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Culture - Rencontre

George Pehlivanian, la musique dans le sang

Passage d'une dizaine de jours en sol majeur pour le maestro George Pehlivanian qui foule, avec une émotion intense, la terre qui l'a vu naître.

La musique, un message d’amour, de beauté et de paix pour maestro George Pehlivanian. (Michel Sayegh)

De Paris à Montmartre, où il est installé à présent depuis plus de quinze ans, à Beyrouth, et plus précisément à Mar Mikhael, où il a vécu jusqu'à l'âge de dix ans, le chef d'orchestre George Pehlivanian, adulé et applaudi à l'étranger, décortique le passé, inspecte le présent et regarde le futur...
Partition intégrale à un retour aux sources pour les besoins d'un film-portrait du musicien tourné par Nicolas Raynal, mais aussi besoin de revisiter le passé après plus de trente-cinq ans d'absence quand une pluie de bombes en 1975 a fait éclater et chavirer la vie des Libanais.
Non, pas encore de soirée musicale en prévision à Beyrouth ou autres hauts lieux festivaliers, mais simple redécouverte vacancière d'un pays d'origine où, radieux et terribles, abondent et affleurent les souvenirs de l'enfance. Avec des odeurs, des parfums et des saveurs toniques et tenaces.
Tout comme la madeleine de Proust, le «foul» à l'huile, pour maestro Pehlivanian, est l'occasion d'un troublant retour en arrière. Il évoque avec frémissement la première délicieuse bouchée qui mouille déjà ses paupières d'une larme qui se retient à peine.
Rencontre avec un chef d'orchestre affable et avenant, qui a la musique dans le sang, dans un café à Achrafieh, sous un soleil aussi brûlant au cœur de novembre qu'aux solstices les plus chauds de juin...
La silhouette menue, les yeux grands et légèrement bridés, vêtu de noir, les cheveux déjà sel et poivre en bataille jusque dans la nuque, la voix mesurée (il est polyglotte - neuf langues à son actif! - et «surfe» facilement du français à l'arménien en ponctuant ses phrases d'intonations allemandes ou américaines), maestro Pehlivanian est de toute évidence heureux d'être en lieu ensoleillé et familier. Et c'est en toute tranquillité et douceur que glisse cette imperceptible confidence, qui sonne toutefois comme un regret maîtrisé: «C'est le hasard qui m'a fait retourner et non la musique...»
Sa mère n'est autre que la cantatrice soprano Arpiné Pehlivanian et sa tante la pianiste Madeleine Medawar. Sa sœur Elizabeth est pianiste et prof de chant. C'est déjà dire que pour lui la musique est dans la famille et bon sang ne saurait mentir...

Un premier prix à neuf ans...
«C'est par miracle que je suis resté vivant quand les bombes se sont mis à pleuvoir en 1975, confie-t-il... À l'époque, je fréquentais le Conservatoire national supérieur en ferraillant avec le piano, le violon et le solfège. En fait, j'étais tout à fait sous l'ombrelle de la musique puisque à neuf ans je gagnais un concours national pour violon... Installé à Los Angeles, j'ai continué à travailler le violon et, par la suite, j'ai fréquenté l'Accademia musicale Chiggiana en Italie tout en peaufinant ma formation sous la houlette de Lorin Maazel, Pierre Boulez et Ferdinand Leitner. Ma carrière a démarré surtout en 1991 après avoir emporté, en compétition, le prix de Besançon en France pour la direction du Sacre de printemps de Stravinsky et le Concerto n° 1 pour piano et orchestre de Brahms. Vingt ans que je n'arrête plus. Combien de concerts j'ai donné dans ma vie? Difficile à dire. Peut-être plus de mille. Avec plus de cent différents orchestres placés sous ma houlette. J'aime les grands espaces pour y donner des concerts festifs qui font aimer la musique à un grand nombre d'auditeurs, car la culture est vitale pour tout pays. La musique est un moyen de communication. C'est un message d'amour, de beauté et de paix. Pour cela, j'aimerai me produire à Baalbeck, Beiteddine ou aussi au centre-ville... J'aime aussi la musique de chambre. J'aime communiquer avec l'orchestre, le public, le soliste.»
À 46 ans, George Pehlivanian a dirigé les ensembles orchestraux les plus prestigieux (loin d'être une liste exhaustive, on cite volontiers, entre autres, les Philharmoniques de Londres, de la BBC, la Scala, Santa Cecilia, l'Orchestre de la Suisse Romande, les orchestres symphoniques de Baltimore, Toronto, Houston, Cincinnatti, Indianapolis, Vancouver, Montréal), tout en donnant la réplique à des solistes stars tels que David Garrett, Paul Badura Skoda, Janine Jansens, Éric Le Sage, Eva Johansson.
Épris aussi de composition, il avoue cependant, avec une pointe presque d'humour: «Si je rêve "symphonique", mes compositions sont encore toujours seulement pour moi...»
Féru de Brahms, Dvorak, Beethoven, Prokofiev, Boulez, Ravel, Debussy, il révèle aussi ses préférences pour des modernes contemporains, tels Christian Jost, Cosina, Thomas Marco, Louis de Pablo, Rueda, Thomas Daniel Schnee et Philippe Leroux, tout en gardant dans le cœur un élan pour les compositeurs arméniens dont Khatchadourian, Komitas et Aharonian.
Plus de quinze CD dans les bacs portent l'empreinte de la direction de maestro George Pehlivanian. Des ouvertures de Verdi et Rossini à l'intégrale des œuvres pour piano et orchestre de Liszt, en passant par des pages de Mahler, Strauss, Rodrigo, Zukoff, Cosina, Beethoven et Arnich, la musique est ici un monde coloré et sans frontière. Un monde qui tente de resserrer les maillons d'une vie et de rejoindre aujourd'hui le bonheur d'une enfance lumineuse entre les curés, les «vartabed» à Antelias et les jeux au Bois de Boulogne, haut lieu de villégiature de la communauté arménienne libanaise d'avant-guerre.
«C'était magnifique», dit le musicien en se remémorant le clair désordre de l'enfance. Et d'ajouter, dans un vigoureux éclat de rire, comme quelqu'un pris en flagrant délit d'un rêve-mirage:
«C'était si grand dans ma mémoire et, brusquement, je réalise que ce n'est pas si immense que cela ! Et pourtant, tout cela m'a tellement marqué!»
De Paris à Montmartre, où il est installé à présent depuis plus de quinze ans, à Beyrouth, et plus précisément à Mar Mikhael, où il a vécu jusqu'à l'âge de dix ans, le chef d'orchestre George Pehlivanian, adulé et applaudi à l'étranger, décortique le passé,...

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