Monsieur Tout-le-Monde s'est très vite rendu compte de la transformation et cherche depuis l'avènement de cet âge de la connaissance à multiplier les diplômes et les certificats pour attester qu'il contrôle du savoir. Aujourd'hui, de plus en plus de professionnels cherchent à ajouter la mention « PhD » à la suite de leur nom sur leur carte de visite alors que dans les années soixante une licence était considérée comme le summum des études et que dans les années quatre-vingt la maîtrise constituait un réel avantage compétitif.
Les dirigeants d'entreprises par contre ont plus de mal à se faire au changement. C'est qu'ils sont imprégnés de principes managériaux qui se fondent sur la conception de firme machine qui s'est développée avec l'essor de l'âge Industriel. Ces théories accordent une place très particulière aux hommes et femmes qui travaillent dans les entreprises : il s'agit de rouages nécessaires mais remplaçables comme le sont toutes les pièces de machine. Ce rôle d'accessoire est renforcé par le traitement comptable qui est réservé à la force de travail. Les salaires sont considérés comme des coûts alors que les prix d'achat de machines sont enregistrés au titre d'actifs. Ainsi, on investit dans une machine alors qu'un coût doit être autant que possible minimisé. Cette catégorisation explique nombre d'excès des pratiques modernes du management. Elle a surtout le mérite de mettre en exergue que le passage à l'âge de la connaissance s'accompagne d'un changement radical des relations au sein de l'entreprise. En effet, si la capacité des personnes à créer et/ou innover constitue le nouveau gisement de richesses de l'entreprise, alors dans ce cas, le salaire n'est plus à considérer comme un coût mais comme un investissement. Selon le même raisonnement, les sessions de formation qui sont offertes aux employés méritants ne constitue plus une récompense, mais une nécessité... D'ailleurs, comment savoir si un employé est vraiment méritant ? Dans un tel système, la valeur ne se calcule plus sur la base de la quantité, mais de la qualité produite. Et comment savoir si la personne est en train de fournir une qualité optimale ?
Ces questions font entrer l'entreprise dans les méandres de la comptabilisation du tangible et de l'intangible. Il est évidemment assez difficile de calculer ce qui ne peut être quantifié et la réponse à ce paradoxe se trouve peut-être dans une définition qui place la compétence des entreprises à la croisée du savoir, du savoir-faire et du savoir-être. Cette approche modifie complètement la conception de la firme-machine en faisant du relationnel l'un des éléments-clefs de la dynamique des entreprises. Elle laisse entendre que le meilleur moyen de fidéliser les employés de l'âge de la connaissance est de leur donner l'envie de travailler exclusivement pour la firme qui les emploie ; de les rendre heureux d'être où ils sont.
*Spécialiste en stratégie et théorie des organisations - Centre de recherche, d'études et de développement (CRED) de l'ESA.
En coopération avec : ESA