l’avocat de dénoncer « les apparitions armées dans la ville », « l’extrémisme de la population », conséquence de « la mobilisation communautaire ». Cette mobilisation, sa mère la trouve « normale » dans le climat actuel, au point de la justifier.



Renvendications féminines
Les droits de la femme sont un autre gros sujet de dissensions entre mère et fils.
« Je suis contre les revendications féminines. Que leur manque-t-il ? Les femmes bénéficient bien de tous leurs droits, elles poursuivent leurs études, elles travaillent, elles votent librement. Doivent-elles pour autant aller au Parlement et abandonner leurs enfants aux employés de maison philippines ? » lance Afaf, intarissable sur le sujet.
Khaled, lui, est engagé pour la défense des droits de la femme. Plus particulièrement, il trouve « inadmissible et honteux » qu’une Libanaise ne puisse transmettre sa nationalité et qualifie la loi actuelle de « discriminatoire ». Il dénonce aussi le caractère « arriéré » de la loi sur le viol. « Est-il normal que soit toujours en vigueur la loi qui absout un violeur s’il épouse sa victime ? » demande-t-il, avant de dénoncer le machisme masculin qui prévaut à Tripoli, cette ville qu’il aime tant.

Des députés intègres
En cette période préélectorale, les Merheb voudraient bien espérer un changement au terme des prochaines législatives. Mais la mère, Afaf, ne peut cacher son pessimisme. « Je ne pense pas que les choses changeront », dit-elle, estimant carrément que le Liban « n’aurait jamais dû prendre son indépendance ». « Heureusement que ma fille a quitté le pays », finit-elle par lancer.


Khaled, lui, se déclare optimiste, mais à la condition que de nouveaux candidats soient élus. « Je m’engage à ne voter pour aucun candidat qui a déjà travaillé dans la politique, promet-il. Car il nous faut de nouvelles têtes, une classe politique d’un nouveau calibre. »


Le changement souhaité par l’avocat passerait par la mise en place « d’un État civil » qui « respecterait l’être humain » et « appliquerait les lois ». Des candidats de qualité favoriseraient « l’émergence d’un État de droit », ce qui permettrait « l’adoption et l’applicationde nouvelles lois ».
Pour l’avocat, les députés, aujourd’hui, sont plus concernés par les mondanités et les services aux électeurs que par le travail législatif et institutionnel. « L’origine familiale du député m’importe peu. L’essentiel est qu’il soit intègre et qu’il présente un programme », observe-t-il, se prononçant en faveur de la jeunesse.


Quant à sa mère, sur quelle base voterait-elle ? « Selon ma conscience et pour un homme honnête qui travaille au service de sa région », affirme-t-elle, insistant sur le respect dû aux citoyens. Afaf pourrait aussi ne pas se rendre aux urnes si le climat ne s’y prêtait pas. « Je ne voterai que si je suis vraiment convaincue », promet-elle.

 

Par un samedi de printemps, le quartier Azmi de Tripoli regorge d’animation avec ses klaxons, ses commerces et ses immeubles d’habitation sans grande prétention, un peu fatigués même. Loin de la zone sensible de Bab el-Tebbaneh (à majorité sunnite et antirégime syrien) et de Jabal Mohsen (à majorité alaouite et pro-Assad) où des obus sont encore tombés le matin même, le quartier...