Nicolas Sarkozy a affirmé sa « volonté inflexible » d’appliquer la déchéance de la nationalité « sous certaines conditions » aux meurtriers de policiers et gendarmes. Lionel Bonaventure/Reuters
Après les hésitations du chef de la diplomatie Bernard Kouchner, qui a déclaré lundi avoir songé à la démission (visiblement très mal à l'aise, M. Kouchner a reconnu lundi soir être « choqué » par la distinction faite par le président entre les Français « d'origine étrangère » et les autres), une autre ministre, la secrétaire d'État chargée de la Politique de la ville, Fadela Amara, s'est démarquée de la politique sécuritaire du pouvoir. La ministre s'est déclarée hier dans la presse « contre l'élargissement » des conditions de déchéance de la nationalité, actuellement limitées aux cas de condamnation pour terrorisme et/ou atteinte à la sûreté de l'État. Ancienne militante associative issue de l'immigration, Fadela Amara a expliqué ne pas accepter « qu'on mette les gens d'origine étrangère en insécurité », comme elle s'est dit opposée aux expulsions de Roms. De son côté, le ministre de la Défense Hervé Morin, positionné au centre-droit, s'était élevé dimanche contre ceux qui « confondent la délinquance et l'immigration ».
Si aucun de ces ministres n'a dit souhaiter quitter le gouvernement, leur maintien dans l'équipe de Nicolas Sarkozy, qui a annoncé un grand remaniement pour octobre, semble désormais posé. D'autant qu'hier, malgré un concert de critiques en France et à l'étranger face à une politique liant insécurité et immigration, le président a réaffirmé le tour de vis annoncé cet été. Dans un communiqué, Nicolas Sarkozy a affirmé sa « volonté inflexible » d'appliquer la déchéance de la nationalité « sous certaines conditions » aux meurtriers de policiers et gendarmes. Dans un discours prononcé le 30 juillet à Grenoble (centre-Est), le chef de l'État avait annoncé des mesures ciblant les criminels français d'origine étrangère et les Roms, dont plus d'un millier ont été expulsés vers la Roumanie et la Bulgarie en un mois.
Lundi, le ministre de l'Immigration Éric Besson a ainsi annoncé de nouvelles mesures pour « lutter plus efficacement contre les filières d'immigration clandestine » dans le cadre d'un projet de loi qui sera soumis le 27 septembre à l'Assemblée nationale. Il prévoit notamment d'élargir les possibilités d'expulsion en cas « d'actes répétés de vols ou de mendicité agressive », et de « sanctionner ceux qui abusent du droit au court séjour » (trois mois maximum). Pour sa part, le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux a préparé deux amendements destinés à déchoir de leur nationalité des Français naturalisés depuis moins de dix ans et condamnés à des peines d'au moins cinq ans de prison.
Vigoureusement dénoncées par l'opposition, ces propositions ont aussi été critiquées par l'Église. Les catholiques « ne veulent pas rester silencieux quand une décision publique heurte leur conscience chrétienne », a déclaré Mgr Claude Schockert, l'évêque de Belfort-Montbéliard (Est), dans un entretien au journal Le Parisien d'hier.
Soulignant une ligne de fracture au sein même du gouvernement, la socialiste Ségolène Royal a dénoncé sur la radio France Inter « une crise institutionnelle » en France, « une forme de chaos ».
Déjà rappelée à l'ordre par l'ONU et par le pape, la France devait s'expliquer à Bruxelles : les ministres français de l'Immigration, Éric Besson, et des Affaires européennes, Pierre Lellouche, devaient discuter de « la situation des Roms » avec la Commission européenne.