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Santé - Sexualité

Quand la dysfonction érectile n’est que la face cachée de l’iceberg

Plus qu'un problème touchant uniquement à la virilité, la dysfonction érectile est une manifestation d'autres pathologies organiques : le diabète, l'excès de cholestérol ou de triglycérides, ou encore l'obésité. Ce trouble constitue toutefois l'entrée en matière d'un chapitre plus important : la santé de l'homme.

La dysfonction érectile est encore entourée de tabou. Les hommes ont du mal à aborder le sujet avec un spécialiste. Ils ont commencé à le faire à cause de leurs conjointes qui s’en plaignent.Photo seaweedmalaysia.files.wordpress.com

Il y a une dizaine d'années, un nouveau concept, celui de « la santé de l'homme », a commencé à faire son chemin au sein de la communauté médicale. La raison ? « Le développement démographique observé au cours des six dernières décennies qui s'est d'ailleurs accompagné d'une augmentation drastique de la moyenne d'âge des hommes, dont l'espérance de vie a augmenté de près de vingt années », comme l'explique à L'Orient-Le Jour le Dr Aksam Yassine, membre de l'Association européenne d'urologie et président de l'Institut d'urologie et d'andrologie à l'hôpital Segeberger Kliniken à Norderstedt-Hambourg, en Allemagne.
« Cette hausse de l'espérance de vie a été accompagnée de la survenue de maladies spécifiques à la gent masculine, le cancer de la prostate à titre d'exemple, ainsi qu'une augmentation du taux des maladies cardio-vasculaires et métaboliques observées chez les hommes à un âge plus jeune et l'augmentation des décès dus à ces maladies », poursuit le Dr Yassine, cofondateur de ce nouveau concept, aux côtés du Dr Ridwan Shabsigh, directeur du département d'urologie au centre médical de Maïmonide à Brooklyn et professeur d'urologie clinique au Collège des médecins et chirurgiens de l'Université Columbia, à New York, aux États-Unis.
« L'idée derrière le concept de la santé de l'homme c'est de faire la différence entre la moyenne d'âge chronologique et la moyenne d'âge de santé, qui signifie l'âge maximum qu'un homme peut vivre en bonne santé, c'est-à-dire en développant le moins de maladies possibles et sans avoir recours aux médicamentations. Or l'écart entre ces deux moyennes d'âges est énorme et varie actuellement entre quatre et douze ans selon les pays et les sociétés », note le Dr Yassine, en marge d'une conférence organisée par les laboratoires Bayer sur le thème « Les hommes vivent moins et souffrent plus ».
La jalousie constitue elle aussi l'un des motifs qui ont abouti à la création de ce concept. « Les femmes ont été pionnières dans le domaine de la santé, insiste ainsi le spécialiste. Dès les années 1950, plusieurs mouvements appelant à une prise en charge de la santé de la femme ont vu le jour. Il s'est ensuit la fondation de plusieurs associations dédiées à ce secteur. Le National Institute of Health (NIH) aux États-Unis, à titre d'exemple, consacre 3 milliards de dollars de son budget annuel, qui s'élève à 27 milliards de dollars, pour mener des recherches sur les maladies spécifiques à la femme comme les cancers du sein et de l'utérus, les cancers cervical et ovarien, ainsi que d'autres maladies. Au NIH, un bureau pour des études sur la santé de l'homme n'a pas encore été fondé à ce jour. »
Et le Dr Yassine d'affirmer : « Les femmes prennent mieux soin de leur santé que les hommes. D'ailleurs, leur espérance de vie est supérieure à celle des hommes de près de six ans. Le problème des hommes c'est qu'ils se prennent pour des héros. Par conséquent, ils ne consultent leur médecin que lorsqu'ils se sentent mal. En Allemagne à titre d'exemple, les statistiques ont montré que près de 60 % des hommes rencontrent le médecin pour la première fois en salle d'urgence. »

Les défis à relever
Dans le cadre de ce concept, l'Association internationale pour la santé des hommes a vu le jour. « Environ 150 spécialistes de quelques pays européens participaient aux congrès de l'association, constate le Dr Yassine. En 2009, nous avons été surpris par la participation de 1 000 professionnels de quatorze spécialisations différentes, venant de plus de 70 pays. Nous nous attendons à avoir plus de 2 000 spécialistes au cours de notre prochain congrès qui se tiendra du 28 au 30 octobre à Nice, en France. »
Les travaux de ce congrès seront axés sur les défis à relever en matière de santé de l'homme. « Il s'agit premièrement d'éduquer les hommes dans ce sens et de faire en sorte pour les convaincre de la nécessité à consulter leur médecin, indique le Dr Yassine. En deuxième lieu, il faudrait sensibiliser les spécialistes à la santé des hommes, d'autant que c'est une prise en charge multidisciplinaire. Le troisième défi se situe au niveau des gouvernements. Il est indispensable d'avoir des départements et des centres qui se consacrent à ce domaine. Il faudrait enfin introduire cette matière dans les cursus universitaires. »

Maladies sous-jacentes
La dysfonction érectile constitue la porte d'entrée à la santé des hommes, parce qu'un problème à ce niveau va inciter ces derniers à consulter leur médecin et, par conséquent, à diagnostiquer d'autres maladies à un âge plus jeune. « Il y a deux décennies, les hommes allemands, à titre d'exemple, consultaient leurs urologues pour la première fois aux alentours de leur soixante-huitième année, fait remarquer le Dr Yassine. Actuellement, ce sont des cinquantenaires qui viennent consulter pour une dysfonction érectile. »
Loin de se limiter à traiter cette pathologie « évidente », le Dr Yassine insiste sur la nécessité de trouver le problème de santé à l'origine de cette dysfonction érectile. Il explique ainsi qu'une étude menée à Hambourg sur trois ans, ayant englobé 771 patients souffrant de dysfonction érectile et venus consulter pour la première fois, a montré que 18 % d'entre eux avaient un déficit en testostérones, 35% avaient le diabète, 31% souffraient d'hypertension, 21% d'excès de triglycérides, 14% de maladies cardio-vasculaires et 30 % avaient des problèmes de la prostate.
« Qu'un homme consulte pour une dysfonction érectile est une occasion pour améliorer sa santé globale et lui administrer le traitement médicamenteux adéquat, note le Dr Yassine. Les médicaments disponibles actuellement sur le marché pour traiter la dysfonction érectile améliorent l'état du patient de 63 à 80 %. Mais ce qui compte le plus, c'est le choix du bon traitement, suite au bon diagnostic, d'où l'importance d'une bonne relation entre le patient et son médecin. Limiter le traitement à ces médicaments n'est pas bénéfique au patient sur le long terme. Il faut rechercher la cause de la dysfonction érectile, d'autant que les études ont montré que dans 31 % des cas, une modification du mode de vie (perte du poids, adoption d'une alimentation saine et d'une activité physique modérée...) peut résoudre le problème, sans que le patient n'ait besoin de recourir aux médicaments. »

La dysfonction érectile
Qu'est-ce que la dysfonction érectile (DE) ? « C'est l'incapacité durable d'obtenir et/ou de maintenir une érection suffisamment rigide et constante pour permettre un rapport sexuel satisfaisant », répond le Dr Yassine, soulignant que jusqu'aux années 1980, les troubles psychologiques étaient considérés comme étant à l'origine de la dysfonction érectile dans 80% des cas. Depuis, le consensus s'est inversé. « Cela reste vrai chez les jeunes, ainsi que chez les hommes souffrant d'anxiété, puisque 93 % d'entre eux ont ce problème de DE, mais chez les adultes, les causes majeures de la dysfonction érectile restent organiques et englobent des pathologies comme l'excès de triglycérides, la dyslipidémie, le diabète et la résistance à l'insuline », souligne le spécialiste.
Une DE peut également être observée chez des patients ayant subi une prostatectomie, une chirurgie vasculaire du bassin ou une intervention due à un cancer du rectum ou à une fracture du bassin. Certains médicaments comme les neuroleptiques, les antidépresseurs, les diurétiques, les antihypertenseurs (sauf ceux appartenant à la famille des inhibiteurs de l'enzyme de conversion) et les bêtabloquants peuvent entraîner à leur tour une dysfonction érectile, ainsi que certaines maladies neurologiques, comme la maladie de Parkinson, la sclérose en plaques ou l'épilepsie, des troubles psychologiques tels que l'anxiété ou une dépression, ou encore l'obésité, le tabagisme, l'alcoolisme et la drogue.
« L'obésité viscérale est dangereuse, prévient le Dr Yassine. Selon les recommandations internationales, le tour de taille de l'homme ne doit pas dépasser les 94 cm. Dans le cas contraire, le risque de développer des maladies cardio-vasculaires est triplé. »
La dysfonction érectile est une maladie beaucoup plus fréquente qu'on ne le pense. Elle peut toucher les hommes jeunes et moins jeunes. Son  incidence augmente avec l'âge pour affecter 48 % des hommes âgés de plus de 50 ans. « La maladie n'est pas fatale, assure toutefois le Dr Yassine. Mais elle affecte la qualité de vie notamment sexuelle de l'individu. »
Et le médecin d'ajouter : « Le trouble est facile à traiter, mais il faudrait en parler. Ce qui n'est pas toujours évident, en raison du tabou qui frappe cette pathologie. En effet, les hommes ne se sentent pas confortables pour aborder le problème. Ils ont commencé à le faire à cause de leurs conjointes qui s'en plaignent. Mais au cours de la dernière décennie et avec la mise sur le marché de la pilule bleue, une révolution a été notée. On a commencé à parler ouvertement du problème. Toutefois, ce tabou persiste dans le monde, mais il est prévalant surtout dans les pays arabes où les hommes refusent d'admettre qu'ils peuvent avoir des problèmes de ce genre ou être la cause d'un couple stérile. Or ils le sont dans 30 % des cas. »
En ce qui concerne le traitement, il est global et consiste à prendre en charge la DE et les autres pathologies. La chirurgie est indiquée dans des cas rares, pour effectuer une revascularisation artérielle ou pour réduire les fuites veineuses.
Et le Dr Yassine de conclure en appelant les spécialistes à « être attentifs aux pathologies sous-jacentes à la dysfonction érectile et à avoir une approche holistique de la santé de l'homme ».
Il y a une dizaine d'années, un nouveau concept, celui de « la santé de l'homme », a commencé à faire son chemin au sein de la communauté médicale. La raison ? « Le développement démographique observé au cours des six dernières décennies qui s'est d'ailleurs...

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