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Moyen Orient et Monde - Le point

Manœuvres d’été

Tous ces mois de relatif calme, cela commençait à devenir inquiétant. C'est qu'il est de tradition de voir l'irascible ministre israélien des Affaires étrangères ruer dans les brancards, pour une raison ou pour une autre. Parfois même sans raison aucune, simplement pour calmer une amusante si elle n'était clinique démangeaison. Eh bien, c'est fait ! L'homme vient d'y aller de son petit coup d'éclat, à sa manière, mesurée dans le fond mais violente dans la forme, l'air de demander à la cantonade : « Alors ? On ne retient plus ? »
L'enjeu est crucial, l'heure peu propice aux crises et énorme le risque que présenterait un nouveau saut dans l'inconnu. Même si, pour maintenir le suspense, la ministre de l'Intégration Sofa Landver lançait dimanche sur les ondes de la radio de l'armée : « Nous ne menaçons pas, nous agissons.Tous ceux qui oseront se frotter à nous (le parti Israel Beiteinu) recevront une claque qui leur fera mal. » Il faut dire aussi que, dans le même temps, un autre membre de la formation, le ministre du Tourisme Stas Misezhnikov, reconnaissait : « Nous ne voulons ni bouleverser la coalition au pouvoir ni quitter le gouvernement. » On vous le dit, chez ces faux durs, tout est dans les bémols...
Le scénario est le même depuis que l'humanité a découvert les joies du cirque politique : du dompteur ou du lion, qui va, en définitive, l'emporter ? Benjamin Netanyahu, supposé brandir le fouet, avance à pas mesurés mais en improvisant ses coups. En riposte, le chef du groupe ultranationaliste, censé sauter au moindre claquement du fouet, s'ébroue, tempête, menace puis attend son heure, fort de la conviction que le Premier ministre est un « serial abdicataire », ce en quoi il n'a pas tout à fait tort. Oui mais, aujourd'hui, de part et d'autre on a poussé le bouchon un peu trop loin.
Sur le papier, l'ancien costaud continue de diriger la politique étrangère. À cela près : quand il s'agit de questions cruciales, il est fait appel à d'autres personnalités de premier plan. Dans un passé proche, ce furent ainsi le chef de l'État Shimon Peres, les ministres Ehud Barak, Dan Meridor ou encore Moshe Ayalon. L'intéressé feignait à chaque fois de regarder de l'autre côté. Jusqu'à ce jour de juin dernier quand le canal 2 de la télévision révéla que Benjamin Ben-Eliezer (Industrie, Commerce et Travail) venait de rencontrer à Bruxelles le ministre turc des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu. C'en était trop. D'abord le videur refusa de prendre les appels téléphoniques de son patron ; ensuite il nomma un nouveau représentant aux Nations unies, le falot ambassadeur à Bogota, Meiron Reuven, sans en référer à « Bibi ».
La décision de trop, celle qui a mis le feu aux poudres, aura porté sur la répartition des crédits alloués à chaque département ministériel, dont cinq sont détenus par les représentants d'Israel Beiteinu, réduits à se contenter, prétendent-ils, de miettes. Lors du conseil tenu vendredi, les noms d'oiseaux ont fusé, ponctués de menaces mais aussi de promesses, du genre : « Nous n'allons pas démanteler cette équipe que nous avons construite de nos mains. »
Aux dernières nouvelles, nul n'a envie d'aller au-delà de ces rodomontades, pour des raisons évidentes. Dans les rangs du Likoud, des fuites soigneusement dosées font état de contacts entrepris en douce avec le Kadima de Tzipi Livni, dont les voix représenteraient un apport permettant de se passer des quinze députés de l'ultradroite. Bien entendu, les choses se compliqueraient pour peu que le Shas en vienne à faire cause commune avec les « Russes », prenant pour prétexte les amendements prévus à la législation sur la conversion au judaïsme, qui sont loin de faire l'unanimité de l'opinion publique. Or le grand rabbin sépharade Shlomo Amar et le vice-Premier ministre Eli Yishaï ont fait savoir qu'ils n'hésiteraient pas à se retirer du gouvernement si le texte n'est pas voté à la Knesset.
Toutes ces joutes constituent un prélude aux législatives à venir, quand Netanyahu et Lieberman se disputeront les faveurs de la droite modérée, celle de l'immense majorité des Israéliens. À supposer, disent les méchantes langues, que le second parvienne d'ici là à échapper aux griffes de la justice, lui qui, depuis quatorze ans, fait l'objet d'une kyrielle d'enquêtes. Il y a aussi l'autre aspect de la conjoncture : cette totale incompatibilité d'humeur entre deux politiciens dont l'association annoncée était déjà pointée du doigt par l'ancien ambassadeur américain à Tel-Aviv, Daniel Kurtzer, qui y voyait « une mauvaise combinaison pour les intérêts de Washington ».
Ce qui ne veut nullement dire que, pris séparément, ils ne représentent pas, pour Washington, un gros et épais nuage du plus beau noir.
Tous ces mois de relatif calme, cela commençait à devenir inquiétant. C'est qu'il est de tradition de voir l'irascible ministre israélien des Affaires étrangères ruer dans les brancards, pour une raison ou pour une autre. Parfois même sans raison aucune, simplement pour calmer une amusante si elle n'était clinique...

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