M. Sarkissian a toutefois insisté sur le fait que l'Arménie ne se retirait pas complètement du processus, « parce que nous voulons maintenir l'élan actuel pour la normalisation des relations, car nous voulons la paix », a-t-il dit.
À Ankara, le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a lui aussi indiqué qu'il restait attaché à un rapprochement avec l'Arménie, mais répété que le succès de ce processus dépendait des progrès sur le Nagorny-Karabakh. « Nous avons exprimé à plusieurs reprises notre engagement au regard de la lettre et de l'esprit des protocoles (de réconciliation) et l'objectif de les mettre en pratique », a déclaré M. Erdogan à la presse, après l'annonce du gel par les trois partis de la majorité parlementaire arménienne.
Il a rappelé qu'Ankara tenait à « une paix globale dans la région » avant de demander la ratification des accords turco-arméniens, une référence au conflit arméno-azerbaïdjanais.
La Turquie et l'Arménie, divisées sur la question des massacres d'Arméniens sous l'Empire ottoman (1915-1917), ont signé en octobre dernier à Zurich, en Suisse, deux protocoles historiques prévoyant des relations diplomatiques et la réouverture de leur frontière commune. Mais depuis, la ratification de ces documents traîne en longueur en raison des différends sur les massacres d'Arméniens, qu'Erevan qualifie de génocide, un terme que rejette résolument Ankara, et du contentieux sur le Nagorny-Karabakh. M. Sarkissian l'a répété à M. Erdogan le 12 avril à Washington, soulignant que l'Arménie n'accepterait pas que le processus de normalisation dépende de « conditions préalables », une allusion au Nagorny-Karabakh. De son côté, la Turquie reproche à l'Arménie de remettre sur la table la question des massacres d'Arméniens par les Ottomans-Turcs, pendant la Première Guerre mondiale.
Selon des analystes, la décision d'Erevan vise d'abord à intensifier la pression sur la Turquie. « Il s'agit d'une tactique politique plutôt que d'un revirement de stratégie politique », estime Richard Giragosian, qui est basé à Erevan. Pour sa part, l'analyste politique Gevorg Pogossian, également installé à Erevan, a indiqué que la décision arménienne constitue un « grand pas en arrière dans le processus (de normalisation) ». « Je ne suis pas sûr qu'il puisse être poursuivi sous sa forme actuelle », a-t-il encore souligné. L'annonce d'Erevan intervient deux jours avant qu'Erevan ne célèbre le 95e anniversaire des massacres sous l'Empire ottoman, durant la Première Guerre mondiale. La réconciliation, encouragée par Washington et l'Union européenne, favoriserait le développement économique de l'Arménie et serait un atout diplomatique pour la candidature d'Ankara à l'UE.
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