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Moyen Orient et Monde - Syrie-Reportage

Oum Abed : de l’hôpital militaire au chevet des rebelles

L’infirmière a rejoint les insurgés après la mort de sa mère et de son frère, tués par l’armée.
Oum Abed était jusqu’il y a peu infirmière à l’hôpital militaire de Lattaquié dans le nord-ouest de la Syrie. Quand son frère et sa mère ont été tués dans des bombardements de l’armée, elle a quitté son poste pour soigner des blessés en zone rebelle. « Comment aurais-je pu continuer à soigner (les soldats) qui ont tué ma mère et mon frère ? » lance cette femme de 27 ans, le visage ceint d’un voile noir qui tombe sur sa longue abaya de la même couleur. Dans un hôpital improvisé de Jabal el-Akrad, zone rebelle dans le nord de Lattaquié – région d’origine du président Bachar el-Assad –, elle soigne désormais des rebelles et de nombreux civils blessés ou intoxiqués par une mauvaise alimentation ou l’eau insalubre. L’établissement est situé dans la localité de Salma, autrefois superbe lieu de villégiature estival devenu la cible de bombardements intenses et quotidiens de l’armée.
Jabal el-Akrad (montagne kurde) est stratégique pour le régime comme pour les rebelles car il est bordé au sud par le fief du clan au pouvoir depuis 40 ans en Syrie : la montagne alaouite, communauté à laquelle appartient le président Bachar el-Assad.
En quittant l’hôpital où elle travaillait, Oum Abed, une sunnite, a laissé derrière elle des amis, dont une alaouite qui était « très proche ». « Quand j’ai quitté mon poste, elle m’a demandé pourquoi je partais. Je lui ai raconté ce qui était arrivé à mon frère et à ma mère », raconte-t-elle. « J’ai été très surprise quand elle m’a renvoyé une lettre en me traitant de terroriste », terme par lequel le régime désigne les rebelles. « J’aimerais tellement que nous redevenions comme avant », soupire la jeune femme qui dit avoir grandi en bonne entente avec les alaouites. « Nous étions frères et sœurs, et nous aurions dû le rester, mais ils ont changé et ont lancé la guerre confessionnelle », accuse-t-elle.
Oum Abed est l’une des quatre femmes à se relayer jour et nuit pour accueillir et soigner malades et blessés dans cet établissement installé dans un immeuble résidentiel grâce à des aides humanitaires et médicales. Sa collègue, Manal, est en charge de la pharmacie depuis 10 mois. « Quand je suis arrivée, nous n’étions que trois ou quatre à travailler à l’hôpital. En regardant autour de moi, j’ai réalisé que j’étais la seule fille de tout Jabal el-Akrad », se souvient cette coquette femme de 26 ans, les yeux soulignés par d’élégants traits de kohol. Sa famille a quitté la zone, mais elle dit être restée par besoin d’aider les gens. « Je suis devenue plus forte qu’un million d’hommes », dit-elle avec un large sourire, devant des rayonnages de médicaments.
Cette pharmacienne de formation a dû apprendre sur le tas à recoudre les blessures causées par les éclats d’obus, à pratiquer les soins d’urgence sous les bombardements incessants. Elle et ses collègues habitent dans l’hôpital ou dans des maisons alentour et restent disponibles 24 heures sur 24. Elles parlent à leurs familles par téléphone le soir, quand le générateur permet de recharger les batteries ou d’utiliser Internet. Certaines n’ont pas vu leurs proches depuis des mois, mais elles se sont recréé une nouvelle famille à l’hôpital.
« Ici, nous avons découvert la solidarité, nous travaillons main dans la main, hommes et femmes, pour aider les autres », témoigne l’une d’elles sous le couvert de l’anonymat. « Ils peuvent bombarder tant qu’ils veulent, nous n’avons plus peur maintenant », lâche-t-elle, alors que l’immeuble tremble sous l’onde de choc d’un bombardement aérien proche.
© AFP
Oum Abed était jusqu’il y a peu infirmière à l’hôpital militaire de Lattaquié dans le nord-ouest de la Syrie. Quand son frère et sa mère ont été tués dans des bombardements de l’armée, elle a quitté son poste pour soigner des blessés en zone rebelle. « Comment aurais-je pu continuer à soigner (les soldats) qui ont tué ma mère et mon frère ? » lance cette...

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