Les rapts contre rançon sont en train de prendre une dimension insupportable au Liban. Il ne s’agit plus d’incidents de sécurité, mais d’une véritable industrie qui permet à ses auteurs de s’enrichir en très peu de temps, encouragés en cela par le laxisme des autorités.
Pour obtenir la libération de son époux, Youssef Béchara, sa femme a dû payer à ses ravisseurs 400 000 dollars, alors qu’ils en avaient réclamé 4 millions. Youssef Béchara avait été enlevé dimanche à Bsalim près de sa maison. Il a été libéré hier. Son épouse avait payé la rançon près de l’église Mar Mikhayel à Chiyah. Il est directement rentré chez lui où un accueil populaire lui a été réservé, en racontant que ceux qui l’ont enlevé étaient nombreux. Il n’a pas pu cependant les identifier. Youssef Béchara est le frère du secrétaire général du syndicat des propriétaires de boulangeries, Anis Béchara. Ce dernier a indiqué que les forces de l’ordre n’ont pas pu mener leur enquête « car les ravisseurs se trouvent dans un périmètre sécuritaire bien connu » et que la rançon a été payée « près de l’endroit où a été signé le soit-disant document d’entente » entre le Hezbollah et les aounistes. Aucun mot dans toute cette histoire sur les services de sécurité qui ont brillé par leur absence.
Quelques heures après la libération de Béchara, un autre septuagénaire, Ali Ahmad Mansour (73 ans) était kidnappé dans la Békaa au niveau du carrefour des deux villages de Ghazé-Loussi. Mansour était à bord de sa BMW X3 quand une Jeep Cherokee noire l’a intercepté. Ses ravisseurs l’ont obligé à monter avec eux et se sont enfuis vers une destination inconnue. Selon la LBCI, une rançon de 15 millions de livres a été réclamée à sa famille. Mais de sources de sécurité, on n’a pas pu confirmer cette information.
Sleiman : Il faut mettre un terme aux enlèvements
Cela fait plusieurs jours que Fouad Daoud a été, par ailleurs, enlevé à Zahlé et rien ne dit jusqu’à présent qu’il sera libéré si sa famille ne paie pas la rançon requise. Cette dernière a bloqué hier brièvement la route menant à la cité industrielle de la ville, afin de protester contre son enlèvement. La route a été rouverte peu après par les forces de l’ordre.
« Un terme final »... selon Sleiman
L’enlèvement de Daoud a provoqué une cascade de réactions hier. Le président de la République, Michel Sleiman, a suivi les dossiers des Libanais enlevés en Syrie comme des personnes kidnappées à l’intérieur du Liban, tel Daoud. Il a établi des contacts avec tous les ministres concernés et insisté sur la nécessité d’établir une cellule de travail conjointe entre les services de sécurité afin de réussir à libérer les détenus et arrêter les coupables. « Il faut mettre un terme final à ces enlèvements qui menacent les habitants dans leur vie quotidienne », a-t-il ajouté.
La municipalité de Zahlé a publié un communiqué dans lequel elle dénonce « cet acte immoral qui fait régner un climat d’insécurité et a des répercussions négatives sur tous les habitants de Zahlé, de la Békaa et du Liban ». Elle demande aux forces de sécurité « de libérer l’otage aussi rapidement que possible et d’arrêter les coupables, afin de préserver la paix civile et la coexistence ».
Pour sa part, le Conseil des évêques de Zahlé et de la Békaa a fortement dénoncé l’enlèvement de Daoud, revendiquant « de très lourdes peines pour tous ceux qui s’attaquent aux citoyens » et réclamant à leur encontre « une interdiction de circuler librement ». Le Conseil a estimé que « cet enlèvement a des répercussions très négatives sur la ville et le pays en raison des circonstances très délicates que traverse le Liban ».
Enfin, le bureau des Forces libanaises (FL) à Zahlé a dénoncé « le chaos sécuritaire qui règne au Liban », citant « les nombreux cas d’enlèvements qui ont eu lieu dernièrement, notamment celui de Fouad Daoud à Baalbeck ». Tout en se solidarisant avec la famille de l’otage, les FL ont demandé « aux forces de l’ordre de réprimer avec fermeté ce genre d’agissements et leurs acteurs qui vont à l’encontre du respect des lois comme des principes de l’établissement d’un État de droit ».