L’affaire des deux mandats d’arrêt émis par les autorités syriennes contre l’ancien Premier ministre Saad Hariri et le député Okab Sakr, accusé d’envoyer des armes à la rébellion syrienne, ne sera en définitive qu’une des dernières gesticulations médiatiques du pouvoir syrien au Liban.
Certes, l’avocat Rachad Salamé, qui assure déjà la défense du trafiquant de médicaments Abdel Latif Fneich, a accepté par principe de se charger de ce dossier, si tant est que la procédure syrienne puisse aboutir auprès des tribunaux libanais.
Or il semble que plusieurs vices de forme empêchent cette procédure d’aboutir.
C’est ainsi que des sources du bureau d’Interpol à Beyrouth, interrogées par l’agence al-Markaziya, ont affirmé que cette organisation a refusé d’introduire la plainte syrienne dans sa base de données, car elle contrevient au règlement de l’organisation, à qui il est strictement interdit de s’ingérer dans toute affaire qui aurait une dimension politique, militaire, religieuse ou raciale.
Par ailleurs, privé de légitimité par la communauté internationale, qui reconnaît désormais le Conseil de l’opposition comme représentant légitime du peuple syrien, et mis au ban de la Ligue arabe depuis un an, le régime syrien a perdu toute qualité pour déposer une plainte auprès d’Interpol.
Quand bien même le Liban se tiendrait à distance de ces prises de position arabes et internationales, il reste que, faute d’être notifié par les canaux légaux, il ne peut tenir compte de ces plaintes.
Du reste, et c’est là un nouvel obstacle pour cette plainte, si le procureur général près la Cour de cassation est notifié en bonne et due forme, c’est vers le Parlement libanais qu’il doit se tourner, pour demander la levée de l’immunité parlementaire, afin que MM. Hariri et Sakr puissent être poursuivis. Une procédure qui n’aboutira jamais.
En outre, même si des poursuites réelles finissent par être engagées, elles risquent fort de se retourner contre leurs auteurs, puisqu’elles le sont sur base d’enregistrements falsifiés, selon M. Sakr. Un chef d’accusation que le parlementaire a bien l’intention de diriger contre le quotidien al-Akhbar, proche du Hezbollah, qui a soulevé l’affaire. M. Sakr, toutefois, a intelligemment retourné l’accusation contre ses auteurs, en conservant une copie de l’enregistrement original de la conversation jugée compromettante avec Louaï Moqdad, dans laquelle il est supposé avoir promis des livraisons d’armes aux rebelles syriens.
On sait par ailleurs que le Liban a engagé des poursuites contre l’un des chefs des nombreux services de renseignements syriens, Ali Mamlouk, dans l’affaire des explosifs introduits clandestinement au Liban par l’ancien ministre Michel Samaha, et qui devaient être utilisés pour déstabiliser le Liban-Nord et y provoquer des heurts confessionnels.
Strictement judiciaire
Jouant le jeu de la légalité jusqu’au bout, le ministre de l’Économie, Nicolas Nahas, a affirmé hier que l’affaire est « strictement judiciaire » et concerne les deux ministres de la Justice et des Affaires étrangères.
« Le gouvernement interviendra si l’affaire finit par revêtir des dimensions politiques », a-t-il affirmé.
Toutefois, en contrepoint de cette position prudente, voire peureuse, le chef du Bloc national, Carlos Eddé, a rappelé que le régime syrien se moque de la justice et n’a jamais reculé devant aucun moyen pour terroriser ses adversaires politiques.
Lire aussi
Les mandats d’arrêt syriens ou la vengeance du régime Assad, l'éclairage de Philippe Abi Akl
« Le Liban peut-il survivre à la crise syrienne ? », une analyse de Carnegie Middle East
Pour mémoire
commentaires (2)
L'Iniquité ne sème que la spore de la Discorde...
SAKR LEBNAN
11 h 17, le 15 décembre 2012