Cette réforme, considérée par Nicolas Sarkozy comme une « priorité absolue », prévoit de repousser l'âge minimal de la retraite de 60 à 62 ans d'ici à 2018. Le texte doit être présenté aujourd'hui dans une ambiance surchauffée à l'Assemblée nationale par un ministre du Travail, Éric Woerth, très affaibli par un scandale politico-fiscal qui le discrédite auprès des syndicats, de l'opposition et de 60 % des Français, selon un sondage Harris Interactive.
Des appels à la grève ont été recensés dans les transports, la fonction publique, les médias publics, ainsi que dans l'industrie ou les banques. Les premiers arrêts de travail étaient prévus dès hier soir dans les chemins de fer. Le trafic aérien sera lui aussi touché aujourd'hui : 25 % des vols programmés dans les aéroports parisiens de Roissy et Orly devraient être annulés. Selon des sondages, plus de 70 % des Français approuvent ce mouvement. Les organisations syndicales espèrent mobiliser au moins deux millions de personnes. « On peut avoir une journée exceptionnelle et, si elle est exceptionnelle, on peut être à un tournant », a jugé le secrétaire général de la CGT (premier syndicat), Bernard Thibault. « Il y a moyen de faire reculer le gouvernement », a aussi estimé le porte-parole du Parti socialiste, Benoît Hamon.
De son côté, le parti présidentiel UMP a assuré être décidé à mener « jusqu'au bout » le débat sur la réforme, quelle que soit l'ampleur des manifestations. Dimanche, deux proches conseillers du chef de l'État ont indiqué qu'il serait inflexible « sur le fond » (l'âge de départ), mais que des « négociations » étaient possibles sur certains points. L'âge légal est celui à partir duquel un salarié peut prétendre à une pension à taux plein (s'il a cotisé le nombre d'années requises) dans le système français où les actifs paient les pensions des retraités. Confronté à l'augmentation du nombre des retraités, le gouvernement considère que faire travailler les Français plus longtemps, à l'instar de leurs voisins européens, est la meilleure option pour assurer des besoins de financement estimés à 70 milliards d'euros d'ici à 2030.
L'examen de cette réforme intervient au pire moment pour le président qui enregistre la cote de confiance la plus basse depuis juin 2007. Les soupçons de conflit d'intérêt et financement politique illégal à l'encontre de son ministre du Travail dans une affaire liée à l'héritière des cosmétiques L'Oréal, Liliane Bettencourt, lui valent des accusations de « collusion » avec la grande finance. Un durcissement de sa politique sécuritaire, notamment à l'égard des Roms, a suscité des tiraillements jusque dans le gouvernement, et l'UMP commence à se déchirer en vue de la présidentielle de 2012.