Une flopée de moustachus, à la griffe acérée, aux yeux en amande verte, ou de tigron au museau rose, au ventre doux comme du duvet, mènent une joyeuse et bruyante sarabande dans ces pages. Des pages qui sont pour eux comme autant de toits et de gouttières, de terrains et de cours de récréation, de poubelles et de sacs de vidange où fouiller et farfouiller ont des vertus capiteuses et des délassements enivrants.
Ces chats, dorlotés, chouchoutés ou bottés, proches par leur éloquence du monde animalier de La Fontaine, singes de leurs maîtres, ont des attitudes d’impayables imitateurs et surtout des noms amusants. Tout comme leur comportement à l’image des propriétaires de cet immeuble tournant le dos à la ville! Ahurissant chapelet de noms, comme le raccourci ou l’épithète d’une vie, qui s’égrène en toute fantaisie.
Que l’on en juge par cette cohorte de félins qui remplit les lignes et les paragraphes de son raffut, de ses sauteries, de ses déambulations et de ses machinations : «Gribouille», «Salomé», «Aristote», «Raspoutine», «Rimbaud », «Lucifer», «Gourmet», «Chipie», «Pacha», «Lulu », «Lolita», «Monna Lisa », «Messaline», «Roméo», «Juliette».
L’auteur de La Maison aux orties semble se divertir, en toute délectation, avec ce roman. En contant sa propre histoire, grassement grimée il est vrai, mais où abondent les clins d’œil pour son propre personnage et sa réalité d’écrivaine amoureuse des mots, aimant jardiner (menthe, persil, romarin, basilic, nommés plus d’une fois!) et concocter des plats et des ragoûts épicés. Recettes aussi répétées, comme une litote, une antienne de vieille dame un peu oublieuse, avec curcuma, sumac et autres plantes aromatiques.
Une femme qui «peut se passer de pain, d’eau, de lait, même de confiture, mais pas de chats ni surtout de mots». Pour une femme de lettres qui a su garder sa ligne, son élégance et sa sveltesse, l’allusion est claire, non?
Repartie pour la fiction, installée dans le plaisir de conter et les délices de divaguer, une femme écrit par conséquent à la mairie de Paris, pour être enterrée avec ses chats, sous la pelouse de son jardin à Passy. Requête bien sûr refusée et qu’une chatte se charge de défendre, d’une plume allègre et «griffue».
Autodérision sur fond de description d’un voisinage aux personnages délurés et disjonctés. Portraits caricaturaux, cocasses et surréalistes, brossés avec une certaine tendresse et acidité. De Lurette la concierge à Garbis Garbissian, l’occupant au sommet du dernier étage, la narration de Vénus Khoury-Ghata flirte, non sans humour et désinvolture – et quelques facilités et lapalissades –, avec situations abracadabrantes, répliques saugrenues et cavalières, réflexions pince-sans-rire et faussement innocentes.
La narratrice se laisse aborder comme une sorte de « desesperate house wife » des lettres, comiquement attachée à son «Olympia ES 72», quand les laptops rivalisent, à la vitesse lumière, d’ingéniosité technique! Vieille veuve un peu hors du temps, à l’esprit mordant et au verbe piquant, elle s’entoure de cette ribambelle de chats pour conjurer la solitude, les exactions des voisins et les problèmes du fisc...
Avec cet attachement véhément à faire valoir le mot français dans un esprit de langue arabe. Pirouettes et entrechats où la poésie, équilibriste patentée, est toujours de rigueur. En s’affairant autour de phrases qui font mouche: «Même les chats ont la chair de poule»... «Atteint d’une tumeur à son arbre généalogique»...
Ce roman, pour toutes les âmes sensibles, n’est pas un inventaire de la vie et les tribulations des chats, mais plutôt de leurs maîtres. Et l’essentiel de cette fiction et de ces chatteries demeure, bien entendu, l’écriture, avec laquelle Vénus Khoury-Ghata a toujours eu un rapport passionné.
On écarte la plume de sa chatte, qui est ici son prête-nom et messagère, et on lui cède volontiers les derniers mots : «Elle qui dévie les mots de leur sens en tire même fierté lorsqu’elle explique à ses lecteurs médusés que le secret de son écriture réside dans le contre-emploi du vocabulaire, mariant entre eux des mots venus de mondes différents, mélangeant l’arabe et le français, écrivant ce dernier de droite à gauche quand lui prend l’envie, l’arabe de gauche à droite pour voir les mots marcher à reculons. Et tant pis pour ceux qui ne comprennent pas.»
Et vlan pour ceux qui veulent facilement donner leur langue aux chats !
Le chat...animal psychopompe par excellence...j'ai deux chats Bob et Igor,un sharpei Douchka,deux poissons rouges N° 4 et Hulk,et une tortue des maures,Rosalie...à part la tortue,qui est vraiment un animal des plus curieux,chacun des autres apporte son lot...même les poissons,très familiers en fait...il n'y a pas de bon ou mauvais animal...il y a de bons et de mauvais maïtres!Conclusion...je suis un bon maître...mdr!!!!
19 h 39, le 03 avril 2013