Rechercher
Rechercher

Agenda

Le départ d’un géant

Adolescente, je regardais, admirative, un couple sortir d’une maison typiquement libanaise, avec son toit en tuile rouge et sa terrasse couverte d’une vigne grimpante qui, les jours d été, donnait de l’ombre et de la fraîcheur – une jeune et jolie brunette et son intellectuel de mari arborant de grosses lunettes en écaille. Puis un jour, je me suis effondrée en larmes à la vue d’un petit cercueil blanc suivi du même couple endeuillé. Il y eut ensuite les années où, jeune étudiante en sciences politiques, je compris la valeur de l’homme qui était notre voisin. Et c’est ainsi que je suivis sa carrière, ses luttes. Et aussi je commençai à lire les poèmes qu’écrivait à la jeune et jolie brunette qui tentait de surmonter, par la poésie, sa douleur à la suite de la perte de son enfant. Ensuite, il y eut la mort de l’épouse, et les deux jeunes gens suivirent avec leur père le cortège de leur mère.
Ghassan Tuéni n’était pas encore ce géant que nous venons de perdre, mais la portée de son influence était déjà grande. L’accident du jeune Makram nous a tous attristés car la perte d’un être dans la fleur de l’âge peut difficilement laisser indifférent.
Puis vinrent les années où la voix de Gebran commençait à se faire entendre. On nous a arraché Gebran et il n’y avait plus de maison libanaise. Les Tuéni habitaient sur les collines de Beit-Méry, ce qui n’a pas empêché Achrafieh de porter le deuil. Il nous restait Ghassan, un chêne difficile à abattre, qu’on aurait cru éternel. Mais voilà que ce géant nous quitte à son tour, tel un arbre qu’on a scié jour après jour jusqu’à ce que les entailles portées par le destin aient raison de ce tronc solide. « Que reste-t-il d’un géant foudroyé par les malheurs ? » me diriez-vous. Je vous réponds : il reste les racines, ancrées profondément dans une terre qu’il a aimée, dont il a voulu à un moment repousser les frontières pour lui donner une autre envergure ; il reste une leçon de courage et d’humanisme, dont sont uniquement capables les géants qui ont écrit l’histoire d’un pays,

 

Dolly TALHAMÉ

Adolescente, je regardais, admirative, un couple sortir d’une maison typiquement libanaise, avec son toit en tuile rouge et sa terrasse couverte d’une vigne grimpante qui, les jours d été, donnait de l’ombre et de la fraîcheur – une jeune et jolie brunette et son intellectuel de mari arborant de grosses lunettes en écaille. Puis un jour, je me suis effondrée en larmes à...