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À La Une - Le point

Les guerres oubliées

Mahmoud Ahmadinejad vient de se découvrir de nouvelles causes à défendre : la condition des Basques espagnols, celle des Irlandais du Nord, des Corses et même des habitants du sud des États-Unis (Californie, Texas, Arizona, a-t-il énuméré). Il faut comprendre le président iranien, confronté à la réalité représentée par le référendum organisé en janvier dernier pour déterminer l’avenir du Sud-Soudan dont, à cette occasion, les habitants se sont prononcés à 99 pour cent en faveur de l’indépendance. Il n’est pas seul à faire de l’urticaire : c’est le pouvoir central, à Khartoum, la population de la région concernée et des zones avoisinantes, la communauté internationale qui s’interrogent sur le proche avenir, pourtant tracé, sur le papier à tout le moins, dès le 9 janvier 2005 qui vit le pouvoir central et la rébellion signer à Nairobi un accord de paix mettant fin à un conflit vieux de vingt-deux ans et qui a fait deux millions de morts.
Vendredi dernier, Princeton Lyman, envoyé spécial US, affichait une sérénité qu’il aurait voulue contagieuse. « Je ne crois pas à un dérapage le 9 juillet, a-t-il dit ; d’un côté comme de l’autre on est conscient du fait qu’une reprise de la guerre serait désastreuse. » Puis, en diplomate chevronné, il a entrepris de tempérer ses propos : « Ce qui ne signifie pas que des incidents ne pourraient pas se produire. » À Washington, nul ne semble s’inquiéter outre mesure d’une telle éventualité, tout occupés que l’on est à veiller sur l’avenir des investissements engagés ces derniers temps dans une région stratégique par excellence, prometteuse sur le plan économique et religieusement proche de l’Oncle Sam. À l’heure où le sort de l’ancienne province méridionale semble scellé, l’attention se tourne vers un autre point névralgique, ce Sud-Kordofan, nouvel objet de toutes les convoitises. À cela, trois raisons : les collines de Nouba, le pétrole d’Abyei et un secteur-tampon de 2100 kilomètres carrés qui restent à délimiter.
À Nouba, rapportent les rares envoyés spéciaux qui ont pu avoir accès à cette zone de guerre, une vaste opération de nettoyage ethnique est en cours, avec son cortège de massacres, de pillages, de destructions et de viols organisés, loin des regards de la communauté internationale, interdite de présence sur les lieux. Avec le risque de voir l’insécurité (délicat euphémisme si l’on songe aux quelque 100 000 personnes déplacées ces derniers jours) gagner la province du Nil bleu.
Il existe un précédent à cette guerre qui ne veut pas dire son nom. Déjà dans les années 90, des exécutions en série avaient été perpétrées en toute impunité. Pourquoi, est-on en droit de se demander, un tel acharnement ? Parce que sur ce territoire vivent des tribus appelées à continuer de dépendre administrativement de la capitale mais dont le cœur penche du côté des anciens rebelles sudistes. Plus grave : une partie non négligeable de la population a fait le coup de feu au sein de l’Armée populaire de libération du Sud-Soudan de John Garang (APLS). Elle est donc constituée d’éléments considérés comme « peu sûrs », condamnés de ce fait à retrouver une existence de nomades. Il convient pourtant de noter qu’il ne s’agit pas là, comme dans le Sud voisin, d’une guerre de religion, les Nubiens comptant dans leurs rangs une importante proportion de musulmans. Ceux-là, tout comme leurs voisins chrétiens, se préparent à une guerre longue, difficile, dans laquelle on ne fera pas de quartier et dont nul ne saurait pour l’heure prévoir l’issue.
Curieux cas que celui d’Abyei, autrefois bourgade de garnison, devenue ces jours-ci cité florissante vers laquelle convergent les représentants de firmes de renom, américaines pour la plupart. Longtemps la ville, située dans le bassin de Muglad lequel couvre une superficie de 10 460 kilomètres carrés, fit figure de lien entre le Nord et le Sud. Jusqu’à la découverte et l’exploitation du pétrole, dans les années 70 et 80. Au début de la décennie passée, les gisements pétrolifères assuraient le quart de la production totale. Depuis 2003, la courbe est déclinante et le tarissement n’est pas loin, au dire de certains experts. Un avis que ne partagent pas d’autres spécialistes pour qui les rumeurs alarmistes visent à susciter le désintérêt de l’opinion publique pour une question – le pétrole – qui n’aurait plus sa raison d’être sous peu. Comment autrement, font valoir les tenants de cette thèse, expliquer l’importance grandissante que prend l’oléoduc du Grand Nil reliant les champs de Heglig à Port-Soudan, sur la mer Rouge, en passant par Abyei ?
Avec le réveil de la tension dans le Darfour, les mille et une difficultés qui attendent l’État appelé à naître dans cinq jours, les poches de résistance qui vont être réactivées, le Soudan n’est pas près de renouer avec la stabilité, encore moins avec la croissance. Et si, de plus, l’envie prenait à la Cour pénale internationale d’exhumer le mandat d’arrêt à l’encontre d’Omar el-Béchir, accusé de génocide et de crimes contre l’humanité...
Mahmoud Ahmadinejad vient de se découvrir de nouvelles causes à défendre : la condition des Basques espagnols, celle des Irlandais du Nord, des Corses et même des habitants du sud des États-Unis (Californie, Texas, Arizona, a-t-il énuméré). Il faut comprendre le président iranien, confronté à la réalité représentée par le référendum organisé en janvier dernier pour déterminer...
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