Julia reposa le combiné en soupirant. Elle le sortirait, ce banquier de Jean-Luc, ce Parisien pur jus en opération safari. Mais Cyril lui revaudrait ça. Elle prit une douche, enfila un jean et un tee-shirt, se contenta d'un trait de khôl en guise de maquillage puis se mit en route vers le restaurant qu'elle avait indiqué à Jean-Luc. Un restaurant où la jeune femme, installée depuis dix ans à Ouaga, avait ses habitudes.
Julia arriva un peu en avance. Jean-Luc n'était pas encore là. Elle s'installa et commanda une Dolo, la bière locale. Quand elle vit le fond du minuscule ramequin qui avait abrité une douzaine de cacahuètes, elle leva la tête pour commander une rallonge. C'est à ce moment-là qu'elle vit une chemise blanche couvrant un torse qu'elle devinait puissant se découper dans l'encadrement de la porte. C'était lui. En un cinquième de seconde, un courant électrique vint allumer, à un niveau préconscient, le gyrus angulaire de Julia.
Jean-Luc reconnut Julia, Cyril lui ayant montré une photo de la jeune femme avant son départ de Paris. Quand le mètre quatre-vingt-dix du jeune homme arriva devant la table de Julia, le noyau caudé et le putamen de la demoiselle, en suractivité totale, pompaient frénétiquement du sang, avides qu'ils étaient d'oxygène.
Jean-Luc lui fit un grand sourire qui dévoila des dents blanches à en vanter un dentifrice. « Bonjour, je suis Jean-Luc. Vous devez être Julia ? » dit-il en lui tendant la main. Quand l'épiderme de Julia entra en contact avec la paume de Jean-Luc, l'hippocampe postérieur de la jeune fille se mit à chanter la Traviata. Elle lui confirma qu'elle était Julia et ajouta qu'elle était ravie, vraiment ravie, de le rencontrer.
Au bout de quelques secondes, Jean-Luc baissa les yeux, un sourire aux lèvres, vers sa main que Julia n'avait toujours pas lâchée. Confuse, elle bafouilla une excuse, détacha ses doigts de la peau de Jean-Luc et s'assit rapidement. Dans sa jolie boîte crânienne encadrée d'une cascade de cheveux auburn, le thalamus, l'aire tegmentale ventrale, l'insula, la partie antérieure du cortex cingulaire, le lobe occipital, la région occipito-temporale, la jonction du gyrus angulaire/temporal pariétal, le gyrus préfrontal dorsolatéral, le gyrus temporal supérieur et le gyrus précentral, en sus de l'hippocampe postérieur, du noyau caudé et du putamen, étaient allumés comme une longue guirlande sur un arbre de Noël.
Julia demanda à Jean-Luc ce qu'il voulait boire. « Comme toi », répondit-il. Elle lui commanda une Dolo qui lui fut immédiatement servie. Ils trinquèrent, les yeux dans les yeux. Derrière les fenêtres grandes ouvertes du restaurant, l'air vibrait des stridulations des criquets. Au moment où elle avala sa gorgée de bière, son cerveau s'envoyait déjà un cocktail frappé à base de dopamine, ocytocine, adrénaline et autre vasopressine. Cocktail qui plongeait sa matière grise dans un état d'euphorie n'ayant rien à envier à un trip postreniflage de coke. Cocktail qui, de sa tête, glissa ensuite vers son cœur, qui se mit à battre très fort.
Julia se pencha vers Jean-Luc et lui murmura, les pommettes rouges et les oreilles en ébullition : « Jean-Luc, je crois que je suis raide dingue de vous. »