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Culture - Scène

Pour que Rabih Mroué ne cesse jamais de jouer la comédie !

« Comment je veux cesser de fumer ? » Ou « comment je veux cesser de jouer la comédie ? » Tel peut être le titre de la performance présentée par Rabih Mroué au Théâtre de Beyrouth, mais les titres sont interchangeables pour l'acteur qui a su, tout en moquant les en-têtes séducteurs mais souvent creux et abscons, privilégier un texte scénique riche en visuel.

Rabih Mroué, un chat jouant à la souris. (Hassan Assal)

Comment parler de choses sérieuses sur un ton léger et badin? Comment aborder la création artistique en se limitant à la panne sèche des méninges? Comment brosser les portraits de villes en se restreignant aux bouches d'égouts diverses et parfois colorées? Comment utiliser une centaine de manières pour photographier un réverbère? Comment parler de la situation du Liban en utilisant son médium préféré comme les affiches, les photos ou encore les images mobiles? Comment évoquer de grands problèmes comme celui des personnes perdues et presque oubliées? De la résistance? Du sacrifice? De la psychanalyse, en faisant de Sigmund Freud un membre du Hezbollah? Comment parler des arts contemporains novateurs, pointus et parfois hermétiques en évitant de sombrer dans une critique maladroite, en demeurant sur le fil du rasoir et en laissant l'audience seule juge? Comment, enfin, parler de tous ces sujets en une heure seulement? Comment balayer la pesanteur d'un discours et rester en apesanteur? Comment être un bon comédien en faisant semblant d'être un cabotin?
À toutes ces questions, une seule réponse: rien de plus qu'un ordinateur branché à un grand écran et un acteur, sorte de passeur d'images, de photos, de clichés, mais aussi de mots et d'émotions. Rabih Mroué et rien que lui, sagement attablé derrière son ordi, jouant au chat avec sa «souris», questionnant l'auditoire, s'interrogeant lui-même, présentant ses excuses pour des actes qu'il a faits alors qu'aucun responsable politique n'en a présenté à la population.
Rabih Mroué, comédien subtil, caractère spontané (tellement spontané qu'on a l'impression à certains moments qu'il improvise ou qu'il cause simplement avec son public), raconte des histoires. Rabih Mroué maniant la langue arabe, savoureusement, décryptant les codes de l'esprit à satiété fouille dans sa mémoire ainsi que dans la nôtre. Rabih Mroué, mariant la nonchalance à la vivacité, la profondeur à la légèreté, recyclant ses archives de guerre, des petites comme des grandes, sa mémoire personnelle, publique, jongle avec les stockages de l'esprit, soi-disant inutiles, mais tellement précieux car ils illustrent ce personnage multidisciplinaire. Son humour est caustique et incisif, loin de toute critique malfaisante et gratuite. Son esprit bien que prétendant se disperser n'est jamais dévoyé.
Rabih Mroué peuple la scène. Seul devant son ordi, il ne se déplacera que deux fois pour des gestes anodins. C'est un semeur d'idées. La phrase à peine lancée au milieu de l'audience fait son chemin et grandit puis grossit dans un rire comme une vague salvatrice. Durant cette heure partagée avec un public de fidèles, le comédien affirme avoir épousseté ses archives, fait le vide dans sa tête et aussi, par conséquent, «deletera » tous les «folders» de sa machine à mémoire et les déposera dans son «recycle bin». Par ce geste preste et prompt, Rabih Mroué aura invité le public à réfléchir, tout en se divertissant, sur les couloirs du temps qu'on traverse parfois sans s'y attarder.
Comment parler de choses sérieuses sur un ton léger et badin? Comment aborder la création artistique en se limitant à la panne sèche des méninges? Comment brosser les portraits de villes en se restreignant aux bouches d'égouts diverses et parfois colorées? Comment utiliser une centaine de manières pour photographier un réverbère? Comment parler de la situation du Liban en...

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