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À La Une - Santé publique

Sûreté alimentaire : « La situation au Liban n’est pas plus grave qu’ailleurs »

Les saisies récentes de plusieurs lots de viande avariée ont poussé le consommateur libanais à se poser mille et une questions sur le système de sûreté alimentaire dans le pays. Il n’y a pas lieu de paniquer, à en croire un expert libano-américain qui brosse un tableau plutôt positif de la situation au Liban, tout en dénonçant l’ingérence des politiques pour couvrir les contrevenants.

« Dans la sûreté alimentaire, un produit arrivé à expiration n’est pas nécessairement nocif. Il s’agit plus d’un indice de qualité que de sûreté », selon M. Aramouni.

« La sûreté alimentaire au Liban n’est pas aussi catastrophique que l’on pense et le problème n’est pas plus grave que dans d’autres pays. Il existe une différence entre l’image reproduite dans les médias et la réalité. » C’est le constat auquel aboutit Fadi Aramouni, professeur de sciences agroalimentaires à l’Université de Kansas aux États-Unis, en visite récemment au Liban. « Le tapage médiatique est certes basé sur des faits, notamment les cas d’empoisonnement qui ont été signalés, mais il reposait surtout sur la détection de produits avariés ou dont la date de péremption est dépassée, poursuit-il. Or dans la sûreté alimentaire, un produit arrivé à expiration n’est pas nécessairement nocif. Il s’agit plus d’un indice de qualité que de sûreté. »


Fadi Aramouni avait pris part au Tokten (Transfer of Knowledge through Expatriates Nationalists – Transfert de connaissances à travers des expatriés libanais), un projet du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), réalisé en collaboration avec le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR). « Dans le cadre de ce programme, nous cherchons à satisfaire les besoins des ministères et des institutions publiques en termes d’assistance technique, explique Ariane Elmas, responsable du programme au PNUD. Celle-ci sera fournie par un spécialiste libanais vivant à l’étranger. » Cette année, près de 140 inspecteurs du ministère de l’Économie et 30 autres des ministères de l’Agriculture, de l’Industrie, du Tourisme, et de la Santé ainsi que de LARI (l’Institut libanais pour la recherche agricole) ont reçu une formation en sûreté alimentaire assurée en deux étapes par Fadi Aramouni.


« Les standards relatifs à la qualité et à la sûreté dans les quelques usines et supermarchés que j’ai visités sont acceptables, poursuit l’expert. Certains aspects peuvent être améliorés, comme partout dans le monde d’ailleurs. Je pense que le problème se pose plus au niveau des petites industries et des petits restaurants, notamment ceux qui se trouvent dans les régions. De plus grands efforts doivent être déployés pour faire prendre conscience aux responsables de ces commerces et industries de l’importance de la sûreté alimentaire. »


Pour Fadi Aramouni, la sûreté alimentaire au Liban est un problème à multiples facettes qui affecte toutes les étapes de la chaîne alimentaire, de la ferme jusqu’à la fourchette. « Prenons le cas des champs agricoles, à titre d’exemple, indique-t-il. Le problème qui se pose à ce niveau est celui de l’eau d’irrigation qui est contaminée par les eaux usées. De ce fait, toutes les autres mesures prises pour désinfecter les légumes et fruits restent insuffisantes. Pour remédier aux choses, il faudrait mettre en place toute une infrastructure qui est par ailleurs assez coûteuse. »


Dans les cas d’empoisonnement, le problème se pose à quatre niveaux : un mauvais système de refroidissement, une mauvaise manière de cuisiner, une mauvaise hygiène personnelle surtout des mains, et la source du produit. « Cela s’applique aux industries, aux restaurants, mais aussi aux foyers puisqu’assez souvent, le produit alimentaire est contaminé lors de sa manipulation et non à la source », insiste l’expert.

Une autorité de référence
Les inspections au rythme où elles sont effectuées actuellement ne sont pas suffisantes, estime en outre Fadi Aramouni, qui explique que des mesures alternatives peuvent être prises pour améliorer la performance et les résultats. « L’absence d’une autorité de référence en matière de sûreté alimentaire rend toutefois les choses difficiles, déplore-t-il. Plusieurs ministères sont impliqués dans le contrôle sans qu’il n’y ait une délimitation claire des tâches. Nous avons ce problème également aux États-Unis, au moment où l’Europe et le Canada ont une seule autorité responsable de la sûreté alimentaire, ce qui facilite le travail. »


Quant aux inspecteurs, ils ont les connaissances nécessaires, sont motivés et cherchent à faire une différence en matière de sûreté alimentaire, assure encore Fadi Aramouni. Il en est de même des quelques propriétaires d’usines agroalimentaires, de supermarchés et de restaurants « que j’ai rencontrés, puisqu’en fin de compte c’est leur outil de travail qui est en jeu ». « Mais c’est la volonté politique qui fait défaut, constate-t-il. Au cours de ces sessions de formation, de nombreux inspecteurs se sont plaints de l’ingérence des hommes politiques dans leur travail. Ils se sont même dit sceptiques de pouvoir accomplir leur devoir si celle-ci persistait. Par ailleurs, sur le plan logistique, même si les inspecteurs ont la volonté de travailler et les connaissances nécessaires pour le faire, ils ne disposent pas des outils nécessaires qui leur permettent de mieux effectuer leur tâche, les équipements qui leur permettent de prendre des échantillons, de mesurer l’acidité, la température, à titre d’exemple. Malgré cela, ils effectuent un bon travail et essaient dans la mesure de leurs moyens d’améliorer les choses. »


Le maillon manquant reste le consommateur libanais, constate Fadi Aramouni. « Celui-ci n’est pas familier avec les principes de sûreté alimentaire, note-t-il. Il est important que des campagnes de sensibilisation soient menées dans ce sens-là. »
Fadi Aramouni conclut en invitant le gouvernement à promulguer les lois nécessaires, les hommes politiques à ne plus assurer une couverture aux contrevenants, et les ministères concernés à assurer les équipements nécessaires aux inspecteurs.

« La sûreté alimentaire au Liban n’est pas aussi catastrophique que l’on pense et le problème n’est pas plus grave que dans d’autres pays. Il existe une différence entre l’image reproduite dans les médias et la réalité. » C’est le constat auquel aboutit Fadi Aramouni, professeur de sciences agroalimentaires à l’Université de Kansas aux États-Unis, en visite...

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