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Lifestyle - Société

Oruro, un carnaval du diable

Quelque 300 000 personnes célèbrent « El Tio », le démon, pendant quatre jours et trois nuits de musique, de danse et d'ivresse.

Un artisan d’Oruro fabrique un masque représentant le diable, ou « El Tio » comme on l’appelle dans les Andes, pour le carnaval qui débute aujourd’hui. Aizar Raldes/AFP

Ce n'est pas celui de Rio, mais c'est le plus couru du monde andin : à 3 700 m d'altitude sur l'altiplano bolivien, 300 000 personnes célèbrent cette semaine un carnaval mi-païen mi-religieux, où le diable est roi et la fête n'a pas de prix malgré la rigueur économique. Depuis des mois, ils virevoltent, dansent, crient, chaque soir après le travail lors de répétitions sur la grande place d'Oruro, et ils économisent pour s'offrir un masque extravagant, un costume, dont le prix, 300, 400 dollars ou plus, peut représenter des mois de salaires.
À Oruro, rien n'est trop beau pour le carnaval, qui va déverser à partir d'aujourd'hui 20 000 à 30 000 danseurs dans les rues de cette ville minière indienne de 230 000 habitants, pour quatre jours et trois nuits de musique, de danse et d'ivresse. Le roi du bal à Oruro, c'est le diable, ou « El Tio » (l'oncle), qui emprunte à la fois au Satan amené par la religion catholique, et au démon andin « Supay » vivant sous terre, au cœur de la montagne, mais pas forcément craint, plutôt même invoqué par les Indiens. « Les mineurs, quand ils entrent dans leurs galeries pour extraire le minerai, vénèrent le diable, connu ici comme "l'oncle de la mine". Pour obtenir en retour du bon minerai » ou se protéger d'un accident, explique Juan Aguirre, conservateur du musée d'anthropologie d'Oruro.
Le diable a d'ailleurs depuis peu son propre « musée » à Oruro. Il restitue le rapport des hommes à la mine et ce syncrétisme réussi, qui vit les Indiens assimiler la religion des Espagnols et perpétuer jusqu'à aujourd'hui une fête remontant à plus de 4 000 ans, quand l'ethnie Uru peuplait l'altiplano, précise M. Aguirre. Et la danse-phare du carnaval, la diablada, rejoue la lutte entre le Bien et le Mal, entre Supay-Satan et sa cour de démons, et l'archange Michel. « Malgré les interdits espagnols au XVIIe siècle, les dieux andins ont été dissimulés derrière les icônes chrétiennes, devenant ainsi des saints », décrit l'Unesco qui, en 2008, a classé le carnaval d'Oruro au patrimoine culturel et immatériel de l'humanité.
La dévotion reste présente : on danse pour la liesse, mais aussi pour rendre grâce. « Je danse pour honorer la Vierge, la "kachamosa" (jolie dame en quechua) comme on l'appelle ici », explique Richard Vega entre les répétitions. Ce jeune ingénieur électricien remercie la Vierge pour lui avoir permis de finir son cursus universitaire sans accroc l'an dernier.
Cette année à Oruro, on danse aussi pour oublier. La région est l'une des plus pauvres du pays andin, et plus qu'ailleurs, les ménages y subissent la flambée des prix (jusqu'à 30 % pour le sucre ou les transports) qui a déjà provoqué deux grèves générales à l'échelle du pays en deux mois. Certains costumes, comme ceux des danses « Morenada », coûtent 400-500 dollars, et dans certains groupes, il en faut deux. Avec l'inscription, la musique, les frais, « on arrive à 1 000-1 200 dollars pour un participant, c'est beaucoup d'argent pour un pays en crise », analyse l'anthropologue Juan Carlos Anez. Et même si la majorité des Orurenos acquièrent ou fabriquent un costume plus modeste, pour quelque 50 dollars, cela reste un luxe pour les classes démunies d'un pays où le salaire minimum n'est que de 96 dollars, ajoute-t-il.
Mais au carnaval et pendant les préparatifs, « on se calme avec les amis, on répète, on crie, on partage, on est heureux, conclut Richard Vega. C'est la joie de la danse, les gens oublient leur peine et se sentent fiers de donner. »
(Source : AFP)
Ce n'est pas celui de Rio, mais c'est le plus couru du monde andin : à 3 700 m d'altitude sur l'altiplano bolivien, 300 000 personnes célèbrent cette semaine un carnaval mi-païen mi-religieux, où le diable est roi et la fête n'a pas de prix malgré la rigueur économique. Depuis des mois, ils virevoltent, dansent, crient, chaque soir après le travail lors de répétitions sur la grande...

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