Rechercher
Rechercher

À La Une - Liban

Les réfugiés syriens, de la souffrance physique à la souffrance psychique

Une salutaire psychothérapie assurée par MSF aux réfugiés syriens au Liban.

Présentation générale et sensibilisation aux services offerts par MSF.

Ils sont de plus en plus nombreux à répondre à l’invitation qui leur a été lancée par Médecins sans frontières pour venir assister à une séance de sensibilisation à la santé mentale. Une vingtaine de femmes, des réfugiées de Homs et d’Idleb, se sont présentées il y a quelques jours à l’une des associations locales de la région de Tripoli pour venir entendre ce que l’équipe de MSF avait d’important à leur dire.
La plupart d’entre elles n’espéraient rien de plus qu’une aide supplémentaire qui leur tomberait du ciel : quelques provisions alimentaires, du lait et des couches pour les enfants, ou un médicament contre l’arthrose ou les maux de dos.
Elles ne cachent pas d’ailleurs leur surprise dès que la psychothérapeute entame son discours sur l’anxiété et les troubles du sommeil.


Adossées au mur, et serrées les unes contre les autres, elles écoutent attentivement, sans jamais réussir à se défaire du lot de chagrin et de détresse qu’elles traînent désormais partout, comme un lourd fardeau à porter.

La culture du mutisme
Dès que le flash de la caméra reluit dans la salle obscure, les plus jeunes soulèvent d’un geste presque automatique leur voile noir jusqu’à la limite des yeux. La peur d’être reconnues les poursuit même au Liban. La peur de parler aussi.

 

« Il faut savoir que la plupart des réfugiés que nous rencontrons ne sont pas habitués à s’exprimer, du fait que la culture du mutisme et du refoulement leur a été imposée toute leur vie durant », explique Lina Issa, la psychologue.

 

L’objectif de ces sessions de sensibilisation est précisément de leur ouvrir la possibilité de se confier et de briser la résistance psychologique devenue chez eux un acquis avec le temps.
« De ce fait, nous déployons beaucoup d’efforts pour les sécuriser et les aider à s’exprimer », souligne la thérapeute.
Lina vient à leur rencontre une fois par semaine, dans la ville et la région de Tripoli. Elle est l’une des psychologues chargées par MSF du soutien à apporter aux réfugiés syriens, dans le cadre d’un programme qui fournit des séances gratuites de thérapie collective, familiale ou individuelle, selon les besoins exprimés.


Aujourd’hui, elle est sollicitée pour une séance de sensibilisation, afin de leur expliquer les services dont ils peuvent bénéficier grâce à MSF en termes de santé primaire et de santé mentale, à l’hôpital de Tripoli et à l’hôpital de Dar al-Zahra.
« Savez-vous à quoi l’on peut reconnaître les symptômes de la dépression ? » demande-t-elle à l’audience après une brève présentation au cours de laquelle elle va longtemps insister sur le respect de l’anonymat et de la confidentialité, et sur les conditions sociales ou politiques des bénéficiaires.
Lina attend quelques instants, interpelle de nouveau les participants, avant d’égrener les maux qui peuvent accompagner une personne dépressive.


« Moi je n’arrive plus à dormir », lance enfin une mère, encouragée par les propos rassurants de la psychologue.
La cinquantaine, les rides du front creusées par l’angoisse, elle confie son désarroi : sa fille de 17 ans, nouvellement mariée, est restée sur place avec son jeune mari. Malgré la présence de ses huit autres enfants à ses côtés, elle reste inconsolable. « J’ai la gorge continuellement serrée. Un peu comme si j’avais une corde attachée autour de mon cou », dit-elle.

Sentiment de culpabilité
Entamé en novembre 2011 à Wadi Khaled, région frontalière qui accueillait les premiers flux de réfugiés, MSF a transposé depuis son programme de santé mentale dans la Békaa et à Tripoli, où les demandes se font de plus en plus pressantes.


L’association offre ainsi toute une gamme d’activités de soutien psychologique, comprenant les consultations individuelles ou de couple, les thérapies familiales, les groupes de paroles, le soutien psycho-social et la fourniture des médicaments nécessaires aux troubles, en passant par le suivi à domicile.
Les troubles les plus fréquemment diagnostiqués sont la dépression et l’anxiété, mais les équipes de MSF ont également été confrontées à des symptômes aigus tels que des pensées suicidaires, des réactions post-traumatiques, des troubles psychosomatiques et des psychoses aiguës.
MSF s’appuie sur une équipe multidisciplinaire comprenant aussi des assistantes sociales et des travailleurs de santé communautaire qui se rendent auprès des réfugiés pour les informer, les sensibiliser et effectuer le suivi auprès des cas les plus critiques.


Outre les scènes de violence qu’ils ont vécues ou dont ils ont été témoins, les réfugiés souffrent le plus souvent d’un sentiment de culpabilité du fait qu’ils ont abandonné des membres de leur famille sur place et dont ils n’ont plus aucune nouvelle, explique la psychologue.
C’est notamment le cas des femmes venues avec leurs enfants en bas âge laissant derrière eux les hommes.
Plusieurs d’entre elles ont déjà perdu un mari, un ou deux de leur fils. « Très étrangement, explique Lina Issa, ce n’est plus à leur (s) fils décédé (s) qu’elles pensent surtout, mais à leur dernier enfant qu’elles espèrent revoir sain et sauf oubliant presque leurs autres pertes lourdes. »

Le choc psychologique de la thérapeute
Cette autre mère de famille accepte, après quelques hésitations, de partager avec nous ses inquiétudes et les affres de la vie de réfugié qu’elle subit avec ses enfants.
« Je me dispute tout le temps avec mon mari. Je suis constamment angoissée, je ne respire plus », dit-elle avant de faire remarquer que même ses enfants sont devenus extrêmement nerveux parce qu’ils veulent retourner à leur domicile. Elle aussi, tout autant.


Selon la psychologue, ce sont des signes d’extrême anxiété qui sont perceptibles chez le groupe de réfugiés. « Ils sont dus à des accumulations de situations stressantes, que ce soit les bombardements qu’ils ont subis là-bas, la traversée dangereuse de la frontière ou encore l’adaptation à leurs nouvelles conditions de vie au Liban. Il y a des gens qui habitent dans des dépôts de magasins, d’autres dans des tentes agricoles. La souffrance est grande », dit Lina Issa qui rappelle qu’à côté des problèmes psychologiques, les réfugiés doivent en même temps gérer les problèmes de survie au quotidien. « Souvent, les besoins de base les plus élémentaires ne leur sont pas assurés », rappelle la psychologue.
Celle-ci reste d’ailleurs convaincue que tous les symptômes ne sont pas encore apparus au sein de ce groupe vulnérable, mais qu’ils se révéleront au fur et à mesure. Comme cela s’est vu d’ ailleurs à Wadi Khaled, où l’équipe de MSF a soutenu des réfugiés qui étaient parvenus au bord du suicide.
« Rien d’étonnant si l’on prend en considération non seulement le degré de violence qu’ils ont subie, mais également l’ampleur de cette violence », poursuit une autre psychologue qui a tenu à rester anonyme.


En dépit de sa formation professionnelle et une psychanalyse de plusieurs années, la thérapeute n’a pas échappé non plus à la déstabilisation et au choc psychologique, « rien qu’à la vue des images que les patients me montrent ou des récits de torture qu’ils me confient », conclut-elle.

Ils sont de plus en plus nombreux à répondre à l’invitation qui leur a été lancée par Médecins sans frontières pour venir assister à une séance de sensibilisation à la santé mentale. Une vingtaine de femmes, des réfugiées de Homs et d’Idleb, se sont présentées il y a quelques jours à l’une des associations locales de la région de Tripoli pour venir entendre ce que...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut