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Benoît XVI et la curie entre le marteau séculariste et l’enclume intégriste

Tant qu’il y aura des hommes... le Vatican

L’Instituto per le Opere di religione (IOR) et la correspondance de Benoît XVI sous les projecteurs.

Photo www.freitag.de

Fady NOUN

Deux aspects du fonctionnement du Vatican sont en ce moment sous les projecteurs de l’actualité : la correspondance de Benoît XVI, au sens large du mot, c’est-à-dire les lettres qui atterrissent sur son bureau portant le sceau « soli », et qui lui sont exclusivement destinées, et l’Institut pour les œuvres de religion (l’Instituto per le Opere di religione – IOR), la fameuse « Banque du Vatican ».
Au cœur de l’événement, le majordome du pape, Paolo Gabriele. Ce dernier a été arrêté quand des enquêteurs ont découvert, dans son appartement à l’intérieur de la cité du Vatican, un lot de lettres et de messages personnels destinés au pape, et dont une partie avait été communiquée à la presse. L’abus de confiance est criant. Le mobile ? L’enquête le montrera. Probablement l’argent.
Selon un spécialiste des affaires du Vatican parlant sous le sceau de l’anonymat, « pour comprendre ce qui se passe, il faut toujours se rappeler que le Vatican est un État. Il s’appelle Saint-Siège, avec une sorte d’obligation morale de sainteté. Mais l’Église est l’Église des hommes, pour les hommes, parmi les hommes. Il ne faut pas s’étonner ».
« Moi, je ne suis pas choqué par ce qui se passe, poursuit cet homme d’église. C’est la vie. Il y a toujours eu des gens qui profitent du Vatican pour faire de l’argent. L’embêtant, c’est que la presse fait toujours comme s’il s’agit de quelque chose d’absolument sans précédent. »
Au sujet de la correspondance privée qui parvient au pape, la source interrogée précise : « Tout ce qui fait difficulté ou scandale dans la vie de l’Église va à Rome. Ce courrier doit normalement être remis au Saint-Père en mains propres. Mais ce dernier ne peut humainement faire face à un courrier venant du monde entier. Il doit être aidé d’une équipe. C’est ainsi que les risques de fuites sont plus grands. Et c’est ce qui s’est passé. »
Pour le Vatican, le véritable scandale est dans ces fuites, qui sont « criminelles et immorales », et non dans ce qu’elles révèlent, qui est du domaine des affaires internes de l’Église. Pour le sous-secrétaire d’État du Vatican, Angelo Becciu, ces indiscrétions ne sont « rien moins que le viol de la conscience intime » de ceux qui se confient au pape sur des sujets qui concernent leur vie personnelle ou leurs actions. Le Saint-Siège a d’ailleurs annoncé que ceux qui ont disséminé ou utilisé ces fuites seront passibles de poursuites judiciaires.

L’IOR
Au cœur de l’actualité figure aussi, en raison de ces fuites, le fonctionnement de l’Institut des œuvres de religion (IOR), la « Banque du Vatican », principale institution financière du Saint-Siège. Traditionnellement financée par « le denier de saint Pierre », offrandes spontanément données au Saint-Siège par les catholiques du monde entier, c’est une « banque privée » sans le titre formellement instituée en 1942 par le pape Pie XII, avec son siège dans la cité du Vatican.
Les offrandes des fidèles au Saint-Père sont destinées aux œuvres ecclésiales, aux initiatives humanitaires et aux actions de promotion sociale, de même qu’au soutien des activités du Saint-Siège. En tant que pasteur de toute l’Église, le pape se préoccupe des besoins matériels des diocèses pauvres, d’instituts religieux et de fidèles connaissant de graves difficultés (pauvres, enfants, marginaux, victimes de guerre ou de catastrophes naturelles ; aides particulières à des évêques ou à des diocèses en difficulté, éducation catholique, aide aux réfugiés ou aux migrants, etc.).
« L’IOR, souligne la source citée, a joué un rôle capital dans le soutien aux églises en difficulté situées derrière le rideau de fer, Pologne, Tchécoslovaquie, Roumanie, etc., qui devaient assurer la survie – y compris financière – d’œuvres clandestines ou de prêtres persécutés par les polices secrètes. Mais il est arrivé que des aides destinées aux églises situées derrière le rideau de fer ne parviennent pas à destination. »
« Aujourd’hui, l’IOR joue un rôle essentiel dans l’aide à des églises qui n’ont rien, comme en Thaïlande, au Vietnam, en Afrique ou en Orient », ajoute-t-il.

Gigantesque caisse d’entraide
Mais ce sont moins les dons et aides de l’IOR qui sont en question, que la gestion des capitaux qui y sont versés. L’IOR est une gigantesque « caisse d’entraide » gérée au mieux des intérêts de l’Église, et, en principe, selon des critères de compétence et de moralité irréprochables. Toutefois, l’histoire contemporaine a montré que ces critères ne sont pas toujours en honneur. Parfois, la compétence manque, ce qui entraîne des risques financiers mal calculés, et parfois, la corruption s’en mêle, d’où le scandale.
Selon les normes de ses statuts actuels, qui sont entrés en vigueur en 1990, l’IOR est dirigé par un conseil de surveillance et par une commission de contrôle des cardinaux. C’est de haute lutte que cette commission a obtenu qu’un budget annuel soit discuté pour les dépenses de fonctionnement du Vatican. Même comme ça, les budgets de certains départements du Vatican, comme celui de la Propagande Fide (Propagation de la foi), échappent à ce contrôle, et la congrégation des Églises orientales, qui reçoit 5 % des revenus du Propagande Fide, les reçoit dans la monnaie la plus faible du moment... Toujours ce fameux facteur humain.
Sur le plan financier, sans que ce soit parfaitement clair, les indiscrétions pourraient refléter une espèce de lutte d’influence au sein de la curie. Selon l’agence Associated Press, les indiscrétions laissent deviner « des efforts du Vatican pour faire preuve d’une plus grande transparence financière ». Mais il y a aussi autre chose. « Le gouvernement italien voudrait que le Saint-Siège commence à payer des impôts, estimant que le statut financier de certaines institutions appartenant au Vatican représente un énorme manque à gagner pour le Trésor italien », souligne la source citée.
« Ce n’est pas la première fois que ces questions sont soulevées par la presse, conclut-elle. Malgré les reproches qui lui sont faits, l’IOR reste indispensable. Il ne faut pas s’attendre de sa part à une gestion “pure”. Il suffit qu’elle soit correcte. Le porte-parole du Vatican, Federico Lombardi, a parlé de tout ça. Autrefois, il n’était pas convenable d’en parler. On n’attaque pas l’Église, disait-on. Maintenant, on découvre que partout où des être humains travaillent, ces choses sont possibles. »
Fady NOUN Deux aspects du fonctionnement du Vatican sont en ce moment sous les projecteurs de l’actualité : la correspondance de Benoît XVI, au sens large du mot, c’est-à-dire les lettres qui atterrissent sur son bureau portant le sceau « soli », et qui lui sont exclusivement destinées, et l’Institut pour les œuvres de religion (l’Instituto per le Opere di religione...