De l’autre côté du « mur de l’amitié », en zone afghane, les militaires américains circulent avec leur fusil chargé.Munir uz-Zaman/AFP
Au sud de Kaboul, le poste avancé McClain, dans la province du Logar, un territoire stratégique pour empêcher les insurgés très présents dans la zone d’avancer vers la capitale, est présenté comme une sorte de camp modèle. Les relations entre les troupes de l’OTAN et les forces afghanes y sont décrites comme bonnes par les deux parties, en dépit de la vague inédite d’incidents qui ont déjà vu plus de 50 soldats occidentaux tomber sous les balles de leurs frères d’armes afghans cette année dans le pays. L’OTAN assure que seul un quart de ces « attaques de l’intérieur », qui représentent 15 % du total de ses pertes en 2012 en Afghanistan, sont perpétrées par des rebelles talibans infiltrés dans les forces afghanes, la majorité étant selon elle provoquée par des divergences culturelles ou conflits personnels entre Occidentaux et Afghans qui ont dégénéré.
La méfiance, ou défiance, très facilement concevable dans ce contexte entre les alliés, n’est pourtant pas de mise au poste avancé McClain, selon plusieurs soldats. Même si un « mur de l’amitié » a été bâti pour éviter tout incident à la mi-août, alors que les « attaques de l’intérieur » étaient à leur apogée. Le lieutenant-colonel Rafiullah, en charge du bataillon afghan, estimait alors que le mur rendrait ses hommes plus indépendants. Il a aussi demandé que 25 de ses soldats, munis de cartes d’identité, puissent aller et venir librement, mais non armés, dans la partie américaine du camp.
À l’inverse, les militaires américains circulent, eux, avec leur fusil chargé en zone afghane. Les soldats de l’ANA (l’Armée nationale afghane) « ne voient pas cela comme quelque chose d’irrespectueux », assure le major Matthew Albertus, l’officier en charge de la base. « Rafiullah fait de la bonne prise en charge de ses conseillers (occidentaux) une affaire personnelle. Il se sent responsable de notre sécurité », ajoute-t-il. Quant aux éventuelles divergences, « nous sommes capables de parler de cela » et « il n’y a aucune ambiguïté », selon lui. Côté afghan, des agents des services de renseignements sont infiltrés dans les rangs de l’armée pour détecter d’éventuels fauteurs de troubles, explique le capitaine Hayauddin Hekmat, porte-parole du lieutenant-colonel. « Depuis quatre mois, nous menons des missions conjointes, sans incident », remarque-t-il.
Le bataillon de Rafiullah fait partie d’un groupe de 74 sur 156 qualifiés d’« efficaces avec conseillers » dans un rapport publié en avril par le département de la Défense américain. Seuls 13 kandaks, ou bataillons, ont reçu la mention d’« indépendants avec conseillers ». À deux ans du retrait de l’essentiel des troupes de l’OTAN, le potentiel de l’armée et de la police afghanes, qui devront alors assumer seules la sécurité du pays, soulève de nombreuses interrogations. Dans un rapport publié lundi, l’International Crisis Group estime en outre que le gouvernement afghan pourrait sombrer après 2014 et le pays glisser dans un imprévisible chaos, notamment parce que ses forces de sécurité sont « dépassées et sous-préparées » à la transition sécuritaire.
Sur le terrain, entre champs, ruisseaux et vergers, le sergent de peloton Jason Patrick, qui en est à sa troisième mission afghane, résume la situation. « Il y a la bonne ANA et la mauvaise. Parfois, ils sont nuls. Ils veulent prendre le thé au beau milieu d’une patrouille. Mais nos ANA, ici, sont exemplaires. Ils sont prêts », analyse-t-il.
Le mois dernier, face à la multiplication des « attaques de l’intérieur », l’OTAN a décidé de réduire le nombre des patrouilles communes avec les Afghans. Avant cela, le bataillon de Rafiullah effectuait déjà les 9/10es des patrouilles de manière indépendante. « Ce n’est pas parce que nous partons. C’est parce qu’ils sont tout à fait capables de conduire ces opérations », affirme le major Albertus.
(Source : AFP)