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Liban - L’éclairage

Effondrement de l’accord de Doha

Les déficiences et le faux-semblant de l'accord de Doha (2008), qui a conduit à la formation d'un « gouvernement d'entente nationale », ont enfin éclaté au grand jour. Ce gouvernement, qui a assuré ce que certains analystes ont appelé « une dictature de la minorité », s'effondre après la démission de onze ministres et se transforme ipso facto en gouvernement d'expédition des affaires courantes.
On sait en effet que l'accord de Doha, qui avait permis l'élection du président Michel Sleiman et la formation d'un gouvernement dit « d'entente », n'avait été accepté par la majorité qu'à la condition que l'opposition n'en démissionne pas (clause 2), comme elle l'avait fait avec le gouvernement précédent. Privé de toute représentation chiite, ce dernier avait perdu une partie de sa concordance, l'opposition ayant invoqué à cette occasion la clause constitutionnelle déniant toute légitimité à ce qui contredit le pacte fondamental de coexistence intercommunautaire.
En démissionnant aujourd'hui, les ministres de l'opposition enterrent un accord qu'ils n'ont accepté que dans la mesure où il servait leurs intérêts. C'est donc, d'un certain point de vue, un retour à la case départ, c'est-à-dire à une longue crise de gouvernement.
Cependant, la gestion de la crise actuelle pourrait être plus facile que celle qui l'a précédée. Certes, les ministres démissionnaires représentent le fameux tiers de blocage qu'en vain l'opposition avait cherché à arracher à la majorité au moment de la formation du gouvernement. Toutefois, ce tiers est obtenu grâce au ministre Adnane Sayyed Hussein, qui appartient au camp du chef de l'État. Cette démission consacre donc, aux moindres frais, la qualité de président consensuel de Michel Sleiman.
La « cession » de l'un de « ses » ministres à l'opposition donne en effet, au chef de l'État, trois avantages : celui de pouvoir continuer à arbitrer le jeu politique ; celui de faire barrage à une vacance constitutionnelle analogue au « passage à vide » qui avait suivi la fin du mandat - prorogé - du président Émile Lahoud. Enfin, elle lui permet de garder en réserve le bloc ministériel de Walid Joumblatt en lui épargnant de basculer malgré lui dans les rangs de l'opposition.
Selon un ancien ministre proche de la Syrie et de l'opposition, la démission des ministres du 8 Mars est une prise de position maximaliste prénégociatoire, une façon de « tâter le pouls de la majorité ». Il s'agit aussi, selon cette source, d'un « message » adressé aux différentes puissances impliquées dans le pétrin libanais, et en particulier à Washington, accusé d'avoir fait capoter l'accord syro-saoudien.
Selon toute vraisemblance, la phase négociatoire de la crise libanaise n'est pas close, et en démissionnant, l'opposition s'est dotée de nouvelles cartes pour négocier le renoncement au tribunal international chargé d'identifier les assassins de Rafic Hariri (2005). Car, il ne faut pas se tromper, ce qui est au cœur de la crise, c'est encore et toujours le tribunal international, dont l'acte d'accusation est sur le point de paraître.
Pour empêcher la crise de dégénérer en affrontements de rue, ce que tout le monde, y compris l'opposition, dit vouloir éviter « à tout prix » (dixit Berry), mais que personne ne saurait totalement garantir, il faut s'attendre à un prochain défilé à Beyrouth de personnalités arabes et étrangères qui vont tenter d'aider les Libanais à régler leur crise. Sauf que si le nœud de la crise est au Liban, les fils en sont tenus aussi bien en Syrie qu'en Iran, à Washington et en Arabie saoudite, et le chassé-croisé diplomatique risque d'engober plus d'une capitale arabe et européenne.
La crise se réglera-t-elle au détriment du tribunal international ? Pas à en croire les ténors de la majorité, qui répètent à qui veut l'entendre que cette cour est « une ligne rouge infranchissable » et qui attendent incessamment la parution d'un acte d'accusation que certaines indiscrétions publiées dans la presse disent accablant pour des miliciens du Hezbollah.
Alors ? Va-t-on vers des affrontements sunnito-chiites ? De toute évidence, le Hezbollah, tout en jouant serré, cherche à éviter que la crise ne prenne cette tournure suicidaire. C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, c'est à partir du domicile du chrétien Michel Aoun, qui préside un large bloc parlementaire chrétien, que la démission collective des ministres du 8 Mars a été annoncée. La mise en avant du général Aoun a un autre avantage, celui de masquer l'épreuve de force régionale et internationale dont la crise libanaise n'est que l'une des facettes. Mais pour combien de temps ?
Les déficiences et le faux-semblant de l'accord de Doha (2008), qui a conduit à la formation d'un « gouvernement d'entente nationale », ont enfin éclaté au grand jour. Ce gouvernement, qui a assuré ce que certains analystes ont appelé « une dictature de la minorité », s'effondre après la démission de onze ministres et se transforme ipso facto en gouvernement d'expédition des...

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