La sortie du film scandaleux L’innocence des musulmans et la publication par Charlie Hebdo de nouvelles caricatures sur Mohammad posent, une fois de plus, la question de la frontière entre liberté et anarchie. La liberté d’expression est un principe sacro-saint que nul ne saurait remettre en question. Dans Le Censeur de Baudelaire, ma biographie du procureur Pinard qui essaya d’interdire Madame Bovary et Les Fleurs du mal, je cite cette phrase révélatrice de Flaubert : « Je hais frénétiquement ces idiots qui veulent écraser la muse sous les talons de leurs bottes; d’un revers de sa plume, elle leur casse la gueule et remonte au ciel. Mais ce crime-là, qui est la négation du Saint-Esprit, est le plus grand des crimes et peut-être le seul crime. » Certes. Mais la religion est une question si délicate qu’elle exige, de la part des médias, la plus grande prudence. Car toute atteinte à la religion est perçue par le fidèle comme une agression personnelle. Des déprédations, des meurtres sont même commis en représailles par des excités, souvent manipulés par des groupuscules extrémistes, qui espèrent ainsi laver l’affront ou se donner de l’importance en tant que « référence » (marja3ia) religieuse. Partant de ce constat, force est de reconnaître que la paix civile dans les sociétés multiconfessionnelles – la plupart des sociétés occidentales le sont aujourd’hui, même si la laïcité y est consacrée dans les textes – suppose un minimum de respect mutuel. Au Liban, par exemple, où cohabitent tant bien que mal dix-huit communautés religieuses, la vigilance est de mise car toute atteinte à la religion de l’autre risque d’exacerber les antagonismes et de conduire à une nouvelle guerre civile...
En publiant ses caricatures, Charlie Hebdo bafoue la notion de respect, garde-fou nécessaire dans les relations sociales, et se montre irresponsable en mettant en danger les intérêts de la France et la vie des Français. Quel est l’enjeu d’une telle provocation? Faire preuve de solidarité avec un film lamentable qui déshonore le cinéma?
Créer la polémique pour augmenter ses ventes?
Où est l’éthique dans une telle démarche ? Quelle cause défend-on au juste ? La France est engagée aux quatre coins de la planète dans tous les domaines : militaire, politique, économique, culturel... Elle ne peut courir le risque de se mettre à dos les musulmans du monde entier pour les beaux yeux d’un journal dont l’audace légendaire se mue ici en provocation gratuite ; elle n’est pas « obligée » de s’exposer à des attentats commis par des intégristes qui confondent indignation et barbarie ni de mobiliser des milliers de gendarmes et de soldats pour protéger ses intérêts et défendre ses ressortissants, à cause d’une fanfaronnade insensée. Mourir pour une idée, oui, mais laquelle ?
La sortie du film scandaleux L’innocence des musulmans et la publication par Charlie Hebdo de nouvelles caricatures sur Mohammad posent, une fois de plus, la question de la frontière entre liberté et anarchie. La liberté d’expression est un principe sacro-saint que nul ne saurait remettre en question. Dans Le Censeur de Baudelaire, ma biographie du procureur Pinard qui essaya...
Tres bien écrit comme d'habitude M. Alexandre Najjar, un article bien réfléchi, même un peu trop par rapport au niveau intellectuel de certains...
08 h 33, le 23 septembre 2012