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Économie - Éclairage

Gouvernance économique : Paris et Berlin n’ont pas les mêmes priorités

La ministre française de l'Économie Christine Lagarde demande aux États qui réalisent des excédents commerciaux de « faire un petit quelque chose » pour les autres.

La ministre française de l’Économie Christine Lagarde a critiqué directement la politique commerciale de l’Allemagne.Francois Lenoir/Reuters

En soulevant le problème de l'insolent excédent commercial allemand, la France veut poser les bases d'une gouvernance économique européenne qui s'attaque à tous les déséquilibres, au moment où Berlin plaide essentiellement pour une plus grande discipline budgétaire.
Alors que les projecteurs sont braqués sur la Grèce et ses déficits abyssaux, la ministre française de l'Économie Christine Lagarde a ainsi ouvert un nouveau front, visant directement la politique commerciale de l'Allemagne.
Dans le Financial Times de lundi, elle demande aux États qui réalisent des excédents commerciaux de « faire un petit quelque chose » pour les autres. « Chacun doit y mettre du sien. (...) Nous avons besoin d'une meilleure convergence », ajoute-t-elle, tout en reconnaissant qu'il s'agit d'un « sujet sensible » que Paris et Berlin « n'évoquent pas aisément ».
En cause, la compétitivité allemande, qui passe par une très forte modération salariale. « Je ne suis pas sûre que ce soit un modèle viable à long terme et pour l'ensemble » de la zone euro, glisse Christine Lagarde.
Dans l'entourage de la ministre, on assure qu'elle « n'est pas partie en guerre contre l'Allemagne » et que ce sujet n'est pas une « urgence ».
« Mais il est vrai qu'on ne veut pas que la discussion sur la gouvernance économique de la zone euro porte seulement sur les déficits budgétaires, il y a aussi d'autres déséquilibres », reconnaît-on à Paris, relevant qu'il s'agit bien d'un des points de divergence au sein du couple franco-allemand.
Alors qu'ils ne voulaient jusque-là même pas en entendre parler, « les responsables allemands ont soudainement admis, à la lumière de la crise économique et des difficultés grecques, qu'une forme de gouvernement économique de la zone euro était nécessaire », constate le directeur de l'Institut franco-allemand, Frank Baasner. Mais son contenu et ses priorités étant encore flous, une longue négociation s'amorce pour les définir.
Selon Frank Baasner, plusieurs pays, notamment du sud de l'Europe, redoutent que la récente conversion allemande ne masque une stratégie pour « imposer la vision de Berlin, axée essentiellement sur la discipline budgétaire ».
En écho aux déclarations de Christine Lagarde, le commissaire européen à la Concurrence, l'Espagnol Joaquin Almunia, a ainsi rappelé qu'il fallait « faire attention aux autres déséquilibres », comme ceux de la balance des paiements ou ceux causés par le coût unitaire du travail, « et aussi aux pays qui ont des excédents ».
Alors que la balance commerciale de l'Allemagne affiche mois après mois d'importants excédents, la France semble s'installer durablement dans le rouge. Du coup, la croissance allemande est tirée par les exportations alors que l'activité française repose sur la consommation des ménages.
« La France a un problème de compétitivité par rapport à l'Allemagne, et les Français verraient d'un bon œil qu'il y ait plus de demande intérieure outre-Rhin », résume le directeur de l'institut de recherches européennes Bruegel, Jean Pisani-Ferry.
Ce débat dépasse toutefois le seul cadre franco-allemand. Pour cet économiste, de nombreux pays frappés par la crise « auront du mal à s'en sortir si la demande intérieure ne se renforce pas en Allemagne ».
« Aujourd'hui on s'aperçoit que la conception traditionnelle de surveillance des déficits budgétaires ne suffit pas à prévenir les déséquilibres », explique Jean Pisani-Ferry, qui cite l'exemple de l'Espagne : « Ce pays avait une très bonne situation budgétaire avant la crise, ça ne l'a pas empêché de se trouver dans une situation de déséquilibre économique massif, notamment, car il avait, dès 2007, un déficit commercial extérieur de près de 10 % du produit intérieur brut ».
En soulevant le problème de l'insolent excédent commercial allemand, la France veut poser les bases d'une gouvernance économique européenne qui s'attaque à tous les déséquilibres, au moment où Berlin plaide essentiellement pour une plus grande discipline budgétaire.Alors que les projecteurs sont braqués sur la...

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