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Dix ans après, l’Irak à mille lieues de la démocratie stable voulue par Bush

L’éternel espoir des Irakiens

Iyad Allaoui a été le premier Premier ministre irakien après la chute de Saddam Hussein (2003-2005), et a supervisé les premières élections libres d’Irak. Il dirige actuellement la liste Iraqiya au Parlement irakien.

Dix ans ont passé depuis que Saddam Hussein a été chassé du pouvoir, après plus de trois décennies de règne tyrannique. Après la chute de Saddam, le rêve des Irakiens consistait à bâtir un Irak nouveau, prospère et démocratique. Un pays en paix avec lui-même et avec ses voisins, qui reposerait sur une Constitution garante des droits fondamentaux de l’homme et de la primauté du droit, tel était le désir de la grande majorité du peuple. Mais les États-Unis et leurs alliés, faute d’une vision cohérente pour l’avenir de l’Irak, et encore davantage à défaut d’une politique appropriée à l’ère post-Saddam, ont conféré à l’Irak le statut de pays occupé, gouverné par un administrateur désigné par les Américains, qui a rapidement décidé de démanteler toutes les institutions sécuritaires, militaires et journalistiques existantes. Il a également établi une loi de débaassification, qui a exclu sans aucune base légale les membres du parti Baas de tous les postes officiels, ouvrant la voie au sectarisme et, en fin de compte, à l’agitation et à la violence communautaire.
Ces événements malheureux, et finalement désastreux, ont établi des fondations instables dans un pays stratégique situé au cœur d’une région du monde extrêmement troublée et pourtant vitale. Au cours des dix dernières années d’agonie, à mesure que l’Irak traversait diverses phases de mauvaise gestion, le pays s’est fracturé, brisant les rêves des Irakiens, qui ont vu leur patrie bien-aimée dériver à nouveau vers un autoritarisme caractérisé par des violations quasi quotidiennes de la Constitution. Pendant ce temps, le monde était spectateur, apparemment impuissant face aux événements.
Les dernières élections générales de 2010 avaient fait renaître l’espoir d’une relance positive sous la forme d’un accord de partage du pouvoir entre les sunnites, les chiites et les Kurdes, qui était destiné à garantir que le pays ne replonge pas dans la dictature. La liste Iraqiya, que je dirige, a constitué le plus important bloc électoral à émerger de ces élections. Malgré notre importance, nous avons pour autant accepté de renoncer à la position de leadership conférée par la Constitution, considérant que le partage du pouvoir et le respect des droits de tous les Irakiens étaient la seule formule possible pour que le pays soit gouverné démocratiquement. Ces espoirs ont cependant rapidement disparus, le Premier ministre irakien aux deux mandats, Nouri al-Maliki, ayant par la suite refusé un tel accord. Aujourd’hui, ces mêmes droits de l’homme censés être garantis par la Constitution se trouvent bafoués, l’appareil judiciaire politisé faisant systématiquement l’objet d’abus et de manipulations destinés à justifier les agissements du Premier ministre. Au lieu de jouer le rôle de garde-fous à l’endroit du gouvernement Maliki, les tribunaux ne font que faciliter sa quête vers un pouvoir toujours plus considérable.
Constats qui n’arrangent en rien la situation des Irakiens ordinaires, les services publics se sont dégradés jusqu’à un niveau lamentable, et le chômage est en forte hausse, malgré des dépenses publiques de plus de 500 milliards $ au cours des sept années de règne de Maliki. Le sectarisme et le racisme sont devenus des composantes habituelles du paysage politique. La corruption est omniprésente, et Bagdad est désormais considérée comme l’une des pires villes au monde où faire sa vie. Si l’Irak poursuit sa voie sur son chemin désastreux actuel, le chaos et la guerre civile seront inévitables, avec des conséquences dramatiques pour la région toute entière. Les Irakiens continuent néanmoins d’espérer un avenir meilleur.
L’avènement d’un nouveau cycle électoral, qui débutera avec les élections locales d’avril, pourrait offrir à l’Irak une nouvelle chance de retrouver le droit chemin. Mais cela ne sera possible qu’à condsition d’un vote libre et d’un dépouillement juste. Or, le gouvernement actuel est incapable de superviser des élections libres et équitables. Des mesures significatives doivent être prises, notamment à travers l’implication active d’agences et d’observateurs internationaux neutres, susceptibles de garder un œil sur le gouvernement et de garantir que les électeurs puissent exprimer leur volonté. Nous avons espoir de voir les Irakiens, qui ont eu leur lot de partis politiques sectaires, en capacité de choisir librement des candidats partisans d’un programme exempt de sectarisme et de racisme.
Étant donné l’existence d’une nouvelle loi limitant à deux mandats l’exercice du pouvoir par les hauts dirigeants, nous espérons également pouvoir être représentés par des dirigeants nouveaux, qui puissent être tenus responsables de l’exercice de leurs fonctions. Je suis persuadé que le partage du pouvoir, la réconciliation et la responsabilité des dirigeants constituent la seule voie possible vers l’avenir pour l’Irak. Espérons que ce printemps – dix ans après l’invasion américaine et la chute de Saddam – apportera à l’Irak un départ nouveau et constructif.

Traduit de l’anglais par Martin Morel.
©Project syndicate, 2013.
www.project-syndicate.org
Dix ans ont passé depuis que Saddam Hussein a été chassé du pouvoir, après plus de trois décennies de règne tyrannique. Après la chute de Saddam, le rêve des Irakiens consistait à bâtir un Irak nouveau, prospère et démocratique. Un pays en paix avec lui-même et avec ses voisins, qui reposerait sur une Constitution garante des droits fondamentaux de l’homme et de la primauté du...