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Le paramètre bleu Marine, et la politique étrangère d’Hollande en cas de victoire... - Quai d’Orsay

Hollande avec le monde ? « Un mélange de Mitterand, Delors et... Chirac »

Bilan mitigé pour Sarkozy, et Fabius probable successeur de Juppé.

Benoît Tessier/Reuters

Une chose est sûre : la politique étrangère était le parent (très) pauvre de la campagne présidentielle 2012. Pour quelles raisons, alors que la France doit absolument garder, voire renforcer, le rang qui est le sien dans le monde?
« D’abord parce qu’il s’agit d’un sujet sur lequel les lignes de clivage ne sont pas très marquées, et ensuite parce que personne n’avait vraiment intérêt à en faire un enjeu de campagne. Hollande craignait de se faire accuser de ne pas avoir d’expérience en la matière et d’avoir peu ou pas de relations avec les chefs d’État étrangers. Quant à Sarkozy, son bilan de politique étrangère est pour le moins mitigé », répond Karim Bitar, directeur de recherche à l’IRIS.
Concernant le président sortant, le chercheur remonte à 2003, évoque ses positions « très controversées », ses relations très chaleureuses avec George W. Bush, alors qu’une écrasante majorité de Français soutenait le tandem Chirac-De Villepin, notamment sur l’Irak. Et « après son élection, et alors même que l’étendue du désastre irakien était désormais connue de tous, il nommera comme ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner, et comme sous-ministre Pierre Lellouche, tous deux proches des thèses néo-conservatrices et ayant également soutenu l’invasion illégale de l’Irak ». Sans compter l’envoi de troupes supplémentaires en Afghanistan, où beaucoup de Français mourront.
« Mais malgré ses débuts atlantistes, il n’y a pas eu véritablement de rupture en matière de politique extérieure, et Sarkozy finira par s’inscrire dans la lignée française traditionnelle, celle de la realpolitik gaullo-mitterrandienne. Au final, le bilan de sa politique étrangère est d’ailleurs en partie positif. Sur bien des terrains, ses qualités, son énergie monumentale, sa force de travail, sa capacité à convaincre et à entraîner l’adhésion de ses interlocuteurs ont réussi à débloquer des situations difficiles. Ce fut le cas durant la crise de Géorgie, lors de la création du G20, lorsque la France a présidé l’Union européenne, ou lors des différents sommets européens consacrés à l’euro et à la question de la dette souveraine », rappelle Karim Bitar.

Coups médiatiques
« Mais la politique extérieure de Sarkozy a péché par son manque de cohérence et de vision d’ensemble et par sa volonté de multiplier des coups médiatiques. Persuadé qu’il pourrait réussir là où tous avaient échoué, Sarkozy prendra le contrepied de Jacques Chirac et cherchera à réintégrer Bachar el-Assad dans la communauté internationale. On verra donc Assad défiler sur les Champs-Élysées aux côtés de ses homologues Ben Ali et Moubarak. Ces images, ainsi que celle de Kadhafi plantant sa tente dans les jardins de l’Hôtel de Marigny, restent très douloureuses pour les Français. La patronne d’Areva, Anne Lauvergeon, révélera plus tard qu’il avait même été question de vendre un réacteur nucléaire à Kadhafi », poursuit Karim Bitar.
« Lorsque les révolutions arabes se déclencheront, la France de Sarkozy soutiendra jusqu’à la dernière minute Ben Ali et Moubarak, dont Sarkozy avait fait les piliers de son projet mal ficelé d’Union pour la Méditerranée. Il faudra de longues années pour que l’image de la France en Tunisie et en Égypte se rétablisse. Par contre, dans le dossier libyen, et sans doute par volonté de faire oublier les deux fiascos précédents, et de faire également oublier sa précédente lune de miel avec Kadhafi, Sarkozy prend la tête des opérations devant conduire à la chute du colonel. »

Françafrique et Guéant
À l’international, le mandat Sarkozy fut également marqué par de nombreuses concessions faites à la Chine, par des incidents diplomatiques graves provoqués par l’impulsivité du président, notamment avec le Mexique (affaire Florence Cassez), mais aussi avec la Turquie (série de propos antiturcs), ainsi que par la colère des Africains suite au discours culturaliste de Dakar, qui estimait que « l’homme africain n’est pas entré dans l’histoire », et par un affaiblissement considérable du soft power de la France lié au climat général et à la circulaire Guéant, laquelle risque désormais d’inciter des dizaines de milliers d’étudiants étrangers de choisir d’autres pays que la France plutôt que de prendre le risque de se faire expulser dès la fin de leur scolarité. Les syndicats patronaux ont également souligné la perte de compétitivité pour l’économie française qui est la conséquence de cette lamentable circulaire répondant à des objectifs populistes.

Le retour du Quai ?
Quels seraient les grands axes de cette politique internationale si François Hollande prenait l’Élysée ? Au Proche-Orient, notamment : rupture – comme Sarkozy avec Chirac ? Cassure nette ? Poursuite avec des nuances ?
« Au-delà des inflexions que peut apporter tel ou tel président, par son idéologie ou son tempérament, il existe une grande continuité dans la politique extérieure de la France. Avec François Hollande, il n’y aura guère de rupture mais un simple retour à la normale, au sens où le Quai d’Orsay retrouverait son rôle alors qu’il a été souvent court-circuité durant les années Sarkozy, où la cellule diplomatique de l’Élysée a joué un rôle prépondérant », indique Karim Bitar, qui insiste sur le fait que les diplomates du Quai d’Orsay ont été « assez traumatisés par le mandat de Sarkozy qui les méprisait et ne partageait pas leur vision du monde, comme l’ont montré récemment les livres de Gilles Delafon (Le temps du mépris) et celui de Pascal Boniface (Le monde selon Sarkozy) ».
Selon lui, Hollande « s’appuiera à nouveau sur le Quai, sur des diplomates de carrière, connaissant bien les régions sur lesquelles ils travaillent, et ne cherchera pas à leur imposer une tutelle. En règle générale, il y aura moins de personnalisation des affaires étrangères, moins d’impulsivité, d’improvisation et d’expérimentations hasardeuses, plus de “normalité”, de calme, de pondération et de rationalité, fut-ce au prix d’un manque de panache. Il n’y aura probablement pas de coups d’éclat diplomatiques, mais une volonté d’aider la France à reprendre son rôle sur la scène internationale, à renforcer sa diplomatie d’influence sans s’aliéner qui que ce soit et en s’appuyant sur le multilatéral et les institutions internationales. S’il essaie de conjuguer l’habileté politicienne de Mitterrand et les compétences techniques de Jacques Delors, Hollande est aussi, par son tempérament et sa vision du monde, proche à bien des égards de Jacques Chirac. Comme Chirac, il refuse le néo-conservatisme aussi bien en politique intérieure (darwinisme social, mépris envers les plus faibles) qu’en politique extérieure (bellicisme et conflits des civilisations). C’est pour toutes ces raisons que Jacques Chirac, qui avait porté dans ses Mémoires un jugement très sévère sur Sarkozy, a aujourd’hui choisi de voter Hollande, comme l’ont confirmé plusieurs de ses proches », dit-il.
« On peut donc s’attendre à une parfaite continuité sur les dossiers libanais, syrien et israélo-palestinien, à une continuité avec une rhétorique moins guerrière sur le dossier iranien, ainsi qu’à une plus grande indépendance vis-à-vis des puissances du Golfe et notamment du Qatar, et à une amélioration des relations avec l’Amérique latine. Quant aux relations franco-américaines, elles devraient être cordiales, du moins tant qu’Obama est aux affaires », juge l’expert.
Védrine, Moscovici ou Fabius au Quai d’Orsay ? « Quelle que soit la personnalité qui prendra en charge le Quai d’Orsay (Laurent Fabius est à ce jour donné favori devant Pierre Moscovici et Hubert Védrine), il y aura une grande continuité avec Alain Juppé, qui a réussi dans des circonstances délicates à redonner le moral aux diplomates après quelques années difficiles. »

 

Z.M.

Une chose est sûre : la politique étrangère était le parent (très) pauvre de la campagne présidentielle 2012. Pour quelles raisons, alors que la France doit absolument garder, voire renforcer, le rang qui est le sien dans le monde? « D’abord parce qu’il s’agit d’un sujet sur lequel les lignes de clivage ne sont pas très marquées, et ensuite parce que personne...