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Culture - Théâtre

De la mémoire et du sentiment identitaire...

Sur les planches du Monnot, jusqu’au 17 mars, Élie Youssef et Yara Bou Nassar interrogent la mémoire identitaire et la relation au pays dans « J’ai un poisson rouge ».

Des années après leur première rencontre, ils se retrouvent et partagent des histoires qu’ils ont vécues...                         Photo Michel Sayegh

Une scène, plongée dans le noir, qui prend l’aspect d’un territoire indéterminé, entre chantier de construction, d’une part (avec amas de sable dans un coin et des sortes de bâches vertes suspendues du plafond), et atelier de couture, d’autre part. Une femme (Yara Bou Nassar) fait son apparition, la silhouette éclairée d’un projecteur qui suit ses déplacements, ses mouvements saccadés, ses gesticulations douloureuses. Elle marmonne un charabia incompréhensible, sorte de lamento entremêlé de prière, avant de s’enrouler dans un pan de bâche traînant au sol pour arriver, dans un enroulement très chorégraphique, jusqu’à une drôle de machine à coudre, faite de bric et de broc. Comme la mémoire.
Elle s’y installe et se met à coudre des lambeaux... de souvenirs?
En parallèle, on entend une voix masculine raconter un rêve récurrent qui parle de solitude, d’abandon, de perte et de détresse dans un Beyrouth qui se transforme en territoire fuyant.
La voix se tait et, brusquement, un homme (Élie Youssef) fait son apparition. Ils se reconnaissent. Ils s’étaient rencontrés avant... Avant le départ de ce dernier pour l’étranger. Ils égrènent leurs souvenirs, s’échangent leurs rêves et leurs attentes, évoquent un sentiment commun de désarroi et d’étrangeté à leur environnement, se racontent des épisodes de leurs vies marquées par la guerre. Celle-ci a laissé ses empreintes sur leurs corps, leurs âmes, leur mémoire identitaire...
De ces retrouvailles étranges entre une femme disloquée et un homme aux illusions perdues, il émane quelque chose d’attachant et de nébuleux tout à la fois.
Inspirée de L’ignorance de Milan Kundera, cette pièce, soutenue par le collectif Kahraba, est écrite, mise en scène et co-interprétée par Élie Youssef et Yara Bou Nassar, deux jeunes comédiens au talent incontestable – révélé d’ailleurs par leur précédent duo dans Adam Fi Janna Bila Thamar, de Raymond Gebara.
Et, en dépit de quelques aspérités scéniques, d’un débordement d’idées et d’effets qui peuvent par moments faire perdre pied au spectateur, J’ai un poisson rouge se révèle une pièce prenante. Car elle parle de l’impossible retour au pays d’origine, explore la notion de mémoire identitaire, examine l’expérience humaine et ses paradoxes, dont le moindre n’est pas le malentendu amoureux.
Servi sur un mode chorégraphique et rythmé, le jeu est d’une belle expressivité. Celui de Yara est fortement imprégné de sa formation de mime, tandis que la performance d’Élie – notamment dans la scène où il interprète un animateur-radio – est d’une précision d’horloger doublée d’un numéro d’équilibriste. Et puis, malgré quelques digressions, l’idée centrale de cette œuvre reste perceptible. Le duo a réussi à verbaliser cette quête identitaire, ce malaise dans la relation au pays, qui est le lot partagé de plus en plus de Libanais, jeunes et moins jeunes. Et rien que pour cette gageure, elle mérite d’être vue !

*Rue de l’église Saint-Joseph. Du jeudi au dimanche, à 20h30. Tél. : 01/202422. Billets en vente dans toutes les branches de la librairie Antoine ainsi qu’au guichet du théâtre.
Une scène, plongée dans le noir, qui prend l’aspect d’un territoire indéterminé, entre chantier de construction, d’une part (avec amas de sable dans un coin et des sortes de bâches vertes suspendues du plafond), et atelier de couture, d’autre part. Une femme (Yara Bou Nassar) fait son apparition, la silhouette éclairée d’un projecteur qui suit ses déplacements, ses mouvements...

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