En France même, le Parti socialiste, qui s'apprêtait à démarrer sur les chapeaux de roue après des primaires prévues pour le mois prochain, avec un candidat à la présidentielle donné par tout le monde comme imbattable dans un an, doit se résoudre à rebattre ses cartes internes et à s'engager dans un combat de sous-chefs. Enfin, une présidentielle française, qui ne comportait, disait-on il y a encore quelques heures, qu'une seule inconnue représentée par l'outsider Marine Le Pen, se présente soudain comme ouverte à toutes les possibilités.
Mieux que le fameux effet papillon, il y a dans cette abracadabrantesque affaire Strauss-Kahn l'illustration de la théorie du grain de sable capable d'enrayer la plus puissante des machines. Ou bien, plus célèbre encore, l'observation de Pascal sur le nez de Cléopâtre (... « s'il eut été plus court, toute la face de la terre aurait changé » ). Car pensez un peu à ce qui se serait produit si le nettoyage de la suite 2806 de l'hôtel Sofitel n'avait pas été confié à une accorte soubrette, mère d'une fillette de 10 ans mais à une digne matrone d'un âge et d'un poids respectables. Il est fort à parier que ne se serait pas produit le tsunami (on exagère à peine) qui a bouleversé le monde. Et dire qu'en 2007 Nicolas Sarkozy avait tout fait pour aider au parachutage de l'ancien ministre mitterrandiste à la tête du prestigieux organisme financier, pensant ainsi l'écarter de la course à l'Élysée, cinq ans plus tard... À défaut d'un autre titre, la France peut désormais s'enorgueillir de posséder enfin le premier homme politique d'envergure à être tombé victime d'une affaire de sexe et non pas d'un scandale d'argent. À l'heureux temps où un chef d'État pouvait, comme « Tonton », installer à Matignon une ancienne conquête ou bien, comme son successeur, emprunter la Ferrari de Roger Vadim pour ses escapades nocturnes sans susciter autre chose que des clins d'œil égrillards ! Depuis le week-end dernier, on sait qu'un futur président de la République peut succomber à la tentation sans parvenir à surmonter l'obstacle, comme l'avait fait Bill Clinton en son temps, ou en assumant ses écarts de conduite, comme Silvio Berlusconi.
Le problème de DSK, c'est qu'il n'en est pas à sa première incartade. À peine installé à la tête du FMI, il avait eu des faiblesses pour une fonctionnaire, la Hongroise Piroska Nagy, toute heureuse de répondre à ses avances. Si l'époux trompé n'avait pas apprécié une telle infidélité, l'affaire ne s'en était pas moins terminée par un « non-lieu » assorti d'un blâme adressé au coupable. « Une sérieuse erreur de jugement », avait décrété l'auguste assemblée. En 2002, une journaliste stagiaire avait eu à subir les assauts répétés de ce « womanizer », ainsi que les Américains qualifient ce genre de personnage ayant « des relations pathologiques avec les femmes », dixit Marine Le Pen. Pour sa part, la députée socialiste Aurélie Filipetti ne voulait plus « avoir à se retrouver seule avec cet homme » à la suite d'un épisode pénible pour elle, remontant à 2008. Dans Sexus politicus, un livre sur les mœurs des hommes politiques, les journalistes Christophe Deloire et Christophe Dubois consacrent un chapitre entier à celui qui avouait au journal Libération : « Oui, j'aime les femmes. Et alors ? »
Déjà les supputations vont bon train, en France surtout : machination, piège tendu, coup tordu, scénario de polar, la palme de l'imagination débridée revenant à Michelle Sabban, une strauss-kahnienne, convaincue que l'affaire constitue « un complot international (parce que) c'est le FMI qu'on a voulu décapiter » (sic !). Il reste que le plus accablant, ce n'est pas tant l'affaire elle-même que le peu d'étonnement qu'elle a suscité, malgré les commentaires de circonstance.
Combien juste avait vu de Gaulle, qui disait en 1963 : « Être insoupçonnable, ce n'est pas seulement n'avoir pas commis de faute grave ; c'est ne pas prêter le flanc à un quelconque soupçon de défaillance. »
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