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Lifestyle - Société

Luth, guitare électrique et guerre... La musique afghane dans tous ses états

Tambours traditionnels vendus à Kaboul. Photo Shah Marai/AFP

Poésie sucrée ou ode à la guerre, guitares électriques hurlantes ou psaumes a cappella, la musique, interdite du temps des talibans, est bien revenue dans les mœurs en Afghanistan, où elle célèbre, comme partout, l’amour et la mort... mais en temps de conflit.
Il fut bien difficile d’être mélomane à Kaboul ou ailleurs dans le pays, entre 1996 à 2001. La musique, considérée comme impure, était alors formellement interdite par les talibans au pouvoir. Les contrevenants étaient battus, les bandes des cassettes déroulées puis pendues aux branches des arbres. Mais dix années de présence occidentale ont changé les comportements. Avec 130 000 soldats de l’OTAN encore en appui de la police et de l’armée afghanes, l’afflux d’expatriés et le retour des réfugiés, les libertés culturelles ont progressé, surtout dans les villes. Et la musique s’est réimposée à tous. Le rock et le rap local ont fait leur apparition ; difficilement, certes, le larsen ou le beat n’étant a priori pas du goût local. « Au début, quand nous jouions, beaucoup de gens étaient contre nous. À la fin des concerts, nous perdions espoir », se souvient Hojat Hamid, guitariste du groupe de rock White Page. Mais sa formation, malgré le départ de deux de ses musiciens, a persévéré. « Au moins, maintenant, on peut exposer au public ce qu’on fait. Ils peuvent décider s’ils aiment ou pas, et comprendre d’où on vient », poursuit-il.
La scène afghane s’est progressivement étoffée. « Ces dernières années furent un âge d’or pour la scène alternative à Kaboul. On a eu beaucoup de festivals, des concerts une semaine sur deux, des tonnes de groupes. Ça a été fou », s’enthousiasme Travis Beard, producteur australien. Une vivacité culturelle qui n’est pas sans rappeler celle des années 1970, quand l’Afghanistan, en paix et fréquenté par des hippies occidentaux, jouissait d’une réputation de pays relativement progressiste dans la région. Les paroles étaient alors très subtiles. « La nuit dernière, j’ai volé un regard à ton visage pareil à la lune à travers tes cheveux sombres », chantait le célèbre Abdul Rahim Sarban. « Je suis un amoureux des fleurs, ivre sans avoir bu/Ce soir, je suis avec une fleur. » Ahmad Zahir, surnommé de son vivant « le diamant de l’est » ou « l’Elvis afghan », se laissait alors aller à des paroles presque érotiques. « Je pouvais encore sentir ton parfum dans mon lit, tes lèvres partout sur moi », chuchotait-il dans un pays où, sous les talibans, les traditionnelles burqas devinrent obligatoires. Ces chansons restent inscrites dans le patrimoine musical national. Mais elles tranchent avec les productions plus actuelles, dans lesquelles le quotidien, ses vicissitudes et surtout sa violence prennent le pas sur toute envolée lyrique.

 « Jamais d’amour »
Côté taliban, on psalmodie a cappella. Dans des chansons disponibles sur Internet ou sur des CD vendus sous le manteau, on entend ânonner que « le jeune remplit une mission de fedayee (kamikaze), son cœur plein de passion pour sa religion », que « les anges » et « les vierges du paradis » le « regardent quand il fait sauter sa charge ».
À l’adresse de leurs ennemis de la force de l’OTAN, menée par les États-Unis, les insurgés déclament : « Le lionceau ne peut être apprivoisé/Vous allez pleurer, perdus, incapables de retrouver le chemin du retour/Vos enfants ne vous reverront pas/Quittez nos pays avant qu’il ne soit trop tard/Ou l’Afghanistan deviendra votre second Vietnam. »
Dans les villes contrôlées par le gouvernement, le rock afghan, importé par les Occidentaux, est tout aussi politique et fait une large place au conflit. « Nos textes ne parlent jamais d’amour », lance Hassanzada, l’un des deux bassistes du groupe Morcha (fourmis). « Quinze personnes sont mortes dans le Helmand /La sécheresse s’est terminée à Herat /L’OTAN a bombardé une fête de mariage », entonne Shekib Musadeq, le chanteur de Morcha, lors d’une répétition. « Le plan de paix des talibans est sur le bureau du président/Les anciens de Paktika l’ont accepté/Les gros titres sur l’Afghanistan, merci au monde, parlent tous de cela », s’égosille-t-il.
Des textes engagés qui trouvent apparemment de plus en plus leur public. « La musique bourgeonne, mais pas pour nous, regrette Abdul Satar Qasimi, un joueur de rubab (luth) et chanteur classique. De plus en plus de gens écoutent les nouvelles musiques, le rock, le rap. »
Jusqu’à quand tout cela durera-t-il ? Fin 2014, la majorité des troupes étrangères auront quitté le pays. La crainte d’un retour de la guerre civile, ou pire, d’un pouvoir taliban, paralyse Kaboul et les grandes villes. Et fait craindre un avenir désastreux aux musiciens locaux.
                       (Source : AFP)
Poésie sucrée ou ode à la guerre, guitares électriques hurlantes ou psaumes a cappella, la musique, interdite du temps des talibans, est bien revenue dans les mœurs en Afghanistan, où elle célèbre, comme partout, l’amour et la mort... mais en temps de conflit. Il fut bien difficile d’être mélomane à Kaboul ou ailleurs dans le pays, entre 1996 à 2001. La musique,...

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