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Lifestyle - Société

Laila Haidari, « mère » des drogués afghans

La fondatrice de l’ONG Life is beautiful a aidé des dizaines de toxicomanes à sortir de leur enfer.

Laila Haidari dans le bureau de Life is beautiful. Qais Usyan/AFP

Elle a connu les pires horreurs, mais raconte son calvaire en souriant. Et malgré tout, l’Afghane Laila Haidari vit depuis un an pour les drogués de Kaboul, qu’elle aide par dizaines bénévolement et qui l’appellent en retour « maman ». Elle a 35 ans, dont 34 passés en Iran, où ses parents se sont réfugiés avant sa naissance pour fuir des violences politiques afghanes.
Élevée par une mère violente, mariée à 12 ans à un mollah, elle devient elle-même mère l’année suivante. Et raconte avoir divorcé « treize années de haine » plus tard. Ostracisée par sa famille pour avoir osé quitter un religieux, insultée, Mme Haidari ne voit guère ses trois enfants. Elle consacre toute son énergie à ceux qui ont besoin d’elle, les drogués des rues de Kaboul. Elle ne baisse jamais les bras. Contre la volonté de son ex-mari, elle avait passé son bac. À peine majeure, elle a ouvert une école pour jeunes Afghans, que le système iranien rejetait.
Laila Haidari dit aussi avoir connu la prison : deux mois ferme, dont 40 jours de cachot, pour avoir manifesté pour les droits de ses compatriotes en Iran. Une fois célibataire, elle entame des études de cinéma. Son métier de documentariste l’amène à Kaboul il y a un an pour un festival. Sa vie en est chamboulée. L’Afghanistan, qui produit 90 % de l’opium mondial, connaît en effet une grave hausse de la toxicomanie. Le ministère de la Lutte antidrogue recensait en 2010 1,5 million de drogués, dont 1 million d’usagers de drogues dures (opium et héroïne). Dans la capitale Kaboul, les toxicomanes vivent l’enfer. Nombre d’entre eux s’amassent sous le pont Pul-i-Sokhta, désormais réputé pour cela. Non soignés, mal nourris, battus, haïs... et surtout malades, ils sont morts de froid par dizaines l’hiver dernier, particulièrement rigoureux.
À leur vue, Laila Haidari est bouleversée. « Je connaissais Mère Teresa. Elle a toujours été bonne pour les gens. Je voulais faire comme elle. J’ai aussi lu sur Gandhi et Che Guevara. Ils ont agi pour l’humanité. Je me suis alors demandé : “Comment me consacrer aux autres ?” » Les malheureux de Pul-i-Sokhta seront les heureux bénéficiaires de l’amour de l’Afghane, petite femme ronde aux cheveux colorés de mèches blondes. « Dès le premier jour, quand je suis allée sous le pont, l’un des drogués, qui était pourtant plus âgé que moi, m’a appelée “maman”. Les autres ont suivi », se souvient-elle.
Aidée par un associé, qui se désengagera ensuite du projet, elle s’installe dans une petite maison de l’ouest de Kaboul, connue comme « le foyer de maman ». Les murs marron sont tagués de couleurs vives. Trois pièces accueillent une vingtaine de personnes la nuit. En journée, les toxicomanes les plus récemment arrivés luttent contre le manque, les traits tirés, sur une moquette verte, dans une pièce faiblement éclairée. Aucun médicament n’est disponible. Seul le dialogue apaise.
Laila Haidari s’inspire en effet d’une méthode de l’ONG américaine Narcotiques anonymes (NA), qui privilégie le travail de groupe pour vaincre la dépendance. « Les individus font des exercices introspectifs avec l’aide d’autres membres, en qui ils puisent des ressources qu’ils n’ont pas forcément en eux », explique Jane Nickels, porte-parole de NA, ajoutant que 60 000 réunions du genre ont lieu chaque semaine partout dans le monde.

Méthode iconoclaste
Cette méthode iconoclaste fait débat. « C’est une ineptie. L’addiction est une maladie mentale. Il faut des médicaments pour s’en sortir », rejette ainsi un expert occidental. Laila Haidari affirme néanmoins avoir aidé 300 drogués à s’en sortir en moins d’un an. Un chiffre que ne confirment pas les autorités afghanes – souvent défaillantes –, qui disent ne pas connaître le foyer.
En attendant, tous les protégés de Laila sont en extase devant leur « maman ». « Ma vraie mère a essayé de m’emmener dans beaucoup de centres (de désintoxication), mais ça n’a jamais fonctionné. Alors elle m’a abandonné », raconte Ali, 34 ans dont 11 de drogue, qui dit ne plus être accro « depuis quatre ou cinq mois ». « Je suis heureuse qu’il ait une autre mère. Il va mieux maintenant », observe Fatima, une policière d’une quarantaine d’années venue rendre visite à son fils, hébergé depuis deux semaines.
L’initiative attise pourtant des tensions. Les voisins du foyer pestent contre le tapage nocturne et la présence accrue de toxicomanes déambulant dans leur quartier. Laila Haidari, taxée de prostituée parce qu’elle vit avec ses « enfants », affirme aussi avoir réchappé il y a peu à une tentative de meurtre. Cette battante reste néanmoins positive et optimiste. « Ce que j’ai fait depuis 9 mois avec ces gars, c’est très beau », sourit-elle. Laila Haidari, en grande difficulté financière, a quand même appelé son ONG « Life is beautiful » (La vie est belle)...
(Source : AFP)
Elle a connu les pires horreurs, mais raconte son calvaire en souriant. Et malgré tout, l’Afghane Laila Haidari vit depuis un an pour les drogués de Kaboul, qu’elle aide par dizaines bénévolement et qui l’appellent en retour « maman ». Elle a 35 ans, dont 34 passés en Iran, où ses parents se sont réfugiés avant sa naissance pour fuir des violences politiques afghanes....

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