Rechercher
Rechercher

Culture - Exposition

Saloua Raouda Choucair, ou l’abstraction en «Formes nobles»

La galerie Maqam consacre une intéressante rétrospective partielle à Saloua Raouda Choucair. Cette artiste libanaise, aujourd'hui âgée de 94 ans, a non seulement élaboré une œuvre d'envergure internationale, elle a aussi été la pionnière de l'art abstrait dans le monde arabe.

Les formes et le fond sont indissociés dans les peintures de Saloua Raouda Choucair. (Michel Sayegh)

De l'œuvre de Saloua Raouda Choucair, on connaît surtout les sculptures. De magnifiques pièces, souvent d'allure totémique,* souvent construites par éléments géométriques, imbriqués et modulables, sculptés aussi bien dans le bois, la pierre, le métal ou le cuivre.
On connaît moins les peintures abstraites, qui ont précédé et, en quelque sorte, annoncé son travail sculptural.
Ce sont ces œuvres picturales de la première période de l'artiste - «son premier travail systématique», indique Joseph Tarrab, à l'origine de cette exposition - que la galerie Maqam** fait (re)découvrir aux amateurs, à travers l'accrochage qu'elle lui consacre jusqu'au 15 mai.
Une cinquantaine de peintures, entre huiles sur toile, de grandes dimensions, et gouaches sur papier, de différents formats, réalisées essentiellement entre 1946 et 1956, et formant un corps d'œuvres picturales abstraites qui se distinguent, déjà, par cette démarche artistique propre à Saloua Raouda. Cet affranchissement intrinsèque d'un esprit cérébral. Libre de toute influence: celle de Omar Ounsi, dans l'atelier duquel elle s'initie à la reproduction de la nature durant trois mois en 1942, procédé qu'elle rejette totalement. Comme celle de Fernand Léger, à l'atelier duquel elle s'inscrit en 1948, aux premiers temps de son séjour parisien, avant de le quitter très rapidement pour rejoindre l'atelier des artistes abstraits, qui correspondait d'avantage à son travail. À Paris, où elle séjourne trois ans (elle ne retournera à Beyrouth, où l'attendait son fiancé qu'en 1951), elle rencontre, entre autres, Picasso, César, Vasarely, et conforte son désir d'abstraction.

« Je suis toute équation »
Un parti pris pour l'abstraction, entamé dès 1946 à Beyrouth, par prédisposition mentale - «Je suis tout équation», répétait cette femme qui a suivi à l'AUB des études de sciences naturelles, de physique, de maths et de philosophie! -, mais aussi sans doute un peu par défi. Pour contrer l'un de ses professeurs, le fameux Charles Malek, lequel affirmait, avec autorité, que «l'art de la Grèce antique, avec ses impeccables proportions, est la seule forme d'art valable».
Saloua Raouda Choucair n'aura de cesse de vouloir apporter, à travers l'élaboration de toute son œuvre, un démenti à cette assertion. Une œuvre essentiellement basée sur une synthèse intuitive - «qui s'exprime dans l'acte de peindre», souligne Tarrab - entre sa conception intellectuelle et mathématique des choses et sa vision spirituelle du monde.
«Ce qui est remarquable chez cette véritable pionnière c'est que, si elle a rejeté l'influence de l'art occidental, elle n'a, contrairement à d'autres, retenu aucune des formes de l'art musulman, si ce n'est une légère utilisation de la calligraphie dans ses premières gouaches, signale le galeriste. Et cela, bien qu'elle ait été éblouie par l'architecture et l'art islamiques, découverts lors de son séjour de sept mois en Égypte, où elle s'était rendue en 1943», fait-il remarquer. Ce dernier estime, néanmoins, qu'elle a «enregistré, dans son inconscient, les couleurs éclatantes et fortes de l'art égyptien pharaonique».
Une palette que cette artiste «au sens inné de la couleur» va accorder, magnifiquement, aux formes géométriques.
Des formes, traitées en modules, à la fois répétitifs et variés qui, outre l'harmonie de leur rapport à la couleur, s'inscrivent sur la toile de manière à abolir toute distinction entre ces éléments et le fond.
Une manière de formuler sa conception spirituelle du Tawhid soufi - processus qui consiste à partir de la multiplicité vers l'unité - à travers l'indissociation de la forme et du fond dans ses compositions.
Cette «sensibilité» va donner à ses œuvres une perfection véritablement remarquable... Qui justifie pleinement le titre de la présente exposition «Noble forms» (Formes nobles), consacrée donc à un travail qui chevauche la période Beyrouth-Paris-Beyrouth, soit 1946-1948 puis 1948-1951 et 1951-1956.
Après 1960, cette dame, née en 1916, arrête pratiquement de peindre pour se tourner exclusivement vers la sculpture. Et expérimenter ainsi la forme non seulement bidimensionnelle, mais également
tridimensionnelle.
On retrouve d'ailleurs dans les peintures exposées les prémices de relief, et cette imbrication des formes et des modules, qui signeront la facture de ses sculptures.
«On peut dire que ces œuvres-là ont fait le lit de son travail sculptural couronné de nombreux prix au Salon d'automne du musée Sursock», soutient en conclusion Joseph Tarrab. Lequel regrette, cependant, que Saloua Raouda Choucair n'ait pas eu la reconnaissance internationale qu'elle méritait, et qu'elle aurait certainement eue si elle était restée à l'étranger. Pour son authentique œuvre de création d'envergure internationale!

* L'une d'elle trône dans le square face au bâtiment de l'Unrwa, au centre-ville.
** Saifi Village. Horaires d'ouverture : du mardi au vendredi de 14h à 19h. Les samedis de 12h à 17h. Tél. 01/991212.
De l'œuvre de Saloua Raouda Choucair, on connaît surtout les sculptures. De magnifiques pièces, souvent d'allure totémique,* souvent construites par éléments géométriques, imbriqués et modulables, sculptés aussi bien dans le bois, la pierre, le métal ou le cuivre. On connaît moins les peintures abstraites,...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut